C'est en qualité de séducteur que le groupe vient parsemer en notes endiablées les douze pistes de son premier album. Modeste par sa carrière encore en demie-teinte, celui-ci nous invite au voyage avec pour seuls bagages une démo et quelques titres à son actif. Cette fois, la densité du contenu aidant, l'opus se veut résolument impactant et porteur d'un message d'espoir, comme le laisse suggérer l'artwork de la pochette conçu par Mattias Norén. La jeune fille semble vouloir à tout prix se dégager de l'emprise de ce nuage de cendres qui l'étreint. Par son regard inquiet, elle paraît appeler de ses voeux une aide divine. Cette image suffit à nous renseigner sur les intentions et les espoirs que le groupe nourrit à travers ce projet.
Dans ce dessein, le jeune quintet allemand de metal symphonique a misé à la fois sur des arrangements bien sculptés et sur un élégant jeu d'écriture. Plutôt soignés, production et mixage ont été laissés aux soins de Andy
Horn et réalisés au
Red Room, studio qui a vu passer
Edenbridge, entre autres. Fort de cette signature technique, l'espoir pour le groupe d'une évolution artistique est alors permis.
Animés par une pulsion créatrice commune, à la lumière de cette entame de longue durée, les cinq compères semblent s'embarquer dans une aventure épique au long cours. Les subtils accords qu'ils nous livrent dans leur sillage, les effets de contrastes qu'ils dispensent, les énergiques impulsions rythmiques qui pénètrent l'espace sonore, sont autant de signes témoignant de leur désir d'en découdre.
A bord de cette petite goélette, chacun oeuvre dans sa partie avec détermination pour nous amener à bon port. Aux commandes, le guitariste Chris Gutjahr et le claviériste et vocaliste Lukas Palme se partagent les ficelles des arrangements. Viennent en renfort instrumental, le bassiste Jens Hartwig et le batteur Erik Seitz. Le gouvernail vocal, quant à lui, est laissé aux mains de la chanteuse Maike Holzmann. Toutefois, sur de nombreux passages, est mis à l'honneur le schéma classique de la Belle et la Bête. Celui-ci autorise de réelles mises en relief entre la voix claire, mais non lyrique de Maike et les grunts angoissants de Lukas.
Dans la lignée orchestrale de
Sirenia, on pénètre dans un environnement symphonique dense et souvent ponctué par une rythmique mordante et des riffs fougueux. Dans ce cadre instrumental, l'accroche s'effectue la plupart du temps sur les refrains. L'imposant "Ray of
Hope" le prouve par son inaltérable tapping venant à contre-point de refrains fruités délicatement mis en lumière par le timbre acidulé de l'interprète. Pourtant plus sombre, "Endeavour to
Live" n'en est pas moins tonitruant. Ses refrains jouissent également d'une belle lumière mélodique. S'y ajoutent des parties instrumentales techniques mêlant une guitare pimpante et un synthé reptilien sur fond de riffs écorchés. On aurait cependant souhaité plus d'amplitude vocale chez Maike pour nous convaincre de l'efficacité de ce titre. On ne reste pas de marbre non plus sur les refrains habités du frétillant "
Return From the Ashes". Aux riffs emportés répondent en écho un petit solo de guitare et le même duo vocal. L'exercice se répète aussi sur l'outro "Not the One". Pêchu à souhait, ce titre nous dispense des refrains catchy avant que de crocodiliens grunts viennent nous cueillir, un peu malgré nous. Enfin, les synthés serpentent le long d'un chemin mélodique saisissant et on n'évitera pas, là non plus, un ultime solo de guitare.
Par moments, la rythmique baisse d'intensité pour nous convier à des instants moins typés metal symphonique. Sans témoigner d'une baisse du niveau d'inspiration, ces pistes attirent par leur climat suave. Aussi, l'invitant "
Apathy" nous octroie de sulfureux couplets tout en faisant évoluer des riffs devenus rondelets, comme le ferait
Xandria. A la souplesse de la rythmique répondent d'ondoyantes nappes synthétiques et de joyeux choeurs d'enfants, le tout ponctué d'agréables arpèges à la guitare. Cette rythmique se fait même timide par instants, comme sur "Bitter
Visions" où une légère progressivité emplit l'espace sonore. L'affectueuse caresse vocale féminine enjolive couplets nuancés et refrains bien customisés sur une plage sereine. Celle où précisément un piano fringant déploie ses ailes, prêt à laisser glisser ses notes dans notre espace auditif.
