Quiconque s’y connaissant un peu en black metal sait que la scène grecque a commencé à émerger parallèlement à la bourrasque noire norvégienne qui allait tout emporter sur son passage. En effet, dès le début des années 90, des combos comme
Necromantia,
Rotting Christ,
Thou Art Lord et
Varathron façonnaient l’identité black hellène, aux sonorités si uniques et particulières, à la fois chaudes, ésotériques et plus mélodiques que celles de leurs homologues scandinaves. Si nombre de ces combos fondateurs sont aujourd’hui internationalement reconnus, on oublie souvent
Kawir, formation athénienne qui voit le jour quelques années plus tard, en 1993, et ne sortira son premier album qu’en 1999. C’est sur Iron Bonehead que la horde athénienne sort désormais son septième full length,
Exilasmos, dont les six titres nous relatent toute l’horreur de la malédiction des Atrides.
Ce sont les hurlements des loups en lesquels
Zeus a transformé Lykaon et ses fils qui nous accueillent sur le premier titre. Le riffing se répète inlassablement, bien dessiné, lourd et rythmé, telle la marche inexorable de la meute, troué par la voix froide, haineuse et terrifiante de Porphyrion qui semble charrier le courroux des dieux. Le tempo est plutôt lent, et les guitares, calmes et sans éclat, possèdent ce côté à la fois entraînant et nostalgique, mais il se dégage quelque chose de cruel de ces 6,28 minutes qui nous rappelle l’intensité de cette tragédie de la mythologie grecque. Et effectivement, lorsque ce blast implacable éclate à 5 minutes, avec ce riff poignant et ces hurlements déments, la douleur est presque palpable.
Kawir propose un black assez rapide et violent, plus direct que son prédécesseur, mais qui n’oublie pas pour autant les mélodies (le pont central de Oedipus, le long et délectable Agamemnon à l’influence heavy palpable). D’une manière générale,
Exilasmos nous offre six longues compos, s’étirant entre plus de six et huit minutes, l’ensemble sonnant très varié et épique, entre moments de bravoure blastés à l’intensité ébouriffante, passages plus typés heavy et ralentissements de tempo bien amenés où soli flamboyants et choeurs païens résonnent, le tout rythmé par un batteur au jeu très complet porté sur les roulements et une basse en avant qui claque comme il faut. On reconnaît tout de suite la patte grecque, tant dans les thématiques abordées que dans ce grain de guitare si typique (Oedipus), et on pense parfois au premier album de
Naer Mataron, Up From the
Ashes, assez similaire dans ce mélange de mélodies et de violence (Tantalus au matraquage impitoyable). En revanche, les instruments folkloriques que l’on retrouvait très largement sur Father Sun
Moon ont quasiment disparu (on ne les retrouve que dans l’intro de Tiesta Diepna, ou plus largement avec la cornemuse sur Agamemnon),
Kawir se concentrant désormais principalement sur les guitares. À ce titre, notons que Thertonax et Melanaegis abattent un très bon boulot dans le domaine, livrant une flopée de riffs accrocheurs et puissants et se fendant de soli et de parties mélodiques du meilleur effet (Oedipus, Orestes).
En résumé,
Exilasmos est un très bon album dans le genre, épique, violent et mélodique à la fois, qui ne tombe jamais dans le mièvre malgré de belles envolées instrumentales et qui forme un tout solide et cohérent. Finalement, cette offrande est assez unique mais porte néanmoins indubitablement l’empreinte diabolique du black grec et devrait plaire aux amateurs de cette scène, notamment à ceux qui apprécient les premiers travaux de
Naer Mataron. Si vous êtes lassés de toute cette scène grecque orthodoxe moderne un peu impersonnelle et que vous trouvez
Rotting Christ trop mou, vous savez ce qu’il vous reste à faire, tonnerre de
Zeus !
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