La perspective d’avoir été et de ne plus être. La
Team Nowhere et le Rock « Métalisé pour ados » (comme je l’ai si souvent entendu) des débuts ne sont plus depuis très longtemps,
Aqme s’est forgé sa propre identité au gré de leurs différentes sorties. On avait déjà parlé du virage amorcé par l’arrivée de Julien à la guitare pour « En l’Honneur de
Jupiter » et surtout la violence de « Epithète,
Dominion, Épitaphe », délaissant en grande partie le chant clair pour un monolithe de haine très réussi. Mais voilà, tout bonheur n’est jamais protégé, en témoigne la surprenante défection de
Koma après, ce que je trouve, sa plus belle performance.
Ce n’est jamais facile de reprendre la place d’un membre originel, surtout au chant. Vincent Peignard-Mancini (The
Butcher’s Rodeo) ne le sait que trop bien et ce nouvel album se sera fait doucement attendre. Une tournée pour se jauger, un EP « Les Sentiers de l’Aube » avec la réédition de l’album précédent pour se tester. Finalement, en cette fin d’année sort enfin le nouvel acte d’
Aqme. «
Dévisager Dieu », produit par le batteur Etienne Sarthou, mixé par l’indéboulonnable
Magnus Lindberg et sorti avec l’aide du label de toujours At(h)ome, ce septième album marque le changement dans la continuité.
Plus mature, plus mélodique et à la poésie toujours plus développé, accompagné d’une des pochettes les plus soignés que le groupe ai pu réaliser, nous sommes partis pour un nouveau voyage, plus anatomique que jamais.
« Avant le Jour » ne choquera pas les oreilles habituées au son
Aqme. Sur CD, les différences de voix entre
Koma et Vincent ne sont pas aussi flagrantes que ce que j’avais pu découvrir lors du dernier live du groupe à Cannes. Il y a bien évidemment des différences, notamment dans le timbre plus brut sur les passages hurlés et un grain mélodique plus agréable sur les passages en clair. Ce premier titre perpétue la tradition, toujours ces transitions de couplet hargneux et de refrain plus aéré et mélodique. Conventionnel, mais accrocheur. « Enfants de Dieu » confirme les bonnes espérances. Les hurlements de Vincent sur ces monstrueux riffs mélodiques font frissonner. Très fluide, la progression du morceau fait belle part à un break plus ambiant très intéressant.
Ce nouvel album restitue les nombreuses parties calmes habituelles du groupe, mais qui ont un peu disparu sur l’opus précédent. « Entre Louanges et Regrets », entre haine et mélancolie. Parfois vomitif, d’autres instants plus gorgés d’espoir, tout fait corps pour emmener l’auditeur où les musiciens le souhaitent. Si Julien effectue un fabuleux travail d’ambiance,
Charlotte profite des nombreux breaks pour noircir encore davantage l’ambiance de sa basse très sombre et solennelle. Dans le même ordre d’idées, « L’Homme et le Sablier » nous place dans l’attente d’un véritable départ. Des éclats de rouleau compresseur de batterie en des instants sombres et distordus, les parties se succèdent, mélancolique et mélodique (un impeccable duo basse-guitare sur les instants les plus calmes), parfois bien plus saturé, toujours dominé par la basse. « Ce Que Nous Sommes » usent encore d’un rythme compresseur afin de faire divaguer l’ambiance d’instants sourd en éclaircies lumineuses. Un aspect atmosphérique est très souvent présent, ressortant aux moments les plus judicieux, encore davantage sur tous ces mouvements chaotiques et ces excellents éclats de voix. Le titre peut malgré tout sembler un peu long par moments, tournant parfois en rond…
Ce n’est d’ailleurs pas le seul et d’autres titres, très intéressants au demeurant, ne se contentent que trop du minimum parfois. En écoutant « Au-Delà de l’Ombre », je suis revenu plusieurs années en arrière, à l’époque de « Polaroids et Pornographie » avec ce titre au rythme moins soutenu, chant clair assez simplet et paroles moins inspirés. On retiendra tout de même ce lent break mélodique et ces éclats de basse toujours prenants. « Pour le Meilleur, le Pire » contient énormément de choses intéressantes au milieu d’un capharnaüm de puissance parfois trop débordant. On aime cette introduction atmosphérique, mais on se perd parfois dans ces éclats de voix mi-clair/mi-hurlé, ces ambiances parfois rock, parfois très intense (cette double, notamment), ces sonorités réverbérées et ambiantes … Beaucoup d’idées, pas toujours exploités de la meilleure des manières. Mais l’intensité dramatique très présente suffit à nous transporter.
Nous transporter comme sur les ballades typiques du groupe, sans doute l’une des plus belles satisfactions et progressions du groupe depuis ses débuts. « Un Appel » prend tout son temps pour délivrer un feeling poignant très touchant. Les arpèges y sont tristes, la voix de Vincent perpétue cette ambiance de mélancolie maladive d’un timbre clair très envoutant. Et même si l’on sent d’avance que le morceau explosera avant la fin, on se laisse volontiers happer dans cette atmosphère de violence démente et malsaine. De la même manière, « Les Abysses » n’est pas un titre aussi brut que ne le laisse penser sa première partie. La puissance y est très intense, au même titre que ces riffs atmosphériques accompagnant les cris écorchés de Vincent, dans le seul but de nous assommer avant de nous offrir un somptueux break dramatique crescendo clôturant l’album de la plus belle des manières.
Aqme suit une évolution très intéressante depuis plusieurs années. Et si ce premier album avec un nouveau chanteur peut parfois donner l’air de ne pas tant avancer que cela, il ne faut pas oublier que le départ soudain de
Koma a sans doute ralenti beaucoup de choses. Mais Vincent prend ses marques, se fond parfaitement dans le quatuor et permet d’offrir une performance vocale moins monolithique et plus diversifiée que le disque précédent. Le prochain peut faire vraiment mal !
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