Liste des groupes Doom Death Eye Of Solitude Eye Of Solitude & Faal

Eye of Solitude compte désormais indéniablement parmi les valeurs sures du doom extrême. Justement reconnu pour une discographie de qualité initiant un mélange terrassant de doom et de death, le combo anglais amorce une expression musicale plus mélodique faisant la part belle à une mélancolie toujours plus lente et douloureuse avec leur dernier EP de 2013, Dear Insanity.



Si cette nouvelle orientation plus éthérée, flirtant d’ailleurs parfois avec l´ambiant, en avait subjugué certains et déçu d´autres, les nostalgiques de la période plus death du groupe vont devoir se faire une raison : sur ce split, Eye of Solitude présente un seul et unique titre qui n´a plus rien à voir avec le metal de la mort et s´inscrit définitivement dans la mouvance du doom funéraire.

D´ailleurs, le titre du morceau, Obseqvies, ne trompe pas, ni ces cuivres solennels aux lancinantes intonations de deuil qui ouvrent ce requiem, semblant entamer une lente marche funèbre. Le titre se met doucement en branle, au rythme de ces guitares nous engluant dans une lourdeur aussi belle que douloureuse et d’une batterie qui imprime un tempo catatonique : le moins que l’on puisse dire, c’est que le terme de funeral doom prend ici tout son sens, Eye of Solitude s’ évertuant pendant 11,43 minutes à retranscrire magistralement l’abattement, la douleur et la tristesse qui accompagnent inévitablement le deuil, mais aussi une sorte de spiritualité presque sereine qui transcende toute cette négativité, comme l’ acceptation plus ou moins consciente que la mort n´est qu’une fatalité guidée par une force implacable qui nous tétanise et nous dépasse.

Cette puissance impalpable et ce maelstrom d´émotions sont superbement incarnés par ces boucles de guitares lentes et hypnotiques, cette batterie à la lourdeur réverbérée aux âcres relents de terre, ainsi que par cette voix d’outre tombe qui pleure la détresse des proches (allant du growl le plus caverneux aux hurlements terrifiants plus typiques du registre DSBM). Evidemment, le tout est sombre et déprimant comme il se doit, mais il se dégage de ce morceau une beauté grave et majestueuse, servie tant par la mélodie figée et glaciale des riffs que par cette partie instrumentale centrale déroulant sa torpeur hébétée au fil des notes fragiles d’un piano tout en sensibilité et d’un violon dont les sanglots intemporels viennent apaiser - ou raviver, c'est selon! - une douleur toujours latente.

Si cette métamorphose risque de rebuter les fans de la première heure, force est de reconnaître que les Anglais excellent dans ce style plus épuré et atmosphérique et qu’Obseqvies est indubitablement une perle du genre qui confine au sublime, nous touchant en toute simplicité car s’adressant à nos émotions les plus viscérales.


Succéder à un tel morceau semble relever de l’exploit, mais pourtant Faal, combo de doom funéraire hollandais ayant déjà deux excellents albums à son actif, n’aura pas à rougir face à la concurrence anglaise, proposant un morceau tout aussi magistral habité d’une magie véritablement palpable, nous conviant à une traversée envoûtante du monde souterrain.

C’est un arpège aux mystérieuses résonances de brume qui entame ce Shattered Hope, escorté par ce râle guttural et paisible en retrait, gardien d’un autre monde d'où la présence humaine est exclue, le tout rappelant beaucoup Dolorian. Les Bataves excellent dans cet art sombre et sacré, nous servant un morceau plus complexe et moins répétitif que leurs homologues britanniques, aux structures moins figées qui évoluent volontiers vers les eaux sombres et délétères d’un ambiant possédé.

Le jeu de batterie est agréablement fouillé pour ce style d’habitude si monolithique, et le travail des guitares est impressionnant, tissant des notes moribondes qui s’entrelacent avec ces vocaux d’outre tombe et ces choeurs fantômes en une danse ésotérique et macabre aussi envoûtante que repoussante (ce solo halluciné et lumineux aux accents post rock en milieu de morceau qui nous plonge dans une transe semi-consciente).

A partir de 8,20 minutes, cette descente dans les limbes fait place à un silence lourd d´angoisse uniquement bercé par quelques sons diffus et indéfinissables.
Mais la mort semble n’être qu’une renaissance, car on entend alors ce doux arpège émerger du vide, montant doucement en intensité sur ce crescendo subtil de batterie; la voix se fait plus solennelle que jamais, plus mystérieuse que réellement inquiétante, orchestrant cette lente montée en puissance hallucinée qui semble marquer le début d’un nouveau voyage.
Puis les guitares nous propulsent dans une dimension stratosphérique, définitivement sereine, nous chavirant de leurs mélodies presque spatiales en même temps que, paradoxalement, les riffs se font plus saccadés, la batterie plus rapide et les vocaux plus grondants.
C’est alors que tout s’arrête subitement, comme tout avait commencé, dans ce néant à la fois nihiliste et créateur impossible à appréhender pour la compréhension humaine trop limitée.



Et voila, en à peine 25 minutes, ces deux groupes exceptionnels auront chacun à leur manière incarné deux facettes complémentaires du doom funéraire, le premier nous faisant endurer les vicissitudes des ombres terrestres éplorées par le deuil dans un spleen musical lancinant, et le deuxième nous entraînant dans les méandres de l’au-delà afin d’appréhender le voyage grisant et effrayant d’une âme vers l´autre côté.
Vous l’aurez compris, la qualité musicale est excellente et l’intensité émotionnelle délivrée ici est hors du commun, faisant de ce split un achat indispensable pour tous les amateurs de doom funéraire et de musique sombre, lancinante, tordue et terriblement prenante. Vous vous demandiez quelle musique vous aimeriez que l’on passe à votre enterrement? Ne vous inquiétez pas, Eye of Solitude et Faal l’ont choisie pour vous.