On peut dire beaucoup de choses sur les Américains de
Kylesa, mais une des choses qui suscitera probablement le moins la controverse, c'est qu'ils ont su s'éloigner des choses communes et se forger une identité...
Identité sonore avec ce fameux duo de batterie, inauguré sur l'album «
Time Will Fuse Its Worth » de 2006, ce duo de chanteurs masculin-féminin Phillip Cope - Laura Pleasants s'exprimant tous deux en chant clair et chant hurlé, cette propension iconoclaste à vouloir lier ensemble, séquences planantes psychédéliques, phases punk ou stoner rentre-dedans et choses plus pop très rock indie...
Cet ensemble d'atouts soutenu par un vrai professionnalisme ajouté à un rythme de tournée forcené il y a quelques années, ont fait d'eux un groupe à côté duquel il est difficile de passer, à l'image d'un
Mastodon, d'un
Yob, d'un
Eyehategod ou d'un
Electric Wizard, dès l'instant où l'on commence à s'intéresser à la scène stoner doom-sludge et autres proches cousins crasseux.
Mais qu'en est-il de leur musique à l'instant « T », à l'heure où confortablement installé parmi les meilleurs groupes du genre depuis leur fameux dyptique (sans en être réellement un) «
Static Tensions »- »
Spiral Shadow » sortis coup sur coup en 2009 et 2010 et qui semblait être le fameux âge d'or du groupe, le premier étant une merveilleuse synthèse de ce qu'ils avaient toujours fait en plus dur, meilleur, plus rapide, plus fort (comme diraient Daft Punk), là ou le second entamait avec beaucoup de mérites une transition vers des séquences plus planantes où la puissance était quelque peu délaissée au profit des atmosphères. Depuis le groupe avait été un peu plus calme avec la seule sortie en 2013 du frustrant «
Ultraviolet » qui avait le mérite d'essayer une dérive plus planante-pop mais se perdait dans des enchaînements et une production qui mettaient peu en avant des titres pas mauvais mais dont aucun ne sortait vraiment du lot, et qui avaient raisonné chez moi un peu comme un bad trip...
Du coup, j'étais doublement impatient et à la fois quelque peu anxieux de connaître la direction que prendrait ce nouvel album «
Exhausting Fire » à la couverture assez moche, afin de savoir si le groupe parviendrait à remonter la pente et renouer avec l'efficacité.
S'il est impossible de dire que
Kylesa retourne complètement à ses amours avec cette mouture, on peut au moins dire qu'une grosse partie des errements retrouvés sur «
Ultraviolet » ont été effacés des radars avec bonheur...
Exit donc, cette informe bouillabaisse qui assourdissait les guitares et mettait tout sur le même plan, ces séquences vaguement psyché peu naturelles qui faisaient que si peu de choses convaincantes ressortaient à l'issue d'une écoute. Ici, on est revenu à quelque chose d'un peu plus traditionnel, qui permet tout simplement de retirer les bons moments des morceaux, une production, quoi... (même en forçant, j'arrive pas à pouvoir restituer un riff ou un bout de morceau d' «
Ultraviolet » de mémoire, un album que j'ai quand même chez moi!!!).
Après, il ne faut pas faire un trait complet sur ce que cet album a apporté à
Kylesa. Il était certes, à mon sens, raté, mais il amenait néanmoins une certaine assurance dans la démarche du groupe, une volonté d'accéder à des paysages musicaux moins violents et plus planants, voire même des aspects vraiment « pop » sans pour autant rendre leur musique easy-listening ou céder à la tentation du commercial, rendant en fait plus radicale la démarche faite sur «
Spiral Shadow ». Sauf que l'aboutissement de ladite démarche ne sera, au final, effective que sur «
Exhausting Fire ».
En effet, la voix claire de Laura Pleasants prend de plus en plus de place et sa voix hurlée a quasiment disparu, Philipp Cope prenant quasiment l'intégralité du chant nerveux. Le double jeu de batterie est nettement plus discret (à tel point qu'on peut parfois se demander s'il est encore objectivement 100% nécessaire au groupe, hormis d'accentuer un certain coté tribal), et c'est tant mieux puisque ce qu'il apportait à un album comme «
Static Tensions » se serait sûrement avéré rébarbatif à force. Mais, le fait est que l'équilibre a au passage été trouvé et que l'album regorge de bons morceaux aux entités propres.
L'ensemble des meilleurs morceaux se retrouve d'ailleurs concentré au centre de l'album, à l'image de l'ogive stoner-doom entraînante et assez traditionnelle qu'est « Shaping the Southern Sky », en contraste parfait avec la voix claire et apaisante de Laura Pleasants sur toute sa durée, le très kylesesque «
Lost and Confused », doux-amer au refrain tonitruant dans la lignée d'un « Unknown Awareness », ce bijou pop-psyché qu'est « Falling » qui parvient à éviter la niaiserie d'un chouia mais n'en ressort que grandi. On mettra en avant ce clin d’œil au passé avec «
Inward Debate » qui est une sorte de parenthèse semblant surgie tout droit du sludge de leurs débuts (Marty McFly, es-tu là?), un «
Blood Moon » aux accents black ou encore le Floydesque « Moving Day » qui met en avant le chant clair de Philipp Cope. Mais, s'il fallait retenir un seul titre pour faire la synthèse de ce qu'est capable de faire le
Kylesa actuel que l'ancien n'aurait su faire, on prendrait le dernier «
Out of my Mind », espèce de pop tirant sur le rock et se terminant sur un cataclysme punk...
Peut-on dire que nous tenons là l'album parfait des Géorgiens ?
Pas forcément puisqu'il est tout de même quelques défauts qui ressortent, un «
Crusher » assez faiblard pour un premier titre, en tout cas loin du niveau d'un « What Becomes An
End », d'un «
Scapegoat » ou d'un «
Tired Climb », un «
Night Drive » assez opaque dans la structure, à tel point qu'on peine à savoir exactement les intentions du groupe dessus...
En revanche, il s'agit d'un album qui semble marquer un nouveau départ dans la carrière du groupe avec une capacité à mêler douceur et puissance qui se confirme de nouveau. L'évolution est notable et si la vie du groupe a toujours été jalonnée de virages importants, celui pris avec cette nouvelle mouture est assez net.
Kylesa a su prendre la mesure de ce qu'ils étaient et sans renier l'optique plus douce prise par les derniers et revenir vers des choses plus violentes (comme le font de plus en plus de groupes ces derniers temps), recadrent leur message et ressortent un album rempli de bons titres heavy, ce qui est en fait tout ce qu'on attend, mine de rien, du metal certes, non conventionnel, mais pas si élitiste non plus des Américains.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire