En 2003,
Mägo de Oz a déjà tout conquis. Les espagnols se sont fait remarqué en 1996 avec le surprenant Jesús de Chamberí, ont enfoncé le clou avec
La Leyenda de la Mancha, et ont tout écrasé avec
Finisterra, double-album contenant tous les tubes du groupe (
Fiesta Pagana en tête). C'est à ce moment qu'ils ont voulu tenter quelque chose de différent, peut-être plus ambitieux (même si le double-album précédent était déjà ambitieux). En 2003,
Mägo de Oz s'essaye donc à quelque chose de plus gros : une trilogie à propos de la nature. La trilogie (devenue plus tard tétralogie) a pour nom
Gaia, qui signifie "terre" en grec.
Le premier volet éponyme sort donc en 2003, chez
Locomotive Records, le label du groupe depuis ses débuts. L'artwork est une fois de plus l'œuvre du fou furieux Gaboni, dont les dessins farfelus couvrent les albums de
Mägo de Oz depuis 1998. Le fou furieux a une très forte propension à incruster des pénis un peu partout sur ses pochettes (voir
Gaia II, le summum sur ce sujet), mais il s'est retenu sur ce disque (ou on l'a retenu). Passons sur le haricot qui pilote un avion et voyons plutôt la pochette dans son ensemble. Cette forêt évoque parfaitement l'objet de le trilogie, avec cette construction au milieu rappelant aussi la présence de l'Homme. Dernière petite remarque avant de s'intéresser à la musique : pas de double-album cette fois-ci (alors que
Gaia II en est un), juste un seul disque mais bien rempli - 75 minutes.
Avec 75 minutes, les espagnols peuvent voir les choses en grand ; la simple introduction Obertura MDXX dure par exemple quatre bonnes minutes (ce qu'ils referont deux ans plus tard). C'est donc un orchestre symphonique qui nous accueille dans le monde de
Gaia, ce qui donne d'emblée un côté épique, nouveau chez
Mägo de Oz, qui restera durant tout l'album. On embraye vite sur la première chanson, l'éponyme, qui est l'un des morceaux phares de l'album. Quatre notes au piano, toutes simples, mais sournoises et malsaines, qui se retrouvent bientôt accompagnées par la flûte puis la douce voix de José Andrëa. Voix qui reste douce que peu de temps, avant d'atteindre son allure normale, soit à mi-chemin entre le clair et le hurlé. Le disque est parsemé de ces cris aigus et écorchés dont il a le secret.
Côté musique,
Mägo de Oz assure avec des guitares incisives et une partie rythmique solide, tandis que le duo violon-flûte donne plus de légèreté à l'ensemble. L'alliance de ces deux instruments crée un son unique, marquant véritablement l'identité du combo. Du côté des paroles (par le batteur Txus di Fellatio) on prend évidemment la défense de mère nature, avec comme toujours des références à la religion catholique. Le groupe a toujours voulu critiquer les paroles de la religion, et on le voit bien ici : "Confieso que amé y creí en Dios, De los pobres, justo y moral".
Vient le moment des soli, où la guitares s'envolent dans tous les sens. Rappelons que si
Mägo de Oz fait dans le folk metal, ils restent néanmoins très influencés par le heavy metal, notamment par Iron Maiden. D'où la tradition d'un solo par guitariste, et comme les espagnols en ont trois, ça fait beaucoup de soli. Ce long morceau se termine enfin par des cris déchirants, tandis que la mélodie de piano du début revient.
Le milieu de l'opus comporte neuf titres aux durées plus conventionnelles, mais néanmoins recherchés. On s'éloigne à ce moment-là des chansons simplement faites pour être retenues par le public et jouées en concert. Les morceaux figurant sur cet album sont d'ailleurs rarement joués dans les concerts après 2005, alors qu'ils sont tous de qualité.
