S'il est des formations soucieuses de se laisser le temps nécessaire à la pleine maturité de leurs gammes comme de leur production avant de se lancer dans l'arène, ce quintet britannique originaire de Cambridge serait assurément du nombre. Aussi, nous ayant laissés sur le souvenir ému d'un second et rayonnant album full length, «
Constantine », le collectif ne reviendra dans la course que trois années plus tard. Et ce, muni d'un troisième effort de même acabit, répondant au nom de «
Ennea », jouissant, comme son aîné, d'une qualité d'enregistrement difficile à prendre en défaut assorti d'une belle profondeur de champ acoustique. Ce faisant, les neuf pistes de l'auto-production seraient-elles de nature à faire de nos acolytes de sérieux opposants face à leurs nombreux homologues ?
Plus encore, les 59 généreuses minutes du ruban auditif de l'offrande constitueraient-elles un arsenal suffisant pour leur autoriser, trois ans après leur sortie de terre, l'accès au rang de valeurs confirmées de ce registre metal ?
Dans ce dessein, nous embarque l'équipage de la dernière traversée au grand complet. Aussi, aux côtés du claviériste, orchestrateur et arrangeur Tom MacLean (Athemon, Psion,
To-Mera, ex-
Haken) y retrouve-t-on : Lisa Skinner (ex-Derade), interprète aux puissantes inflexions,
Constantine Kanakis aux guitares, Daniel Mackender à la basse ainsi que Paul Skinner (
Untamed, ex-Derade), mari de Lisa et batteur de son état. De cette étroite collaboration émane un propos power mélodique aussi tonitruant que solaire, aux relents progressifs, où les sources d'inspiration sont là encore à chercher dans le patrimoine compositionnel de
Frozen Crown,
Unleash The Archers,
Battle Beast,
Kobra And The Lotus,
Imperia et
Ancient Bards. Dans la lignée atmosphérique et percussive de son prédécesseur, pour l'essentiel, ce nouvel élan nous mènerait-il vers un bis repetita stricto sensu, in fine ? Mais levons l'ancre sans plus attendre, pour une croisière que l'on espère ponctuée d'ilots enchanteurs ?
A l'aune de son aîné, cet opus nous immerge dans un bain bouillonnant aux houleux remous, la plupart du temps, non sans laisser quelques traces dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le pavillon. Ce qu'attestent « Odyl » et « Reina », ''époumonants'' up tempi power mélodique aux riffs acérés et au martelant tapping, à mi-chemin entre
Battle Beast et
Kobra And The Lotus ; recelant un refrain catchy mis en exergue par les serpes oratoires de la sirène ainsi qu'un vibrant solo de guitare, et ne relâchant pas leur étreinte d'un iota, les deux pulsionnels méfaits ne se quitteront qu'à regret. Dans cette énergie, un headbang bien senti et quasi ininterrompu ne saurait être esquivé sous l'impact des sémillants arpèges d'accords disséminés et des virulents et inaliénables coups de boutoir assénés par le torrentiel et ''imperien'' « Nymphet ». Mais là n'est pas l'argument ultime de nos acolytes pour tenter de nous rallier à leur cause...
Un tantinet moins ''tubesques'', d'autres pistes instillées d'une dynamique similaire ne sauraient davantage être éludées. Ce à quoi nous sensibilise «
Poseidon », sanguin effort aux riffs crochetés, dans la veine coalisée de
Battle Beast et
Unleash The Archers ; générant une énergie aisément communicative, l'échevelant mouvement nous gratifie parallèlement de deux fringants soli de guitare et d'ondoyantes et grisantes rampes synthétiques. Difficile également de se soustraire à l'onde vibratoire insufflée par le frondeur et ''battlebeastien'' « Trickster ». Voguant sur une sente mélodique un poil plus linéaire, mais doté de grisants gimmicks guitaristiques et d'une immersive dynamique percussive, le corrosif « Destructive Descent » saura, à son tour, tirer son épingle du jeu. Débordant pourtant d'une énergie sans faille et d'insoupçonnées montées en régime de son corps instrumental, le sanguin « Artisan », lui, demeurera en retrait de ses voisins de bobine.
Quand ils nous mènent en des espaces plus tamisés, nos compères parviennent non moins à nous retenir plus que de raison. Ce qu'illustre « The Quest », power ballade déversant ses quelque 7:30 minutes d'une traversée en de doucereuses contrées ; introduit et s'achevant sur un fin picking à la guitare acoustique, glissant le long d'une rivière mélodique des plus enveloppantes sur laquelle se greffent les ensorcelantes ondulations de la maîtresse de cérémonie, et inscrivant un flamboyant solo de guitare dans sa trame, l'instant privilégié comblera assurément les plus exigeantes des attentes de l'aficionado de moments intimistes.
Enfin, lorsqu'elle dévoile son ample pièce en actes metal symphonico-progressif, la troupe trouve non moins les clés pour nous assigner à résidence. Ainsi, l'épique fresque « Clarity of
Confusion » égraine ses quelque 11:40 minutes d'une piste aux multiples coups de théâtre ; variant ses phases rythmiques et ses ambiances à l'envi sans y perdre de son invitant substrat mélodique, l'opulent propos aspirera le tympan du chaland d'un battement de cils. Mis en habits de lumière par les sculpturales impulsions de la déesse et offrant, en prime, un soufflant final en crescendo, le luxuriant élan poussera à y revenir, histoire de nous replonger dans cet océan de félicité.
A l'issue d'une traversée dans une mer le plus souvent houleuse, force est d'observer que nos cinq corsaires n'ont nullement démérité. Tout aussi frondeur que son devancier, ce troisième élan varie également ses plans rythmiques comme ses ambiances, tout en sachant maintenir l'attention du chaland constante. Un poil moins étoffé que son aîné en matière d'exercices de style et d'une efficacité mélodique en-deçà de ce dernier, ce nouvel arrivage bénéficie cependant d'une ingénierie du son rutilante, d'arrangements de bonne facture et d'une technicité instrumentale affermie. A cette panoplie s'ajoutent quelques prises de risques, celles qui, précisément, manquaient à son prédécesseur. Aussi, en dépit des réserves sus-mentionnées, ce nouvel arrivage serait-il à même de porter dès lors le combo britannique au rang de valeur confirmée de cet environnement metal. Bref, un troisième mouvement aussi solaire et frondeur qu'audacieux...
Note : 14,5/20
La vidéo de fin de chronique est très prenante. Je m'en vais écouter ça plus en profondeur.
Merci pour cette chronique toujours aussi bien écrite.
Merci pour ton retour! J'apprécie également ce 3e album, et à chaque fois davantage au fil des écoutes. Et même si, pour l'heure, je lui préfère son prédécesseur, ce nouvel élan reste néanmoins une bonne surprise.
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