Originaire d’Ukraine,
Jinjer s’est imposé ces dernières années comme l’un des fers de lance d’un metalcore moderne, mélodique, progressif et résolument audacieux. Au cœur de cette tornade sonore, Tatiana Shmayluk, vocaliste charismatique à la palette vocale renversante, oscille avec une maîtrise déconcertante entre growls dévastateurs et envolées mélodiques d'une grande sensibilité. Le groupe explore sans complexe des terrains parfois expérimentaux et fusionne groove, djent, jazz ou reggae dans une approche totalement décomplexée. Les Ukrainiens savent se montrer intraitable et percutant mais n'hésitent jamais à exposer une fragilité sincère et offrent ainsi une musique à la fois brute et profondément humaine.
Si nos musiciens ont commencé à faire leurs armes dès le début des années 2010, c’est avec
King of Everything (2016) qu’ils franchissent un cap décisif. Cet album, porté par le désormais culte Pisces dévoile au grand public l’étendue du talent du quatuor et surtout la versatilité vocale saisissante de Tatiana. Entre fureur contrôlée et passages d’une douceur presque éthérée,
Jinjer impose un style reconnaissable entre mille et allie puissance brute, technicité et sensibilité.
Avant cela,
Cloud Factory (2014) laissait déjà entrevoir le potentiel du groupe avec une base metalcore robuste agrémentée de touches progressives.
Micro (2019, EP) et
Macro (2019, album) confirment leur appétit d’exploration où chaque morceau semble vouloir repousser les frontières du genre sans jamais trahir l’identité du groupe.
Sur
Wallflowers (2021),
Jinjer atteint une forme de maturité : l’album se veut plus introspectif, plus sombre, mais toujours aussi affûté et prouve que le collectif ne compte pas se reposer sur ses acquis. Chaque sortie enrichit un peu plus leur univers et mêle violence cathartique et poésie brute dans un équilibre que peu de formations parviennent à maintenir avec autant de justesse.
En 2025, le quatuor ukrainien revient sur le devant de la scène avec Duèl, un cinquième opus très attendu et sorti sous la bannière de
Napalm Records, fidèle maison de disques de la formation depuis plusieurs années. À la production, on retrouve Max
Morton (
Shokran,
Ignea), collaborateur de longue date, garant d’un son massif et ciselé mais cette fois au service d’un album qui laisse quelque peu perplexe.
Malgré un titre évocateur et prometteur, nos artistes s’aventurent sur un terrain davantage chaotique, presque trop impétueux comme s’ils avaient voulu concentrer toute leur énergie dans une déflagration permanente, au risque de sacrifier la cohérence. Les morceaux s’enchaînent globalement avec des riffs déstructurés, rythmiques imprévisibles et montées en tension qui peinent parfois à aboutir. Là où le combo excellait dans l’art du contraste, le dosage semble ici rompu et une impression de confusion s'intensifie au fur et à mesure du tableau.
Certes, la virtuosité est toujours au rendez-vous, la voix de Tatiana reste puissante, aussi sauvage que saisissante mais elle semble parfois en lutte avec des compositions qui manquent de liant. L’envie d’innover est palpable, mais le groupe donne ici l’impression de forcer le trait, de se perdre dans des structures volontairement éclatées qui brouillent le propos.
Pourtant,
Tantrum donne un ton alléchant avec sa batterie frénétique et propulse l’auditeur dans une urgence contrôlée. La basse étincelante mixée avec une clarté presque inhabituelle pour le genre prend une place centrale et dialogue avec un riffing presque funky. Cette effervescence initiale cède soudainement la place à une section acoustique inattendue, épurée, qui met brillamment en lumière une basse toujours aussi délicieuse. Le chant s’exprime dans toute sa dualité entre growl profond et rageur et chant clair plein de retenue et de nuance qui affiche un morceau d’ouverture riche, nerveux, et étonnamment bien équilibré malgré sa densité.
Dans une vision radicalement différente, la formation signe un morceau éponyme dense et tendu à l’image du disque. Porté par un riff lourd et syncopé, le titre déploie une violence frontale où Tatiana se joue d’hurlements viscéraux et phrases hachées pour incarner un véritable conflit intérieur. La structure du morceau heurtée et chaotique renforce cette sensation de lutte constante, tandis que quelques passages plus aérés offrent des respirations brèves sans jamais vraiment calmer la tempête pour un rendu ambitieux, intense mais aussi volontairement déroutant.
Malheureusement, ces promesses sont balayées par des compositions discutables. Parmi elles, nous pouvons citer Someone’s Daughter qui tente de jongler entre les contrastes mais se perd complètement en chemin. Le chant clair et sensible installe une ambiance assez mélancolique et tranche radicalement avec la teinte sombre et pesante de l’instrumental. Si cette dualité aurait pu renforcer l’émotion, elle est ici mal exploitée et manque de justesse. Le breakdown est de même inséré de façon un peu gratuite et brise la tension mélodique sans réellement servir le morceau. On sent ici que les musiciens voulaient nous toucher, mais leur discours se fragmente au fur et à mesure du temps au lieu de retentir.
Quant à
Green Serpent, celui-ci peine à masquer son héritage … et c’est ici davantage une ombre qu'un hommage. Entre le groove de basse, le riffing aussi douloureux qu’austère, le schéma mélodique et la dynamique chant clair/harsh, le morceau semble trop souvent reprendre les codes voire la formule de Pisces sans parvenir à y apporter une réelle évolution ou identité nouvelle. Le résultat est sans appel puisque l’on ressent davantage une impression de recyclage que de réinvention.
Avec Duèl,
Jinjer livre un album qui, malgré quelques fulgurances, apparaît comme le maillon le plus faible d’une discographie jusque-là intéressante. Loin d’être mauvais, il souffre surtout d’une trop grande dispersion, d’un goût prononcé pour les ruptures et les structures éclatées qui, au lieu de nourrir l’émotion et la tension, les diluent. On y retrouve toujours la virtuosité instrumentale et le chant caméléon mais ils semblent parfois prisonniers de compositions qui privilégient l’impact immédiat au détriment de la cohérence. Cette cinquième esquisse restera sans doute un album qui divisera : certains salueront son audace brute et son énergie dévorante, d’autres regretteront qu’elle n’ait pas été canalisée pour atteindre la force narrative et émotionnelle des grandes réussites du groupe. A vous de choisir votre camp !
Pour le coup mon ressenti sur cet album est à l'exact opposé du tien. J'ai trouvé Wallflowers poussif et surchargé et Macro n'avait à l'époque pas comblé mes attentes.
Donc Duèl je ne l'attendais pas vraiment à part le morceau Green Serpent qui m'avait beaucoup plut. Et au final cet album est une très grosse surprise pour moi, car je le trouve justement très équilibré dynamique et progressif sans être pompeux.
Je trouve que tout s'enchaîne naturellement, il y a quelques très bonnes idées en terme de riffing et les parties mélodiques sont inspirées sans être trop évidentes (beaucoup d'influence soul et jazz dans les cleans de Tatiana).
Au final je pense que c'est leur meilleur album!
Cet album est une abomination. Du bruit, de la fureur, rien de nommable en musique. Aucune mélodie, aucune demi-teinte dans le chant, des lignes de guitare faméliques que d'auqu'uns qualifieront de "dearh technique". Depuis 1968 (eh oui), ma discothèque s'est étoffée et comme diraient les archéologues, "on distingue les strates". J'ai tout traversé (pas sans soubresauts) mais là, je ne peux tout simplement pas. Foutre une voix féminine sur le désastre en disant "ça passera", c'est du foutage de gueule..5/20 pour la copie
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