Le projet créa la sensation. L’attente en fut presque excessive, les échos dithyrambiques, les chroniques extatiques, la réaction inespérée…l’album devint culte…
Demons and Wizards, réunion de deux personnages centraux d’un certain revival de la fin des années 90, deux musiciens phares de groupes importants ayant vu leur popularité littéralement exploser avec un "
Nightfall in Middle
Earth" et un "Something Wicked this Way Comes"…deux artistes à part. Une voix unique et immédiatement identifiable en la présence de Hansi Kürsch et un poignet des plus virulents de la scène power / thrash avec Jon Schaffer.
Présenté rapidement comme un diminutif commun de
Blind Guardian et
Iced Earth,
Demons and Wizards a néanmoins possédé depuis toujours une personnalité propre, qui s’affinera encore plus avec son successeur, six ans plus tard, "
Touched by the Crimson King".
Rejoint par Mark Prator derrière les futs (Ralf Santolla), ce premier opus éponyme représente assez fidèlement tout l’essor d’une scène qui cherchait réellement à retrouver des bases mélodiques délaissées par l’orgie urbaine des années 90, dont
Korn,
Machine Head ou
Limp Bizkit furent les précurseurs. Ce premier opus éponyme plonge dans une symbiose métallique où des riffs très incisifs et direct livrent une bataille à des rythmiques fortement plombées, souvent sous l’essor de chœurs massifs et surtout du timbre enivrant, magique et à l’aura quasi mystique d’Hansi, dégageant des émotions allant de la religiosité à la puissance pure en naviguant généralement dans une émotion viscérale et absolument sublime.
L’émotion…si
Demons and Wizards représente pour beaucoup un certain archétype du power, c’est bel et bien dans l’exercice délicat mais superbement maitrisé de la ballade que le duo germanico-américain titille des cieux qu’il ne fait autrement que frôler sans jamais réellement les atteindre.
Un seul morceau, un seul moment…"Fiddler on the Green".
Une mélodie acoustique mélancolique mais jamais niaise, une fausse simplicité technique, une émotion constante et surtout cette mélancolie, cette pression presque, cette humanité décharnée et blessée, caressant parfois les abords créatifs d’un désespoir en devenir. Une légère pointe de noirceur, si belle dans cette structure musicale décharnée, quelques chœurs litaniques…puis cette montée en puissance vocale, cette émotion intense et quasi cruelle qui nous déchire les tripes et les sens lorsqu’Hansi hurle dans une mélancolie exacerbée un « Take my
Hand » aussi merveilleux que magnifiquement beau.
Si réduire l’album à cette unique composition serait évidemment une erreur, la possession de l’album pour sa présence le serait un peu moins. Néanmoins, du haut d’un "
Heaven Denies" initiateur rugueux et dominateur, marqué du sceau si caractéristique de Schaffer, le duo démontre ses qualités dans un registre bien plus agressif. On retiendra particulièrement ce refrain magique à la double pédale chanté par un Hansi dont le chant semble plus sentencieux que jamais.
Mais si l’enchantement pourrait être complet, l’album pêche littéralement par une production clinique et glaciale, signée d’un
Jim Morris bien peu inspiré (massacrant également le second opus). Là où la puissance et l’incision présence, la densité et la percussion sonore sont complètement annihilées dans un mix absent de toutes basses et de toutes chaleur humaine, pourtant si cruciale à un chanteur de la trempe de Hansi. Certes, la recette est plus agréable sur les passages acoustiques et intimistes, mais c’est réellement lors des effusions électriques qu’un certain malaise se produit, cassant le rêve et l’enchantement que pourrait et devrait offrir le disque…
C’est pourtant avec ce curieux handicap (qui ne gène absolument pas le groupe semble-t-il) que
Demons and Wizards enchaine des brulots de la trempe d’un "Poor Man's
Crusade", énorme mid tempo aux accélérations jubilatoires, l’effréné "
Blood on My
Hands" aux leads mélodiques imparables ou encore le magistral "
Winter of Souls" à l’ambiance plus étrange, fantomatique, presque ritualiste. Sans jamais laisser de côté la mélodie, l’album reste ancré dans une profonde machinerie du riff, dans une osmose entre mélancolie et rugosité, chacun des protagonistes apportant un élément de cette antinomie fusionnelle.
"Tears
Down the Wall" continuera de plonger l’auditeur dans une léthargie hypnotisante alors que "My Last
Sunrise" délivre un final tout en finesse, en confession et force émotionnelle (cette ligne de chant ouvrant le morceau…). Partagé entre passages intimistes et cérémonieux et explosions virulentes et fortement instinctives, il laisse le chemin à un final où les chœurs liturgiques achèvent un voyage entamé une heure plus tôt.
Un voyage certes beau et important, émotionnel et fort, mais non dénué de certaines approximations d’ordre plus technique que créatrice. Un voyage s’accompagnant d’un digipack en 3D absolument merveilleux pour ceux ayant eu la chance de se procurer le disque à sa sortie… un voyage qui créa la sensation, et dans lequel, il n’est jamais trop tard pour se plonger…
19 piges après avoir acquis cette album je viens de refaire une tentative pour essayer de l'apprécier en toute objectivité, mais rien n'y fait. Cette galette manque singulièrement de saveur, de riffs mémorables, et de mélodies accrocheuses. Les morceaux se suivent et se resemblent sans qu'un petit quelque chose surgisse pour titiller mon intérêt. Pourtant fan des cinq, six premiers méfaits des groupes respectifs de nos deux cadors, je reste de marbre face à cette association de talent pourtant prometteuse sur le papier. Allez, je vais le ranger sur mes étagères où il va continuer à prendre la poussière et je verrai dans deux nouvelles décennies si je suis plus réceptif à cette oeuvre que je semble être un des rares à dédaigner. Désolé....
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