On a déjà beaucoup écrit sur la scène metal française ; on a beaucoup critiqué bien sûr, et on en a tiré quelques constats : d'un côté la France manque clairement de formations à la stature internationale, mais d'un autre côté des nouveaux groupes arrivent en permanence et nous nous retrouvons avec un vivier de petits groupes prêts à en découdre. Ces résultats sont particulièrement éloquents quand on les applique au cas du metal symphonique ; en effet, il existe dans notre pays des centaines de formations orientées vers un metal symphonique plutôt soft, dans la droite ligne de
Within Temptation ou
Nightwish, mais aucun pour s'élever au niveau des groupes cités. Ce n'est pourtant pas faute d'effort, et on commence à en voir se démarquer quelques uns, dont
Adrana,
Qantice, Whizdom,
Benighted Soul et
Wildpath. Ces noms font tous figure d'étoiles montantes, leur destin paraît prometteur, mais ils ne semblent pourtant pas vraiment intéresser les grosses maisons de disques. Il y a bien l'infatigable Brennus Music, chez qui sort justement ce
Disclosure, mais ils ne peuvent s'occuper seuls de toute une scène.
Wildpath est né en 2001, de la collaboration du claviériste Alexis Garsault et du guitariste Olivier Caron. Après deux démos, les franciliens sortent un premier full-lenght en 2006, intitulé
Nyx Secrets, qui connaît un succès d'estime, puis un deuxième en 2009, et un troisième en 2011 avec une reconnaissance croissante. Leur musique pourrait être caractérisée de metal symphonique avec un fort penchant power voire speed et une petite touche gothique, tout en restant très mélodique, recherché, et très rarement grandiose. Le dernier album en date, le très bon
Underneath, dévoilait de nouvelles influences par le biais de quelques éléments électroniques qui s'ajoutaient habilement aux orchestrations. Le quatrième album des français, nommé
Disclosure, sortira en février prochain, soit quatre années après, et confirme cette tendance en définissant une nouvelle orientation de plus en plus claire. Du simple aspect visuel, on s'éloigne des artworks colorés des précédentes productions pour tendre vers un noir et blanc aux formes abstraites et futuristes, convenant assez bien avec ces nouvelles sonorités.
L'introduction a le mérite de nous mettre tout de suite dans le bain, de nous imprégner directement de l'ambiance si particulière de cet opus. On entend quelques mélodies au violon, au piano, avant de tomber nez à nez avec un gros son électronique, habile et puissant mélange de dubstep et de musique orchestrale. Autant le dire maintenant, c'est le seul moment où on retrouve tant de musique électronique, celle-ci étant distillée avec plus de parcimonie sur le reste de l'album, mais ça n'en reste pas moins une excellente introduction, à l'image de ce qui va s'ensuivre.
Ensuite, la tempête. Le déluge. La folie.
De
Outcast au titre final
Disclosure c'est un voyage mouvementé qui nous est offert, et qui vous ne laissera pas indemne. Tout d'abord, la puissance.
Wildpath a indéniablement encore gagné en puissance ; non pas en puissance destructrice, mais en puissance d'impact. Les riffs sont plus acérés, et la basse et la batterie plus agressives (Ignited,
Unborn), tandis que les orchestrations se font moins denses mais plus directes. Cela donne typiquement des morceaux comme
Absentia, pur concentré de metal moderne à la sauce symphonique, tout en gardant la touche de folie qui faisait l'identité du groupe sur les précédents albums, au moyen d'un élégant passage instrumental et magnifique final.
Ce
Disclosure est aussi l'objet de gros progrès techniques, notamment de la part des vocalistes. Marjolaine semble avoir pris beaucoup d'assurance dans sa voix, et atteint de très beaux aigus parfaitement maîtrisés (Petrichor,
Disclosure). Sa voix gagne ainsi en personnalité, se distinguant aussi lors de nombreux passages tout en douceur. Le bassiste Nicolas Lopes aussi s'illustre sur cet album, lors de chœurs ou de refrains, mais aussi sur la ballade acoustique
Hollow qui lui est entièrement dédiée. Il offre là une magnifique performance, tout en justesse et sensibilité, à ce point qu'il est presque dommage qu'il ne chante pas plus !
Les compositions en elles-même sont toutes de bonne qualité, suffisamment variées pour ne pas ennuyer mais cohérentes entre elles.
Pas de folie dans les durées, on reste dans des formats assez classiques, mais
Wildpath nous montre qu'on n'a jamais fini de les explorer. Les sonorités électroniques font désormais partie intégrante de la musique du combo, mélangées souvent au synthé en soutenant le riff de guitare. Les orchestrations de monsieur Garsault sont toujours d'excellente facture, même si elles donnent l'impression d'être moins présentes que sur les efforts précédents. Il faut dire que
Wildpath n'est jamais tombé dans la musique grandiloquente à la
Rhapsody of
Fire. Difficile de mettre des morceaux en particulier en exergue, car tous se valent peu ou prou. On retiendra néanmoins le presque progressif Excinere, jonglant habilement avec les ambiances, le très entraînant Petrichor, flirtant avec le gothique et illustré par un très beau clip, le très rythmé Confined, donnant cette fois plus dans le power, le sublime et très mélancolique
Hollow, ou encore l'excellent final éponyme, résumant tout ce qui a été dit ici.
Si on s'arrêtait là, on pourrait considérer que
Wildpath touche du doigt la perfection, mais malheureusement ce n'est pas le cas, à cause d'un défaut important que contient cet opus, et qu'il est important de souligner. La seul détail qui ne soit pas à la hauteur sur ce disque est la production, qui ne permet pas de présenter les efforts faits par le groupe sous leur meilleur jour, et c'en est bien dommage vu la qualité des compositions. En effet la production paraît assez synthétique, comme si on avait voulu donner un ton froid, mais sans mettre la puissance nécessaire et sans donner assez de volume aux instruments. Ce n'est pas affreux et n'empêche pas de passer un bon moment, mais on a parfois l'impression que certains instruments sont sous-mixés, comme la basse qu'on entend assez mal et la batterie qui a un son faiblard.
À part cet unique mais gros défaut,
Disclosure propulse
Wildpath parmi les groupes de symphonique les plus prometteurs. Il n'est ici plus question d'influences ; désormais
Wildpath est un groupe original et innovant, et c'est bientôt à leur tour d'en influencer d'autres. En espérant que leur renommée grandissante leur permette un jour d'avoir une production à la hauteur, il est permis de rêver.
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