Pas moins de cinq ans auront été nécessaires aux six natifs d'Ioannina (Epire), suite à une verte mais engageante démo, «
Promo 2012 », pour revenir dans les rangs, boostés par une sérieuse envie d'en découdre pour espérer se hisser à un degré de popularité locale similaire à celui de leurs illustres compatriotes
Elysion et
Bare Infinity. Créé en 2009, mais encore discret hors de ses terres natales, le combo grec jouit néanmoins de l'expérience et du talent de ses membres (George Tzahristas à la guitare et au chant ; Theofilos Avramidis à la guitare ; Leonidas Diamantopoulos (
Enemy Of Reality) aux claviers ; Ilias Gantzelis à la basse ; Achilles Papagrigoriou à la batterie ; Konstantina Koufou, mezzo-soprano remplaçante de Maria Tsironi). Une expérience acquise aussi bien en studio que sur scène, le groupe ayant déjà participé à plusieurs festivals locaux et notamment partagé l'affiche avec
Firewind. Déjà un beau pédigrée affiché par les Grecs de Neperia...
Lorsqu'on sait qu'il aura fallu deux ans à nos acolytes pour accoucher de leur 1er album full length, entièrement réalisé aux For
God’s Shake studios, on a des raisons de penser que la logistique a été minutieusement pensée et la production d'ensemble passée au peigne fin. En effet, tant le mixage, relevant de la patte de George et équilibrant à parités égales lignes de chant et instrumentation, que l'enregistrement, ne laissant filtrer que très peu de sonorités parasites, témoignent d'un degré d'exigence encore inédit du collectif hellénique. Une heureuse mise en valeur de l'opus qui a pour corollaire une seconde auto-production aux compositions plus abouties, davantage orientées power symphonique death mélo,
Contrastant dès lors avec la verte démo, d'où trois titres ont été repris, remastérisés pour l'occasion et judicieusement positionnés dans la setlist. Ainsi, on effeuille une plantureuse et dynamisante galette de 10 titres égrainés sur un confortable parcours auditif de 46 minutes, où les influences de
Nightwish,
Epica,
Ancient Bards, mais aussi
Tristania et
Draconian, entre autres, se font sentir. On comprend donc qu'à l'instar de «
Drawing New Worlds », la troupe en veut désormais plus, beaucoup plus...
Pour les amateurs de metal mélodico-symphonique à orientation power, tourné vers les charts, nos six gladiateurs sauront les régaler. A commencer par les premières gammes de la rondelle. Un joli picking à la guitare acoustique sur fond de soyeuses nappes synthétiques attire déjà le tympan sur le laconique et classique instrumental d'ouverture « Leap of
Faith », avant de laisser le combo lâcher les chevaux. Et ce, sur l'offensif et vrombissant «
Drawing New Worlds » ; puissant titre éponyme à la touche électro, à mi-chemin entre
Ancient Bards pour ses frappes sèches de fûts en cascade et
Epica quant à son assise orchestrale samplée et ses lignes de chant, plus enlevées aujourd'hui qu'hier. De plus, on décèle un duo mixte en voix de
Contraste, désormais bien plus aguerri et corroboré à des chœurs en faction, parallèlement à un intarissable serpent synthétique et à peine interrompu par un savoureux solo de guitare. Un véritable bond en avant accompli par la formation grecque, en somme. Mais d'autres surprises attendent le chaland...
Sur une cadence effrénée, le combo parvient à nous happer à plus d'un titre. Aux faux airs d'un
Nightwish des premiers émois et fendant l'air, l'épique «
Anthem » octroie de frissonnants arpèges aux claviers et de rayonnantes gradations. Doté d'un efficace refrain et d'une belle complémentarité de voix entre la mezzo-soprano et le growler, sous-tendu par une confondante profondeur de champ acoustique, le morceau envoûte au point de pousser à une irrépressible addiction.
Plus encore, à l'image de la démo, le saillant et charismatique « Shadows Surround Me » continue à disséminer ses blasts et son pilonnage de caisse claire, à la manière d'
Ancient Bards. Toutefois, une refonte de style en a redéfini le contenu, désormais plus orienté power sympho que dark gothique et dénué de growls. De plus, une ingénierie du son bien plus soignée et de plus fins arrangements ont transfiguré ce titre, devenu plus tubesque qu'il ne le fut à l'origine. Enfin, le furieux et énigmatique « Unfeigned Emotions » nous assène ses riffs corrosifs en tirs en rafale et ses modulations synthétiques au fil des déambulations d'un duo mixte au diapason. Dans cette atmosphère magmatique, un poil orientalisante, aux faux airs d'un
Epica à l'époque de « The Divine
Conspiracy », comment résister à l'appel du flamboyant solo de guitare ? Autre hit en puissance à mettre à l'actif de l'inspiré sextet.
