Des légendes de l’âge d’or du death metal US encore en activité à ce jour,
Vital Remains s’avère être celle dont la sortie du dernier support officiel remonte le plus loin dans les couloirs du temps. Quatorze longues années en effet que le groupe de
Providence RI a sorti son DVD «
Evil – Death –
Live » dans la foulée de son dernier album en date «
Icons of Evil » (2007). Selon son membre fondateur et leader de toujours Tony Lazaro, un nouvel opus est composé depuis un certain temps, mais le combo n’est pas pressé de signer sur un label et de s’enfermer en studio. Officieusement, la sempiternelle instabilité de son line-up laissant Lazaro réel seul maître à bord depuis trois décennies, affecte sans doute la faisabilité d’un tel projet pour une entité dont le job de vocaliste est également marqué par la malédiction (RIP Chris Ross, Jake Raymond et Scott Wily). En attendant ce disque messianique et son retour sur les planches des bas-fonds de l’underground une fois la peste chinoise Covid-19 terminée, hommage à ce groupe mythique via le prisme audiovisuel.
Formé en 1988 à
Providence dans l’
Ocean State autour du chanteur Jeff Gruslin, de la paire de guitaristes Paul Flynn/Tony Lazaro, du bassiste Tom Supkow et du batteur Chris Dupont,
Vital Remains participe à la gestation du death metal américain en écumant les scènes locales grimé de corpsepaint avant de sortir sa première démo «
Reduced to Ashes » à cent-cinquante exemplaires. Sa consœur «
Excruciating Pain » puis l’EP «
The Black Mass » en 1991 sur le label havrais Thrash Records laissent présager un premier full-length qui sera baptisé «
Let Us Pray » et édité sur les presses du label anglais Peaceville Records. Après la parution d’«
Into Cold Darkness » (1995) sur ce dernier,
Vital Remains paraphe un deal avec le label nordiste
Osmose Productions et se stabilise autour de Lazaro, du bassiste/chanteur Joe Lewis et du batteur/guitariste surdoué d’origine japonaise Dave Suzuki ; gang hérétique qui mettra en boîte les cultes et ultimes «
Forever Underground » (1997) et «
Dawn of the Apocalypse » (2000, avec le camé lunatique Thorn au micro). S’adjugeant ensuite les services de l’inénarrable Glen Benton de
Deicide au poste vacant et périlleux de frontman du groupe, VR vomit l’impactant et supersonique «
Dechristianize » à la gueule des disciples de Jésus en 2003 avant de récidiver quatre ans plus tard avec un «
Icons of Evil » de même acabit. Arrivé dans les bacs le 9 juillet 2007 et enluminé par une illusion d’optique de
Graal, le DVD «
Evil – Death –
Live » vient clore la liste des sorties officielles du groupe et marquer l’entame de sa filandreuse inactivité discographique ininterrompue jusqu’à présent.
Filmé au Spodek de Katowice en Pologne le 24 mars 2007 lors du festival Metalmania donné en compagnie de
Sepultura,
Entombed,
Testament et
Benediction notamment, «
Evil – Death -
Live » est un produit
Metal Mind Productions dont la réputation n’est plus à faire tant au niveau de l’exhaustivité de son catalogue de rééditions CD de perles oubliées que de la qualité matérielle indigente de ses digipacks (changez de fournisseur de colle les gars). Immortalisant le combo américain sur son premier gig de promotion d’«
Icons of Evil » en Europe, ce show présente un line-up inédit et d’appoint de
Vital Remains avec outre ses têtes pensantes et guitaristes Tony Lazaro et Dave Suzuki, les intérimaires Antonio Donadeo (
Exhumer) aux fûts, Brian Hobbie (
Internal Bleeding) à la basse et Damien Boynton (
Desolation) en position de chanteur en lieu et place de Glen Benton indisponible pour l’évènement. Occulte, blasphématoire, rapide, brutal mais aussi et telle est l’originalité de sa marque de fabrique, parcimonieusement ponctué de breaks mélodique et de riffings heavy fulgurants, le death metal de
Vital Remains invite explicitement à se défoncer les cervicales et à abjurer le nom de Christ.
