Liste des groupes Thrash Technique Depressive Age First Depression

Depressive Age est un groupe qui, avant même la réalisation de ce premier album, a un passé plutôt chargé.

Il faut savoir que dans leur formation originale, ce groupe de Berlin Est existait depuis 1984 sous le nom de Blackout. Comme pour beaucoup de groupes dans leur cas, il leur était interdit de jouer cette musique subversive à forte influence occidentale de ce côté du Mur de Berlin.

C’est alors que dans la situation politique complexe de l’époque,  que Jan Lubitzki, le chanteur, tenta en 1986 la folie de passer en Allemagne de l’Ouest.

La tentative fut vaine et la sanction inévitable tomba : emprisonnement. Ce fut un coup du pour Blackout qui erra durant deux petites années avant de finalement se dissoudre en 1988.

Seul l’événement le plus important de la fin du dernier siècle changea le destin des berlinois qui virent alors de nouvelles perspectives se dessiner.

Jan Lubitzki libéré, les allemands eurent en 1990 la présence d’esprit de tourner la page de l’histoire Blackout afin d'en ouvrir une nouvelle, celle-ci plus glorieuse, nommée Depressive Age.

Je me suis permis cette courte rétrospective en guise d’introduction car j’y vois dans leur passé la seule raison d’une telle maturité dès leur premier album. Nul doute rien qu’en lisant le nom du titre et les paroles d’« Innocent Detention » que la mésaventure du chanteur ait eu un impact fort sur leur musique.

Certes une démo et un EP précèdent ce «First Depression », mais il ne s’agissait pas d’une expérience suffisament significative pour tout expliquer.

Bref, avant de rentrer dans le vif du sujet, notons que c’est encore à l’époque Ingo Grigoleit qui assure la guitare.

Le premier fait général qui caractérise ce « First Depression » est l’étrange structure qui habille chacun des morceaux, quipeuvent être par moment complètement désarticulés pour ensuite être réglés comme du papier à musique. Les titres « Transition » et « Circles Colour Red » en sont à mes yeux de bons exemples.

Ajoutez à cela des sonorités originales ainsi que de douces mélodies éparpillées et vous obtenez un vrai album de thrash technique, en témoignent « Never Be Blind » ou encore « Autumn Times ».

Le second constat qui frappe est la dissonance entre l’extrême agressivité des riffs et le chant globalement posé. « Beyond Illusions »  pose dès l’intro passée les qualités et la polyvalence de Lubitzki face à des rythmiques en constante évolution.

Tout au long de l’album, il passe d’un chant grave dépressif à un chant clair psychédélique avec une aisance déconcertante. « Innocent Detention » qui doit personnellement lui tenir à cœur démontre même d’une réelle beauté de voix.  Sa complainte "I blame you for my misery. This little, little misery" répétée sans violence parvient même à faire culpabiliser l’auditeur sur le sort qu’il a subit. Une bien belle manière d’exercer la critique de ses contemporains.

La superposition de sa voix avec une intensité musicale intense, grâce notamment une grosse présence de Norbert Drescher à la batterie, donne un résultat étonnant et détonant.

On se retrouve avec une musique très profonde  tout en restant un thrash très pur et acéré. Le défaut habituellement attribué au thrash dit « technique » qu’est la perte de puissance n’a ici pas lieu d’être.

Depressive Age s’amuse donc à nous perturber, à nous faire perdre pied dans sa musique pour qu’on puisse s’immerger intégralement. Une fois tous repères perdus, on saisit réellement l’essence de leur musique. Toutefois, les berlinois pense à nous repêcher grâce à du son pêchu comme « The Light » et en appliquant ce principe-ci, ce sont eux-mêmes avec leur album qu’il sauve des abysses qu’ils ont eux-mêmes créés.

Bref, ils ne sont pas tombés dans le piège d’aller trop loin, dans des directions où ils ne savaient pas où mettre le pied.

« First Depression » est une grande réussite. Il pose les bases du son caractéristique que Depressive Age poussera par la suite à son apogée avec « Lying in Wait ». A certains égards, il possède même plus de caractère que son illustre petit frère grâce à un son plus brut et énervé. Les séquelles de leur temps et de ses conséquences se ressentent plus dans l’écoute de « First Depression ».

Il est dans tous les cas tout aussi indispensable que « Lying in Wait » pour les amateurs du genre mais est également un excellent compromis  pour les thrashers plus old-school jugeant « Lying in Wait » trop poussé dans le technique.