Lorsqu'il assombrit son atmosphère sans y perdre en dynamique percussive, le groupe trouve encore les clés pour nous rallier à sa cause. D'une part, combinant la rythmique power sympho d'
Ancient Bards et une atmosphère death mélo dans le sillage de
Draconian, le tempétueux « Shattered Light » nous mène à un refrain immersif à souhait, celui-là même qui avait attiré notre attention sur la version d'origine, que ses sources d'influence pourraient bien lui envier. Ici agrémentée d'une production moins rugueuse, cette ogive un tantinet orientalisante n'a pas tari d'armes de séduction pour nous retenir, à commencer par ses subtiles variations de tonalité et ses changements de rythme pour le moins inattendus. Et l'on se surprend à remettre le couvert. De même, le fulgurant « Sorrowful Cries », lui aussi présent sur la démo, sans avoir subi de variations dans sa structure, s'est toutefois doté de choeurs, amplifiant d'autant plus son impact. Dans la lignée d'un
Nightwish (première mouture) couplé à un
Tristania à l'instar de « Illumination », ce titre sympho/gothique atmosphérique, un tantinet dark, prend aux tripes, encensant le tympan tant par sa mélodicité tout en vibrantes nuances que par la fluidité de sa technicité.
Quand il touche aux moments plus crépusculaires, mystérieux, parfois gorgonesques, le groupe le fait avec tact, sans s'évaporer dans de longs schèmes technicistes qui en alourdiraient la trame. Ainsi, le saignant et tortueux « Fragile Madness », à cheval entre
Draconian et
Visions Of Atlantis, avec un zeste de Revamp, nous plonge dans un bain death mélo aux relents power sympho d'où l'on ressort à la fois retourné et conquis par le brio affiché par le corps instrumental ; ce dernier se plaisant à faire virevolter ses claviers et à noircir l'ambiance, sans y perdre en substance mélodique. Chapeau bas. Pour sa part, le sombre et tourmenté « Cosmic
Balance », de par ses arrangements, dissémine une pâle lueur mélodique tout en rendant l'atmosphère suffocante et le terrain visqueux. Par
Contraste, le refrain entonné avec poigne et élégance par la déesse et agrémenté de beaux arpèges au piano, tel un appel d'air, enjolive une piste foncièrement dark, à la technicité complexe mais nullement inopportune ni envahissante.
Est-ce à dire que les moments tamisés seraient absents de ce message musical ? En effet, contrairement à nombre de ses homologues, le collectif grec n'a pas misé ses espoirs sur les ballades pour nous émouvoir. Ce qui ne signifie nullement qu'il n'ait pas daigné ralentir la cadence, ne l'ayant cependant concédé qu'une seule fois, et de belle manière. Ainsi, « Doctrine of the Wicked », mid tempo syncopé et progressif aux riffs gras et à la rythmique plombante, à la manière d'
After Forever, cingle le pavillon par les serpes oratoires de ses deux vocalistes autant qu'il pousse à un headbang bien senti sous l'impact d'une batterie plus martelante qu'à l'accoutumée. Mention spéciale pour le solo de synthé sur cet infiltrant espace d'expression.
Au final, on découvre un album aussi raffiné qu'enivrant, à la qualité de production quasi professionnelle, qui, dès lors, n'aurait rien à envier à celles de ses homologues. Bref, à l'aune de cette vibrante et limpide offrande, une réelle évolution logistique et technique se dessine, nous éloignant désormais des tâtonnants débuts du collectif hellénique. Ayant savamment évité toute profusion d'effets, toute série d'accords convenus, le groupe nous soumet une proposition à l'original patchwork de styles, éminemment diversifiée dans ses ambiances et ses rythmes et à la lumineuse mélodicité. Entonné avec maestria par le duo mixte, enrichi de choeurs et corroboré à un fringant et nerveux dispositif instrumental, et dénué de zones de remplissage, l'opus encense le tympan. Ayant digéré ses illustres sources d'influence et rendu son œuvre identifiable de par l'agencement de ses portées et la coloration de ses arpèges, le combo donne le sentiment de s'être affirmé. Ayant gagné en épaisseur artistique, ce rayonnant effort devrait lui permettre de se hisser parmi les valeurs montantes du genre. Une formation à suivre de près, donc...
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