Pour ceux qui rechercheraient une empreinte vocale plus affirmée, ils apprécieront "
Red Winter's Snow". En effet, la voix haut perchée de l'interprète s'inscrit harmonieusement dans ce morceau richement orchestré, aux riffs rêches et au taping bien marqué. Aussi, la composition est d'autant plus convaincante que la ligne mélodique d'ensemble est fluide et que les refrains s'inscrivent dans une belle palette de nuances.
Dommage que cet exercice de style ne soit pas plus fréquent pour des morceaux pourtant intéressants sur le plan technique. Le titre "Icecold" en est un exemple. Effectivement, bien qu'installée confortablement sur cette piste au rythme syncopé et où s'y exprime un joli solo de guitare, la voix aérienne de la jeune chanteuse ne s'impose pas vraiment. Malgré les refrains entraînants où elle s'inscrit, un manque de tenue de voix évident sur la durée s'observe. Ce qui permet aux grunts d'envahir presque entièrement l'espace vocal. Même constat sur le brûlant "Twisting the
Knife". Ce morceau, aux arrangements inspirés, où les riffs mitraillent littéralement et où la basse se fait claquante, offre là encore bien peu d'occasions à l'interprète de monopoliser le micro.
Enfin, bien que débordant d'une énergie communicative, certains morceaux compensent une petite carence mélodique par une empreinte vocale caressante. C'est le cas du bouillonnant "All
Eyes On Me", dont les riffs impitoyables suivent pas à pas une féroce rythmique. Malgré la subtilité des notes modulées par l'interprète, les harmonies s'avèrent trop linéaires pour en permettre une mise en valeur optimale. En outre, on aurait pu se passer de grunts qui, ici, surchargent l'ambiance.
Au final, pourtant bien travaillé sur le plan instrumental, l'ensemble est émaillé d'enchaînements parfois imprécis, d'un manque de prise de risques sur les soli et surtout d'une partie vocale qui peine à convaincre. Ainsi, on reste quelquefois sur sa faim concernant le chant féminin. Côté grunts, l'exercice est plus probant certes, mais le combo aurait gagné à ne pas laisser la "bête" prendre l'ascendant sur la "belle" pendant certains passages.
Une première oeuvre non dénuée de charme que nous présente le groupe, mais qui devra néanmoins puiser ses forcer dans une inspiration plus féconde encore pour nous retenir plus longuement. Si ses intentions sont louables, le combo devra donc prendre le temps de laisser mûrir son projet, en y apportant notamment les finitions ainsi qu'une pointe d'originalité qui font défaut dans cette stimulante production.
Pareil pour le partage des voix. Autrement cet album est vraiment très bon et annonçais en 2010, une flagrante progression pour la suite.
En fait, au-delà de l'instrumentation, au demeurant honorable, il s'agit surtout des enchaînements inter pistes qui me font tiquer et m'incitent à penser que les finitions devront être améliorées pour faire de cet intéressant ouvrage une oeuvre majeure (avant-dernier paragraphe). Pour l'instant, après de nombreuses écoutes approfondies, par rapport aux sources citées, sur ce plan, on est encore un cran en-dessous, même si on n'en est plus aux balbutiements.
Pour le partage du micro entre nos deux acolytes, j'aurais aimé une mise en relief plus marquée de la partie féminine, plutôt agréable, par rapport aux grunts, qui ont néanmoins leur rôle à jouer dans cette pièce.
Pour ma part, on a ici une belle amorce artistique d'un solide groupe en devenir, mais le décollage attendu se fera davantage à partir de l'album suivant, que je te conseille également de découvrir. Certains passages valent leur pesant d'or!
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