En témoigne un excellent
La Costa del Silencio, parfait compromis entre une musique simple à appréhender mais riche dans ses mélodies. La voix de José est impeccable, convainquante et pleine de sensibilité. L'équilibre entre le heavy et le folk est impeccablement respecté, avec toujours cette alliance magique violon-flûte, vraiment propre à la musique de
Mägo de Oz. Le refrain est de plus très entraînant et les mélodies simples à retenir. La rythmique est très agréable, presque tribale. Le milieu du morceaux voit un passage plus sérieux, avec un piano et des chants décalés, du meilleur effet.
Dans un registre plus heavy / power arrive un très bon Van a Rodar Cabezas, qui est un réquisitoire contre la colonisation espagnole en Amérique latine. Le morceau comporte une énorme partie instrumentale, où les claviers, le violon, la flûte, et enfin la guitare s'en donnent à cœur joie pour un solo titanesque. Les claviers sont d'ailleurs très présents sur ce morceau et créent un contraste avec les instruments plus "joyeux".
Dans le même ordre d'idée il y a le rapide La Conquista, où des claviers massifs donnent tout son corps à la mélodie. Encore un morceau efficace, assez facile d'accès, mais qui reste toujours plaisant après des dizaines d'écoutes.
Alma est peut-être le meilleur morceau de cet album.
Pas le plus long, mais probablement le plus recherché, voire le plus progressif. Il y a tant de choses à l'intérieur de ce morceau, mais tout est organisé avec une cohérence remarquable. Les lignes de chant sont excellentes, mais le grand intérêt du morceau réside dans son passage instrumental, d'une richesse inouïe.
La
Leyenda de la Llorona parle, vous l'aurez compris, d'une légende, celle de la pleureuse. La chanson est basée sur une musique traditionnelle d'Amérique centrale ; quant à la légende, elle évoque une sorte de dame blanche, pleurant les nuits de pleine lune et attirant les pauvres villageois à elle, que l'on retrouve morts le lendemain matin. La musique est beaucoup plus joyeuse, comme il sied bien à
Mägo de Oz, et on succombe vite au rythme entraînant de ses percussions et de la magnifique mélodie encore une fois au violon et à la flûte.
Une dernière petite ballade, Si te Vas, simple mais tellement touchante, et on arrive au titre final, La Venganza de
Gaia, clôturant le premier acte de la trilogie.
Mägo de Oz continue comme il le fait si bien, mélangeant habilement passages heavy metal et passages plus calmes et folkloriques. On remarque parfois une atmosphère plus sérieuse, plus grave, afin de mieux coller au sujet des paroles. Tout est impeccablement ordonné, c'est admirablement composé, comment ne pas se laisser envoûter ?
Gaia est encore un chef d'œuvre à mettre sur le compte des espagnols de
Mägo de Oz. Le combo a réussi à s'éloigner de la recette qui avait marché jusque-là, et améliore encore sa musique. Je considère personnellement cet album comme le point culminant de leur carrière, la suite étant un poil moins bonne. Une chose est sûre,
Mägo de Oz ne s'est pas reposé sur ses lauriers et a préféré regarder vers d'autres horizons. On est plus proche sur cet album de l'Amérique latine que de l'Espagne, et cela contribue à la richesse du disque. On y voit apparaître en filigrane une musique plus ethnique de même que quelques rythmiques tribales.
Mägo de Oz a aussi réussi à se détacher de l'image de groupe festif qui lui collait à la peau. En jouant une musique sur des sujets plus graves, l'ensemble à atteint une dimension supérieure. L'album impressionne aussi par sa richesse intrinsèque. Les morceaux sont variés et il est impossible de s'ennuyer malgré la longueur de l'opus. Ce premier volet de la série
Gaia est indéniablement une belle réussite.
Pour Gaia III et l'épilogue je ne les ai jamais écouté en entier, donc je ne saurais pas dire, mais les extraits ne m'avaient pas franchement convaincu.
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