Il y a ceux qui aiment s'entourer et ceux qui préfèrent travailler seul, sans aide extérieure, sans avoir à faire de concessions ou de partage sur sa vision de l'art qu'il souhaite créer.
Le serbe
David Maxim Micic est de cette seconde catégorie, préférant le loisir et le confort d'un travail solitaire et sans pression à l'accompagnement d'un groupe et la force de multiples sources d'inspiration.
Jeune autodidacte jouant dans quelques groupes de Belgrade, David Micic est également un compositeur solo revenant au front après une première tentative en 2013 avec "
Bilo 3.0".
Officiant dans une musique à première vue djent, il est également un représentant de cette nouvelle scène uniquement dématérialisée, ne souhaitant pas le soutien des labels et préférant proposer sa musique gratuitement via bandcamp et laisser à ceux qui le souhaitent le loisir d'offrir une compensation financière contre un téléchargement légal.
Le jeune serbe propose aujourd'hui deux sorties consécutives à quelques semaines d'intervalles, sous la forme de deux eps nommés respectivement "Ego" et "Eco", le premier intégralement instrumental et le second affublé de guests vocaux l'emmenant vers des contrées très différentes de l'univers installé sur le premier ep.
Nous parlerons dans un premier temps de "Ego", sorti quelques semaines avant Eco.
Une superbe pochette onirique, quatre titres, des titres évocateurs ("Define", "Develop", "
Disorder" et "Devise") et une première plongée qui pourrait autant évoquer Animals as
Leaders que
Textures,
Bulb ou
Periphery, avec néanmoins un quelque chose en plus. Un élément inclassable, une ambiance, une impression...celle d'être en plein rêve, dans un songe peuplé de créatures volantes et flottantes mais constamment en danger, sous pression.
"Define" s'ouvre sur des nappes de claviers très doucereuses, des voix étranges, un premier travail mélodique très recherché et une musique semblant globalement en apesanteur. Malgré un son uniquement façonné en homework, le résultat est plus que convaincant, particulièrement du côté d'une boite à rythme impériale offrant une illusion parfaite (un peu froide mais on a entendu beaucoup de batterie acoustique moins bien produite que ça). La basse est vrombissante et alourdit beaucoup le rythme du morceau, relativement posé et délicat, d'où s'élèvent parfois quelques délicates saveurs d'orient. Les choses changent littéralement sur "Develop", lourd à l'extrême dès les premières mesures, uniquement basé sur un riff monolithique et étouffant. Les arrangements sont toujours là mais ils ne font qu'entretenir une pression bien plus forte et lourde, instauré par une guitare extrêmement grave et solennelle. C'est un mur sonore que déploie
David Maxim Micic et qu'il dissèque à travers quelques touches éparses de claviers très planants. Le rythme s'emballe complètement en plein milieu, devenant beaucoup plus agressif et oppressant, malgré ces claviers conservant un lien avec l'aspect aérien du serbe. Un solo de toute beauté surgi du chaos, démontrant un talent indéniable et surtout une forte intelligence musicale, à l'opposé totale d'une quelconque démonstration. Un solo de violon vient ensuite se poser grâce à une certaine Larissa Terescenko, ainsi qu'une contrebasse qui noircie encore un peu plus le tableau.
On pourra être totalement réfractaire et étranger à une musicalité si étrange, hermétique à une émotion basée sur des fréquences aussi graves et lourdes (on est loin d'une émotion à fleur de peau venant de la légèreté d'arpèges ou d'une voix) mais difficilement complètement insensible à une telle inspiration.
Une inspiration qui explose sur un "
Disorder" qu'un certain
Devin Townsend aurait pu imaginer. Un blast écrasant sur lequel une symphonie folle se dessine, un air de musette s'intercalant entre deux attaques, un délire vocal délicieusement malsain à la
Beyond Twilight (ceux qui connaissent "For the Love of Art and the Making" comprendront) et un touché ensuite plein de feeling pour conclure le morceau. Il y a indéniablement du génie dans un tel titre. "Devise" termine ce ep avec classe et talent, reprenant certains des thèmes déjà entendus précédemment avec plus de soli et un côté shredder intéressant, jouissant d'un très haut niveau technique.
Il ne va pas sans dire que Ego est un ep à écouter, à connaître et à pénétrer doucement afin de s'imprégner de son atmosphère. Le jeune David Micic a du talent à revendre et, s'il reste ici ancré dans certains thèmes chers au djent, il s'en échappe suffisamment pour laisser transparaître une personnalité à part. La seconde partie, "Eco", ne fera que confirmer cet état de fait.
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