Né en
2012 du fusain de la frontwoman Jelena Dobric (Hemlyn, ex-Inumbro) et du lead guitariste Melik Melek Khelifa (Hemlyn), le sextet de metal symphonique tunisois s'est révélé constituer un fer de lance pour moult formations metal locales. S'étant octroyé les talents du guitariste rythmique Yosri Ouada (ex-
Apostol), du bassiste Nesrine Mahbouli (
Raven's Feather), du claviériste Walid Bessadok et du batteur Youssef Aouadi (ex-
Brood Of Hatred), après quelques changements de line up, le combo s'est montré très actif sur la scène metal tunisienne. Ayant gagné la populaire «
Metal Asylum Battle », tenue à Tunis en août 2013, auprès de Ron
Bumblefoot Thal (
Bumblefoot, Guns’N’Roses, Art of Anarchy), suite à la réalisation de l'EP «
Persona », le collectif nord-africain a souhaité élargir le champ de son aura au niveau international. A cet effet, l'équipe a réalisé un clip relatif au single “Blinded”, élu meilleure vidéo de l'année 2015 aux African Rock Music Awards. Une carte de visite qui mérite que l'on pose un regard ou plutôt une oreille attentive à l'univers artistique de cette valeureuse et opiniâtre formation.
Face à l'engouement d'un public progressivement acquis à sa cause et à d'élogieuses critiques, le groupe a méticuleusement échafaudé ses portées, peaufiné chacun de ses accords et sculpté ses arrangements pour nous octroyer quelques mois plus tard son premier album full length, incluant en les ayant remastérisés 4 des 8 morceaux de son EP. Aussi, les 10 pistes s'égrainant sur un ruban auditif de 46 minutes nous plongent dans un metal mélodico-symphonique orientalisé aux accents rock, aux faux airs d'
Epica,
Delain, ou encore
Xandria (première mouture). Si la qualité d'enregistrement laisse encore filtrer quelques notes résiduelles et si le mix n'offre pas encore la profondeur de champ acoustique escomptée, les finitions comme les enchaînements sont au rendez-vous de nos attentes. Ces aspects logistiques encore à parfaire ne sauraient toutefois nous contraindre d'arrêter le train en marche, le set de compositions recelant quelques pépites dans une œuvre aussi techniquement et harmoniquement cohérente que forte d'un bel élan d'inspiration collectif.
Ce qui frappe avant tout, c'est cette rare faculté qu'a le combo de conjuguer un orientalisme marqué des arpèges et un metal/rock mélodico-symphonique de bonne facture. Et ce, à l'instar d'une kyrielle de passages tubesques, aussi sensuels que vitaminés et entêtants à la clé. A commencer par l'entraînant et charismatique « Blinded », s'imposant comme un hit en puissance que pourraient bien leur envier les
Delain ou
Epica de la première heure. Des gimmicks effilés d'une lead guitare bien inspirée s'infiltrent sur une sente mélodique quasi imparable dictée par un travail rigoureux sur les séries d'accords et les variations. La déesse orientale, faisant danser ses trémolos au point de nous faire plier l'échine sur un refrain catchy, complète un tableau déjà richement orné par ses arrangements, au demeurant de bon aloi. Pour sa part, l'énergisant «
Halley » est un modèle de régularité rythmique et qui, à chaque mesure, frappe fort et juste. Si l'on regrettera un synthé un peu désuet en substance, les jubilatoires volutes en voix de tête de la douce tout comme un cheminement harmonique bien amené font mouche. Quant au dynamique « Ageless », il délivre prestement une lead guitare aux accords propices au recueil de l'adhésion. Comment résister émotionnellement aux assauts répétés des célestes et vibrantes patines oratoires de la belle notamment sur un refrain susceptible de laisser quelques traces dans la mémoire de celles et ceux qui s'y seront engagés ? Un éblouissant solo de guitare surenchérit la force hypnotique d'une plage qu'on ne quittera qu'à regrets. Un coup de maître, donc...
Dans une même veine rythmique, techniquement tout aussi efficients et mélodiquement efficaces, mais un peu moins impactants sur le plan émotionnel, d'autres titres sont toutefois à retenir. Ainsi, l'offensif et envoûtant « Somebody Else » distribue ses riffs corrosifs en tirs en rafale tout en rendant délicieusement sinueux notre périple dans ce désert brûlant. Des nappes synthétiques qu'un vent de terre semble soulever s'avèrent omniprésentes et un tantinet surannées, corroborant les magnétiques envolées de la sirène des sables, cette dernière suivant une ligne mélodique plutôt engageante, à la façon de
Xandria à l'époque de « India ». Dans cette mouvance, le cinglant, orientalisant et ondulant «
Monsters », à la façon d'
Epica à l'époque de « The Divine
Conspiracy », nous transporte dans une magmatique tourmente telle une tempête de sable, nous faisant dès lors perdre nos repères, dans laquelle on se plait à s'égarer.
Lorsqu'elle se plait à jouer sur les contrastes rythmiques, la sarabande affiche un réel potentiel loin de laisser indifférent le chaland. D'une part, d'obédience heavy symphonique, l'énigmatique «
Forgotten » déploie une rythmique tour à tour pachydermique et d'une souplesse féline, calée sur un mid tempo frelaté. Ce faisant, l'ensemble du corps instrumental nous fait quitter le plancher des vaches par delà les espaces dunaires. Au gré des angéliques inflexions de la maîtresse de ces lieux, on ne quitte pas cet océan tout d'ocre paré d'une seule seconde. De plus, les attaques de riffs sur un pont technique, à la façon de
Delain, tout comme l'incandescent solo de guitare retiennent également l'attention. D'autre part, un limpide guitare/voix entame «
Persona », frondeuse et enivrante offrande oscillant entre mid et up tempo, dans la veine de
Delain avec une touche orientale en prime lui conférant tout son caractère. Un sculptural solo de guitare nous assigne définitivement à résidence sur un titre déjà enorgueilli par l'empreinte vocale de la sirène, finissant comme il a commencé, pianissimo...
Nos acolytes n'auront pas manqué de ralentir le rythme de leurs frappes, pour venir nous chercher dans nos derniers retranchements. Ainsi, le rayonnant et sensible mid tempo «
Torn » s'offre comme une délectable ritournelle, distillant de fines variations et moult changements de tonalité aux fins du plaisir ultime de nos sens. On aura tôt fait d'être happé, une fois de plus, par le gracile et captateur filet de voix de la maîtresse de cérémonie, enjolivant un sillon mélodique déjà puissamment chargé en émotion. Dans une même mouvance, un rayonnant solo de guitare entame le mid tempo syncopé « He Kills Me
More », à la mélodicité éminemment nuancée, recelant un riffing émoussé et quelques chatoyantes poussées anticycloniques d'une section rythmique enjouée. On ressent toute la force des éléments, le poids d'une instrumentation mordante s'abattant sur nous, contrastant avec les claires impulsions de la belle, l'ensemble finissant par atteindre sa cible, celle de nos émotions les plus profondément enfouies.
Enfin, comment échapper à l'emprise des mots bleus judicieusement accouchés sur l'ultime plage de l'opus sans éprouver quelques remords ? Une ravissante et originale ballade à l'aune de « The Sea of
Fallen Stars » nous attend donc en outro. Jouissant d'une profondeur d'âme à laquelle répond en écho une ligne mélodique exigeante et laissant une impression d'apparente facilité, ce moment intimiste ne manque pas d'armes de séduction pour encenser le pavillon.
Plus encore, cet art auquel s'est adonné le combo de nous toucher en plein cœur, en toute simplicité, est voué à éveiller en nous d'authentiques plaisirs. Autant dire que l'on ne manquera pas de s'immerger dans ce bain orchestral aux doux remous. Accompagné par d'élégantes et voluptueuses échappées oratoires, il prend toute son ampleur et sa majesté, nous poussant alors à une addiction à laquelle on ne s'attendait pas.
Au fil du temps, tout en conservant son identité stylistique propre, le groupe tunisien a pris soin de livrer une production propre, quasi professionnelle, avec un brin de maturité supplémentaire depuis son premier essai. De plus, la troupe a beaucoup appris de ses prédécesseurs et déjà digéré ses sources d'influence pour nous convier dorénavant à un message musical témoignant d'une réelle signature artistique et technique. Certes, l'ingénierie du son tout comme l'exploitation des synthés devront subir une refonte pour que le combo puisse à terme rejoindre les formations majeures du si convoité, et déjà surinvesti, registre metal symphonique à chant féminin. Sans oublier une diversification architecturale (instrumentaux, fresques, récitatifs...), atmosphérique et vocale (choeurs, growls, duos mixtes...) encore lacunaire dans une oeuvre pourtant originale et que d'aucuns seraient en droit d'attendre, notamment pour les amateurs déjà éclairés du genre. Quoi qu'il en soit, le combo a encore le temps d'affiner le trait pour nous offrir un propos plus en phase avec les canons actuels de son registre metal d'affiliation. Pour l'heure, on pourra se laisser fondre sous le soleil brûlant, se noyer dans d'enveloppants et vastes espaces dunaires et se délecter de cette profusion de douceurs orientales savamment concoctées par l'inspiré collectif tunisois...
Je me suis inscrit sur ce site juste pour vous dire merci d'avoir pris le temps d'écrire une chronique aussi élaborée et aussi détaillée que la votre; ça fait vraiment plaisir de voir que quelqu'un a pris autant de temps pour écouter et analyser notre album.
Votre style d'écriture est empli de métaphores et est très agréable à lire (j'ai lu vos autres chorniques).
Meilleurs voeux pour les fêtes et la nouvelle année!
Melik - Guitariste de Persona.
En fait, l'argumentaire de cette analyse est à l'image de ce que m'a inspiré votre remarquable album, que je prends toujours plaisir à écouter. En témoigne aussi la bonne note accolée à ce papier.
J'espère que votre projet trouvera un écho favorable auprès d'un auditoire grandissant et un prolongement favorable, notamment à l'aune d'un second album full length.
Mes meilleurs voeux également pour les fêtes de fin d'année.
Eric
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