Entamant les hostilités avec « Where Is Your
God Now » précédé de son introduction épique mêlant un sample du calvaire du roi des Juifs sur le mont
Golgotha tiré de « La Passion du Christ » (2004) de Mel Gibson à l’appel du muezzin irakien dans le prologue de « L’Exorciste » (1973) de William Friedkin,
Vital Remains lance la machine et semble bel et bien promouvoir «
Icons of Evil » à mesure que défilent les titres du disque. «
Icons of Evil », « Scorned », «
Born to Rape the World » ou encore «
Hammer Down the
Nails » que les américains exécutent avec puissance et précision. Mentions spéciales au vieux briscard philippino-américain Tony Lazaro assurant ses rythmiques non pas sur sa Yavcon Crucifire à LED qu’
Adam Bomb envierait entre deux pétards mais sur sa BC Rich
Beast, et à un Suzuki possédé dans ses leads et vocaux. Alors qu’Hobbie et Donadeo font honnêtement le boulot et se fondent habilement dans l’image, Boynton dénote davantage malgré sa puissance vocale et l’énergie qu’il déploie face au public polonais. Assez peu charismatique, aussi épais qu’un sandwich SNCF un jour de grève et manquant de justesse dans son occupation de la scène du Spodek, le frontman de l’Oregon est loin du niveau d’un Brian Werner, cf un soir caniculaire de juillet 2015 au Klub de
Paris où sous son impulsion prééminente, la légion satanique du Rhode
Island avait tué et enterré la centaine de motherfuckers présents dans une chaleur asphyxiante.
Constat amer ne pouvant que survenir en cours de visionnage, la setlist du soir ne fait honneur qu’aux deux derniers albums du groupe que sont « Icons.. » et «
Dechristianize », le vice étant poussé jusqu’à proposer à la suite et dans l’ordre les premières moitiés de leur tracklist respective ! Les deux opus étant sortis sur
Century Media et le DVD étant un
Metal Mind sous licence du mastodonte allemand, inutile d’avoir fait l’ENA pour comprendre que c’est une sinistre histoire de droits de la propriété intellectuelle qui empêche une quelconque référence aux années Peaceville et
Osmose, mais peut-on imaginer un concert de
Vital Remains sans la profession de foi fédératrice «
Forever Underground » ? Non exhaustif donc, partiel et même biaisé, «
Evil – Death –
Live » offre cependant un vrai grand moment avec l’intro solennelle « Let the Killing Begin » où sur un sample combinant un extrait du jugement du Christ devant Ponce Pilate tiré du film « La
Plus Grande Histoire Jamais Contée » (1965) de George Stevens et un « O Fortuna » des plus homériques du compositeur allemand Carl Orff, les cavaliers de l’
Apocalypse sont dos au pit le devil’s horn vers le ciel avant de marteler un «
Dechristianize » jouissif et conquérant puis d’enchaîner dans leur élan avec le fielleux «
Infidel » et le terrible « Devoured
Elysium » en guise de conclusion d’un show galvaudé d’un groupe cependant culte et authentique.
Motivé au choix par une intention louable ou opportuniste d’un label assez controversé dans le genre (le passif
Malevolent Creation), le faire-valoir «
Evil – Death –
Live » présente avant tout une prestation efficace et démentielle d’un combo mythique à la personnalité musicale originale et ce en dépit d’un line-up de fortune et de pathétiques restrictions légalement motivées. Qu’à cela ne tienne, ce témoignage scénique du grand
Vital Remains constitue justement l’exemple ultime d’une entité de légende invincible n’abdiquant jamais face à l’adversité et aux galères. En cela, l’un des principaux intérêts du DVD réside sans doute dans l’interview de Suzuki et Lazaro dans laquelle ce dernier en plus de narrer les premières heures fascinantes du groupe, met l’accent sur sa motivation intarissable, son abnégation indéfectible face aux modes merdiques et aux épreuves, et sa reconnaissance éternelle envers les fans. Sûr que le rebelle Tony Lazaro n’est pas prêt de jeter l’éponge malgré quelques soucis d’ordre médicaux ces temps-ci.
Forever Underground !
« I’m on this earth to play death metal.
That’s in my blood. » Tony Lazaro
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