A une époque où abondent les jeunes formations metal symphonique à chant féminin, les plus inspirées d'entre elles continuant d'alimenter ce registre déjà foisonnant, tenter de tirer son épingle du jeu s'avère être une entreprise délicate pour les nouvelles recrues. C'est pourtant bien ce défi que s'est lancé ce groupe russe originaire de Krasnodar, inspiré comme tant de ses homologues par
Nightwish et consorts. Aussi, en quoi cet entreprenant collectif peut-il se démarquer de ses pairs au point de nous pousser à oublier un instant
Beyond The Black,
Elvellon,
Sleeping Romance,
Walk In Darkness ou
Once ? Y décèlerait-on déjà l'embryon d'une valeur montante du genre susceptible de nous pousser à une inconditionnelle adhésion ? Exploration...
Créé en
2012 sous le nom de Ampersand, ce n'est qu'en 2015 que naît The
Sign Of Ampersand, un projet metal mélodico-symphonique pur jus évoluant dans le sillage de
Nightwish,
Xandria,
Kingfisher Sky,
Dark Sarah et
Amberian Dawn. Ce faisant, nos acolytes mêlent habilement riffs massifs, rythmique enfiévrée, samples d'instrumentation symphonique et chant lyrique. Déjà à la tête d'un EP 3 titres réalisé en 2013 et répondant au nom de «
Reality Split », discrète auto-production dans cette veine, le groupe poursuit sur cette lancée, et ce, à l'aune de ce premier album full length sorti quatre ans plus tard chez le label russe Soundage Productions. Un indice révélateur d'une sérieuse envie d'en découdre de sa part...
Suite à quelques modifications du line-up originel, ce sont la frontwoman et parolière Dina Sizonova et le guitariste/bassiste et compositeur Oleg Shopin qui, dès lors, sont seuls aux manettes. Ce qui n'a nullement empêché d'anciens membres du groupe d'avoir été sollicités pour l'occasion, dont : le claviériste Dmitriy Ivankov, le bassiste Alexander Ermolaev et le batteur Artem Kravchenko ; avec la participation de la chanteuse Anna Tkalya (
Blind Ivy) sur l'un des titres. De cette étroite collaboration émane une pimpante et troublante galette de 9 titres égrainés sur un ruban auditif de 38 minutes, ayant bénéficié d'un enregistrement de bonne facture et d'un mixage bien équilibré réalisé par le bassiste Dmitry Barykin (feu
Spiritus Aedes). Embarquement immédiat pour une plongée au cœur des entrelacs de «
Dark Shades of Mystery »...
Tout d'abord, le collectif russe distille une énergie aisément communicative doublée d'une grisante mélodicité, à l'image de pistes susceptibles de figurer dans les charts. Ainsi, on retiendra le mid/up tempo « Chiromancer » qui, dans la lignée de
Xandria, impulse un prégnant cheminement harmonique et d'insoupçonnées variations rythmiques. Dans ce champ de pression s'extirpent les angéliques inflexions de la sirène (à mi-chemine entre celles d'
Heidi Parviainen (
Dark Sarah) et Judith Rijnveld (
Kingfisher Sky)), investies dans un engageant duo mixte en voix claires. On restera également happé par «
My Witchery », titre entraînant dans la veine d'
Amberian Dawn (seconde période). Délivrant un tapping martelant doublés de riffs crochetés, de sémillantes rampes synthétiques et des refrains catchy, ce tubesque espace d'expression saura se jouer des résistances les plus tenaces. Techniquement plus complexe, « The Last
Exorcism », quant à lui, interpelle par son caractère énigmatique et l'intarissable mordant de sa section rythmique.
A la lecture de ses passages plus en retenue, le combo n'en révèle pas moins un bel élan d'inspiration, même si quelques irrégularités viennent en atténuer les effets. Ce dont témoigne le ''nightwishien'' mid tempo progressif « Moonlit Devotion » ; énigmatique offrande dotée d'un cheminement mélodique des plus infiltrants, enjolivé par les limpides inflexions de la mezzo-soprano. Dans cette mouvance, s'illustre « Awaken », ''evanescent'' et enivrant méfait à la rythmique syncopée, doté d'un flamboyant solo de guitare, recelant des refrains, certes, agréables, mais éminemment convenus. Sans omettre «
Save Me » surtout pour ses gimmicks guitaristiques, ses soudaines accélérations et ses prégnants couplets, bien moins au regard de ses refrains à la sempiternelle répétibilité.
Lorsqu'il nous mène au cœur de ses espaces intimistes, le combo le fait avec élégance et délicatesse. Si l'exercice de style semble ne pas sortir des carcans du genre, il parvient néanmoins à magnétiser le tympan. Ce qu'illustre «
Cursed with Immortality », s'offrant telle une power ballade aux savoureux refrains, mise en habits de soie par les graciles volutes de la maîtresse de cérémonie, et que n'aurait nullement reniée
Kingfisher Sky.
Malgré ses mérites, la galette accuse également quelques faiblesses. Ainsi, pourtant pourvu de riffs roulants et d'un fin legato à la lead guitare, le tonique « For the Rest of Your Death » déroule des couplets en demi-teinte et de bien pâles refrains qui, assurément, ne feront guère illusion auprès d'un auditorat déjà sensibilisé aux travaux de leurs maîtres inspirateurs. Pour sa part, et malgré la présence d'Anna Tkalya, le puissant « My Unborned Twin » ratera sa cible. En effet, on regrettera à la fois des enchaînements couplets/refrains plutôt flottants, des growls qui ne s'imposaient pas, une sente mélodique assez linéaire et l'absence d'un quelconque décollage.
On assiste donc à l'éclosion d'un projet ne manquant ni de vigueur ni saveur, à la lumière de compositions plutôt avenantes et parfois bien customisées sur le plan technique. On regrettera simplement de devoir se contenter d'une œuvre éminemment classique, en proie à quelques longueurs et encore lacunaire en matière d'originalité et de finitions. De plus, en dépit des délectables envolées lyriques de la frontwoman, certaines pièces ont à souffrir d'une palote mélodicité et de troubles harmoniques, et l'impact émotionnel est rarement au rendez-vous de nos attentes. Pour l'heure, et malgré une logistique soignée, le combo russe peinera à faire de l'ombre aux
Elvellon et consorts. Peut-être à l'aune d'un second album full length ?...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire