Boosté notamment par des groupes comme
Electric Wizard,
Candlemass ou
Reverend Bizarre, le
Doom traditionnel jusque là à l’abri des modes et du trendisme, s’est vu propulsé style à la mode dans la deuxième partie des années 2010, l’underground y voyant peut-être un moyen de substitution efficace à opposer à l’orgie de groupes de Death techniques indigestes et de Black
Metal caricaturaux. Les festivals s’arrachent d’ailleurs depuis quelques années les vieux groupes cultes du genre ainsi que les jeunes héritiers aux dents longues.
Le
Doom / Death /
Funeral en revanche n’a jamais su mobiliser outre mesure, et malgré des albums extraordinaires signés
Esoteric,
Evoken,
Mar De Grises,
Funeral ou
Mournful Congregation, il reste cantonné dans son coin à l’ombre de
My Dying Bride, combo qui sert de minorité visible à peu près partout.
Vous aurez donc compris que
Eye Of Solitude ne joue certainement pas de la musique pour la gloire et les gonzesses. Déjà auteur de deux albums dont le très bon
Sui Caedere (le premier chez Kaotoxin Records), les productifs anglais proposent leur troisième en trois ans, justement intitulé
Canto III (2013). La longue intro de Between
Two Worlds suivi d’un départ avec guitares pesantes et growl profond posent le décor : du
Doom / Death puissant, atmosphérique et épique. Mais la première surprise tombe à 5 : 20, un tapis de double pédale enchaîné de blast-beat comme peuvent en proposer parfois les excellents ritals de
Arcana Coelestia. Hasard de la vie ou lien avéré, le sextuor a collé des paroles en italien sur ce premier titre. En fait, loin de se contenter de reprendre les poncifs du genre,
Eye Of Solitude manie avec brio le
Doom épique à la
Saturnus /
My Dying Bride, tout en y ajoutant quelques éléments purement Death.
Si je devais faire une comparaison parlante, je dirais qu’ils exploitent leur concept atmosphérique intelligemment, tout comme
Esoteric le fait avec son côté schizophrénique. De plus le sublime artwork de Giannis Nakos aide à se plonger aisément dans leur univers, avec ce dessin faisant penser à
Charon traversant le
Styx sous un ciel rougeoyant comme les enfers. Le clavier omniprésent mais jamais embarrassant joue parfaitement son rôle de « régulateur d’émotion », tout comme le chant clair de Daniel Negaoe, impeccable à tout point du vue et particulièrement prenant sur un titre comme Where The Descent Began. Ce titre est d’ailleurs doté d’une fin Black / Death semi symphonique étonnante, mais bien intégrée à l’ensemble.
Malgré des chansons très longues (quoi que, douze minutes de moyenne, ça ferait seulement une demi chanson sur le dernier
Funeralium…) on ne décroche jamais : introductions au piano, riff lancinants, accélérations trépidantes (ça fait bizarre d’écrire ça sur une chronique de
Doom), passages atmosphériques, tout s’enchaîne et s’emmêle sans coup férir. Le summum du côté immersif de leur musique est atteint sur l’introspectif I Sat in
Silence, qui donne littéralement envie d’aller se procurer une corde, un tabouret et une poutre solide.
Histoire de rentabiliser votre achat (vous ne croyez quand même pas profiter qu’un téléchargement de fichiers impersonnels va vous permettre de profiter de l’essence de ce disque ?!), Kaotoxin propose une édition limitée double CD avec un deuxième disque contenant deux EP du groupe, alors vos excuses financières à deux balles, vous savez où vous pouvez vous les mettre.
Mine de rien,
Eye Of Solitude est en train non seulement de se faire une place de choix dans la scène, mais il y apporte tellement sa patte personnelle qu’il pourrait imposer un style qu’il est en train de créer en mêlant les abysses
Doom à une furie Death
Metal intermittente.
Canto III pourrait bien coiffer au poteau les
Ataraxie,
Onirophagus,
Funeralium pour le titre de meilleur album du style de 2013. Mais, on me dit dans l’oreillette que les classements de l’année sont déjà établis dans la plupart des magasines et webzines ?????? On est à l’heure
Doom les gars, on établira le classement 2013 fin 2018, fumez un joint et détendez vous.
BG
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