Depuis quelques mois, la scène blackened deathcore, et dans un autre registre symphonique, s’est très largement manifestée avec de nombreuses sorties plus ou moins mémorables. Certaines formations déjà remarquées comme
Lorna Shore ou
Chelsea Grin ont confirmé leur empreinte et signent de nouvelles réussites. Mais pour d’autres collectifs, c’est le basculement d’un deathcore plutôt classique vers une musique plus morose, plaintive et oppressante qui s’opère. Parmi quelques noms, nous pouvons citer les espagnols de Bonecarver ou même les français de
Beneath An
Obsidian Sky. Simple effet de mode ou véritable évolution du deathcore, les formations et leurs disques associés n’ont cessé de foisonner en cette année si bien que l’on pourrait presque parler de saturation.
Pour
A Wake In Providence, le blackened deathcore est gravé dans l’
ADN depuis son deuxième et dernier album
The Blvck Sun || The Blood Moon soit depuis trois ans seulement, le tout sous une réussite somme toute bien silencieuse. Quatuor américain qui a notamment vu dans ses rangs l’excellentissime vocaliste
Will Ramos sur ses premières œuvres, le combo a pourtant bâti sa force sur sa seconde toile, là où le deathcore mêlé au black metal n’était pas encore popularisé, se montrait plus inédit et où assez peu d’artistes l’exploitaient. Pour confirmer sa métamorphose entreprise, nos quatre musiciens reviennent avec leur troisième opus nommé
Eternity. L’aventure avec la maison de disques OuterLoop Records s’est subitement terminée et pour cette nouvelle offrande, c’est le label Unique Leader Records qui prend donc le relai.
Sur le plan de la production, notre quatuor américain s’est encore amélioré avec une superbe finition sur les arrangements symphoniques. On ressent pleinement la peine, la douleur, la désolation à travers des mélodies mélancoliques. Parfois, elles sont complétées par un chant clair encore trop rare dans l’univers death et qui pourtant accentue ce sentiment de désespoir. C’est le cas de l’ouverture An Odyssey
Through The River avec un esprit mélodique dégagée par la voix si douce de notre guitariste D’Andre Tyre qui expose une palette élargie. La progression est somptueuse avec un orchestre tout en hauteur avec l’explosion et la première démonstration vocale d’Adam Mercer. On distingue plusieurs éléments comme ces chœurs en arrière-plan qui ajoutent une certaine tension, une sensation plus grandiloquente qui renforce d’autant plus ces tourments.
Ces orchestrations prennent parfois des tournures à la limite du cinématographique, des scènes de pure suspens et d’anxiété. We Are
Eternity voit un de ses passages où seuls quelques bruitages qui s’apparentent à des chaînes et ces notes au clavier viennent installer une atmosphère intensément irrespirable, le tout accompagné du chant écorché de notre cher chanteur. Ces instants de désarroi et d’inquiétude sont parfois parsemés au-delà de la symphonie par de brillants solos comme sur le premier mouvement
The Hunt Ov The
Wraith qui laissent présager de l’espoir au milieu de la tragédie. Il réside même du mystère dans les compositions : l’introduction du second mouvement The Book Ov The
Eldritch par ces cuivres, bois et autres chœurs persistent dans cette ambiance effarante, craintive et chagrinante et laisse apparaître quelques questionnements, presque dans un thème de fin du monde.
En soit,
Eternity regorge d’excellentes idées et affiche une orchestration dantesque, une des meilleures en termes de blackened deathcore. Mais le principal défaut de l’album réside dans l’écriture des morceaux. La présence du chant clair se fait généralement pendant les refrains et outre deux ou trois titres tels que The Horror Ov The
Old Gods qui n’en possède pas ou Siamo Legati Dal Terrore qui en propose modérément lors d’une section où on ne s’y attend pas réellement, ce timbre ne parvient plus vraiment à surprendre au fil du temps. On reproche souvent au deathcore des breakdowns de plus en plus pesant ou de plus en plus lent mais dans le cas de cette galette, ces pannes peinent à être véritablement marquantes car aucune ne se différencie due notamment à des rythmiques sensiblement similaires.
La formation américaine pourra tout de même compter sur de solides compositions à l’instar d’un Siamo Legati Dal Terrore qui témoigne de plus de technicité avec ses blastbeats mais également par ses transitions vocales entre growl, chant écorché et chant clair. Même son introduction avec la répétition hâtive du même riff de guitare rappelle quelque peu le black metal old-school d’il y a plusieurs décennies. La mélodie sait se montrer écrasante quand il le faut avec non pas un mais deux breakdowns qui offrent plus de spectacle, un schéma moins conventionnel que le reste de la tracklist. Même si la destruction et l’autorité demeurent les maîtres-mots qu’il s’agisse du travail instrumental ou vocal, on tombe aussi sur une tendance plus émotionnelle que l’on rattache en premier lieu à
Whitechapel mais que l’on retrouve aussi sur la trilogie
Pain Remains d’un certain …
Lorna Shore.
On ne peut aucunement nier l’incroyable progression de
A Wake In Providence principalement sur les arrangements orchestraux qui dédoublent ces sensations déchirantes, noircies et attristantes. L’apport du chant clair laisse place à plus de sensibilité et de poésie dans les mots et les notes de notre quatuor américain. Malgré toutes ces indéniables qualités et développements positifs,
Eternity échoue dans sa quête du mémorable et du remarquable à cause d’une plume un peu moins étonnante que par le passé. Le collectif se maintient dans les meilleurs espoirs du blackened deathcore et est clairement en bonne voie pour en devenir une référence. Reste à nos musiciens de s’en donner les moyens et de préserver ses forces actuelles.
Merci Groaw pour ta chronique, tu es ma référence Deathcore et me fait avancer peu à peu dans ce style auquel j'étais complètement fermé avant la découverte de Lorna Shore. Même si cet album a effectivement des atouts indéniables, il souffre de la comparaison avec la dernière galette du groupe précédemment cité qui va...un peu plus loin et un peu mieux à mon sens, à tous les niveaux. Mais tout de même une belle découverte qui va se réécouter encore quelques fois pour en apprécier toutes les qualités :)
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