Sur un fond pourtant unique de thrash metal, la musique de
Cerebral Fix a, en à peine quatre ans, fait considérablement évolué sa musique. De ses débuts aux franches influences punk-hardcore à leur ascension notable dans les méandres du thrash/death, les anglais de Birmingham n'en gardèrent en 1992, pour le dernier album en date, que le meilleur.
C'est ainsi que
Death Erotica s'inscrit sans ambiguïté dans un pur crossover, dans le sens où leur thrash s'enrichit des influences extrêmement variées qui bercent leur passé. Tout en conservant leur identité musicale; en effet, quiconque connait leurs précédents albums retrouveront la griffe
Cerebral Fix; les britanniques parvinrent à lui donner un niveau de raffinement qu'ils n'avaient encore jamais atteint.
Ce qui frappe immédiatement, c'est l'extraordinaire consistance de l'album. Monolithique et plus heavy que ses prédécesseurs, il en devient parfois étouffant. Toutefois, cette densité a quelque chose de captivant. La basse résonnante et survitaminée, qui fait trembler les titres et semble parfois leur apporter une seconde mélodie comme dans "World
Machine", y est pour beaucoup.
Les riffs aussi ont leur part de culpabilité, de leur côté très ferme et serré comme dans "Splintered
Wings" jusqu'à parfois donner une impression de linéarité. Couplés à cela la quasi-inexistence de transition; seul "Still In Mind" prépare le terrain du plus typé hard rock "The Raft Of Medusa" (cultivés les insulaires, qui plus est!), et mêmes de cinglantes ruptures au sein même de morceau tel que "World
Machine" à nouveau, et vous avez du brut de décoffrage. D'ailleurs, l'intro éponyme nous lance sans détours dans cette cadence entraînante sur un tapis de batterie.
Néanmoins, ce n'est pas tout. La voix déchirée et d'ailleurs faussement lente du chanteur Simon
Forest donne un côté crasseux et garage, ce qui a sa dose de charme, d'autant plus qu'il arrive à retransmettre des sentiments. Il chante comme un orateur lâcherait un pamphlet pour haranguer une foule à la colère.
L'autre grand atout de
Death Erotica, c'est l'évidence des liaisons entre les séquences. Presque imperceptibles si on n'y fait pas plus attention, elles maintiennent l'esprit à l'écoute et renouvellent naturellement le plaisir. "
Angel's
Kiss" se mue ainsi plusieurs fois avec une fluidité déconcertante.
Dans la même veine, il faut apprécier la façon dont est amenée la montée en puissance intéressante de "World
Machine" (encore et toujours...) dont le seul défaut et le trop grand retrait de la lead-guitar.
Cette aisance déteint sur le rendu des chansons. Ansin comment ne pas évoquer les flow efficaces de simplicité du "Mind Within Mine" et de "Creator Of Outcasts"?
Un impression d'indolence qui pourrait faire croire à de l'apathie peut vous prendre, mais en réalité, bien que ralentissant souvent le rythme, jamais l'intensité de retombera. Ainsi "Clarissa" évolue dans un mid-tempo malsain dans les veines de "None Shall
Defy" d'Infernäl Mäjesty avant d'accélérer insensiblement le tempo. "
Haunted Eyes" pousse plus loin ce processus de lenteur, mais encore son fond très compact sur lequel s'écoule paisiblement mélodies et chant plaintif lui conserve une impressionnante captivité. "
Angel's
Kiss" évolue dans ce même schéma, aux combos riffs/rythme à la "
Criminally Insane" de
Slayer.
Après dix morceaux d'une exemplarité et d'un sérieux irréprochable,
Cerebral Fix semble lâcher son assiduité et se fait plaisir. Une reprise de
Discharge: "
Never Again" avec Mark"
Barney" Greenway de
Napalm Death et Clint Mansell de Pop
Will Eatself, une cover du légendaire "Living After Midnight" de
Judas Priest cette fois accompagné d'Andy Pike de
Marshall Law et Tony Mills de Slam: c'est visiblement l'heure des hommages et de l'amitié.
Ils se permettent même à l'aide de Shane Embury un morceau complètement barré, sorte de fusion funky un poil bordélique mais bourré de bonne humeur: "Too Drunk To Funk". Enfin, "
Burning" nous rappelle rapidement que
Cerebral Fix a toujours lié relation avec le death bien qu'il soit ici un poil moins prononcé qu'à l'époque de "
Tower of Spite".
Cette seconde partie est intrinsèquement dispensable et rallonge un opus déjà long à digérer de par sa densité, mais elle permet de se rapprocher de manière plus proche du groupe qui n'a pas laissé beaucoup d'autres traces de cette époque...
En définitive,
Death Erotica est une franche réussite, car sans grandiloquence aucune, il parvient à fasciner. Fruit d'un paradoxe qui a voulu que le raffinement de leur musique donne un rendu assez brut, il n'en est pas moins dans la directe lignée de ces prédécesseurs, évoluant subtilement sans s'éloigner de ses fans originels. Finalement, et d'un côté heureusement, cette apogée précipita leur split deux ans plus tard.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire