Dimanche 11 novembre 2007, concert du mythique
Skid Row à l’Elysée Montmartre de
Paris. Même si le show tant attendu depuis des mois n’a lieu qu’à 19h30 et que les bouchons aux abords de la Ville Lumière s’avèrent être plus supportables le dimanche qu’en semaine ; départ juste après le déjeuner de rigueur pour pouvoir espérer s’assurer les meilleures places à l’intérieur de l’antique salle de bal parisienne et également envisager d’échanger quelques mots avec Rachel Bolan et Scotti Hill sur le trottoir du
Boulevard Rochechouart tout en réquisitionnant leur signature au Permanent Marker sur les covers des légendaires «
Skid Row » et «
Slave to the Grind » qui seront dès lors empreints d’une valeur sentimentale inestimable. Bien que le
Skid Row des années 2000 puisse paraître illégitime sans l’irremplaçable
Sebastian Bach derrière le microphone et malgré l’absence d’une première partie pour chauffer la salle d’inspiration rococo sans parler d’un Dave « The
Snake » Sabo remplacé au pied levé par un illustre inconnu pour raisons médicales, le quintette du New Jersey a ce soir là offert un gig de folie à une petite centaine de fans dans un Elysée Montmartre au 9/10ème vide notamment grâce au charisme et à la générosité salvatrice d’un Johnny Solinger digne et méritant dans son costume de Baz. Mais où est donc passé le temps où les protégés de
Bon Jovi et de Guns N’ Roses retournaient les arènes et les stades au son des survitaminés «
Youth Gone Wild » et autres «
Get the Fuck Out » ?
Skid Row voit le jour à la fin de l’année 1986 sous la grisaille de Toms River dans le New Jersey à l’initiative du bassiste punk Rachel Bolan et du guitariste et ami d’enfance de
Jon Bon Jovi Dave « The
Snake » Sabo rapidement rejoints par le vocaliste Matt Fallon (ex
Anthrax), le guitariste Scotti Hill et le marteleur de fûts Rob Affuso. Il faut attendre 1987 et le mariage du photographe rock Mark Weiss pour que le gigantesque
Sebastian Bach (ex
Madam X) sympathise avec le groupe de Toms River et remplace peu de temps après Fallon au poste de chanteur. Alors qu’il écume en long et en large le circuit des clubs rock de la côte est,
Skid Row tape dans l’œil d’une certaine Underground Music Company qui n’est autre que l’apanage de
Jon Bon Jovi qui des années auparavant avait scellé un pacte avec son pote Dave « The
Snake » qui consistait à ce que le premier qui rentrait dans le music business aide l’autre à faire de même. Ainsi, le combo fronté par Bach signe un record deal avec
Atlantic Records qui édite en janvier 1989 un premier album éponyme objet d’un succès considérable pour un premier opus, grimpant notamment à la 6ème place du Billboard 200 et certifié 5x
Platinum aux States par la RIAA. Parti en tournée américaine en ouverture des superstars de Guns N’ Roses en avril 1991,
Skid Row sort en juin de la même année un second full length intitulé «
Slave to the Grind » qui permet au groupe de continuer à casser la baraque sereinement avant d’embarquer pour la conquête de l’Europe. Précieux témoignage sonore de cette épopée irretrouvable, le bootleg « Doin’ the Business » enregistré le 17 aout 1991 au Globe
Arena de Stockholm et sorti à peine quelques semaines plus tard sur un dénommé Deep Records.
Même si on a tendance à exécrer les albums live partant du principe que la création musicale d’un artiste s’apprécie quasi exclusivement sur support enregistré en studio et dans l’indescriptible instantanéité d’une représentation scénique, il faut avouer que l’acquisition d’un bootleg revêt toujours un caractère particulier qui plus est lorsqu’il honore un combo pour lequel on voue un culte des plus pieux. Car objet artisanal indubitable, le son d’un bon bootleg qui se respecte se veut être relativement médiocre, à l’instar du «
Slave to the Grind » qui ce fameux soir scandinave de l’été 91 introduisait le légendaire
Skid Row sur la scène du Bercy de la capitale suédoise. Assez éloignée mais tout de même largement audible et faisant la part belle aux basses conférant ainsi puissance et efficacité au heavy rock d’obédience sleaze du quintette de Toms River, la facture sonore de ce « Doin’ the Business » s’avère être bien évidemment perfectible mais frappe de par le grain « authentique » qui découle tout au long des onze titres qui composaient la setlist du gig ce soir là. Sans surprise aucune,
Sebastian Bach s’avère être absolument survolté microphone en main, hargneux et charismatique au possible lorsqu’il s’agit de vociférer les lyrics des titres de l’excellent premier album éponyme tels que les très bons «
Here I Am », « Sweet Little
Sister », «
Piece of Me » orthographié pour l’occasion « Peace of Me » sur la back cover du live pirate ou d’haranguer le public entre les morceaux à coups de « motherfuckers » et autres « If you don’t like rock n’ roll, this is the wrong fucking place to be tonight ». Que dire de la somptueuse et frénétique ballade «
18 and Life » et de l’hymne générationnel et on ne peut plus déchainé «
Youth Gone Wild », pertinemment placés en rappel et gratifiant les 16 000 lucky bastards de la Beauté sur l’eau d’une énergie rare et communicative propre au sacro saint rock n’ roll sans lequel notre existence serait incontestablement dénuée du moindre intérêt.
Présent sur les scènes des arénas du vieux continent en ouverture du larger than life Guns N’ Roses afin de défendre les couleurs de son second album répondant au patronyme de «
Slave to the Grind »,
Skid Row consacre naturellement une part non négligeable de son set à des morceaux représentatifs de l’imparable énergie véhiculée par son nouvel album incisif alors paru deux mois auparavant. Ainsi, relevons les directs et punchy «
Psycho Love », «
Riot Act » rappelant indubitablement le punk rock dynamique des anthologiques Ramones que vénère ouvertement Rachel Bolan, «
Get the Fuck Out » et autres «
Monkey Business ». Préférant visiblement privilégier sur scène la face catchy de son identité musicale à celle des émotions belles et sincères des magnifiques «
Quicksand Jesus », «
In a Darkened Room » et autres «
I Remember You »,
Skid Row fait néanmoins don à l’audience du Stockholm Globe
Arena de la splendide et innocente «
I Remember You » tirée du premier album ; bonne vieille ballade romantique traitant encore et toujours d’un amour déchu de colonie de vacances qui donnerait presque envie à l’auditeur de retourner à ses 10 ans, partir en autocar avec les copains du centre aéré municipal dans un camping en ruine absolue du Vercors y fumer les premières cigarettes et continuer son apprentissage des relations passionnelles et physiques avec le sexe opposé dans un cadre anti bucolique. En guise d’ultime bonus, « Doin’ the Business » offre à l’auditeur quatre titres joués en octobre 1989 au Scandinavium de Göteborg en ouverture de Mötley Crüe alors en promotion européenne de l’opus « Dr. Feelgood ». Ainsi, « Makin’ a Mess », l’excellentissime «
Big Guns », « Rattlesnake Shake » ainsi que l’intemporel et indicible «
Youth Gone Wild » possèdent la tâche de conclure ce sympathique bootleg de fort belle manière, la qualité de l’enregistrement étant paradoxalement de meilleure facture que celle inhérente à l’immortalisation sonore du concert de Stockholm ayant eu lieu deux ans plus tard dans une salle à peine plus grande.
Malgré quelques défauts largement pardonnables propres à un bootleg tels qu’un son perfectible, des erreurs dans l’orthographe des morceaux ou des approximations chronologiques (le concert de Göteborg ayant eu lieu le 27 octobre 1989 et non le 29 comme inscrit sur la back cover du support), « Doin’ the Business » s’avère être une excellente démarche permettant de découvrir scéniquement l’inqualifiable énergie d’un groupe mythique alors au sommet de sa gloire et de son inspiration. Aujourd’hui retombé dans un oubli relatif qui le cantonne malheureusement aux clubs de seconde zone et à des albums peu convaincants,
Skid Row fut et restera à jamais un groupe de légende qui à défaut d’avoir véritablement révolutionné le rock n’ roll l’aura empreint de sa forte personnalité et aura indubitablement contribué à lui donner l’illusion d’un second souffle à la fin de la sainte décennie 80. Une pièce de collection qui suscitera certainement l’intérêt des fanatiques du combo au hasard de leurs minutieuses recherches dans les bacs poussiéreux des second-hand stores et autres conventions de disques.
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