Mine de rien, ça fait quand même 25 ans que les Polonais de
Hate nous dévastent les oreilles avec leur death sombre et ravageur teinté de black. Eternel second couteau de la scène polonaise car toujours comparé aux aînés de
Vader et aux petits frères de
Behemoth dont leur musique se rapproche inévitablement, le combo de Varsovie nous revient aujourd’hui avec son neuvième album studio, indéniablement marqué par le décès soudain l’année dernière de l’ancien bassiste du groupe,
Mortifier. Le titre et l’artwork, minimalistes et nihilistes, indiquent bien les intentions de ce cru 2014 qui fait office de catharsis pour le combo :
Hate sera noir ou ne sera pas.
Crusade :
Zero démarre sur des cuivres dissonants aux inquiétants relents d’apocalypse, semblant introduire une fresque épique et tragique, et se poursuit sur
Lord, Make Me an Instrument of Thy Wrath ! qui donne le ton, avec cette batterie martiale, cette double pédale qui martèle, ces riffs lourds et sombres et ces notes de guitare à la mélodie sinistre. Valley of
Darkness est le premier véritable titre et impose un son particulièrement écrasant avec une paire de riffs en béton armés qui nous font courber l’échine : le tout est lent, brut, d’une gravité jupitérienne, massif, et suffocant.
La musique de
Hate repose sur une alternance de mid tempos massifs et puissants portés par les guitares et appuyés par une double apocalyptique (le début de
Dawn of
War, l’entame d’
Hate is the Law, Rise
Omega, The Consequence) et d’accélérations dévastatrices qui détruisent tout sur leur passage (
Hate is the Law avec son bombardement death particulièrement écrasant et jouissif, véritable rouleau compresseur à la
Behemoth, les blasts de
Dawn of
War, imparables de vitesse et de brutalité, pour un titre réellement excellent, mêlant guitares au feeling black sur un refrain à la mélodie hypnotique et déflagrations death, ou encore le titre éponyme, avec ce pilonnage intensif et ces guitares sombres et véloces). Le combo n’oublie pas de balancer des soli mélodiques et aérés qui apportent quelques respirations salvatrices et une note mélodique appréciable dans cet océan de lourdeur et de noirceur (Valley of
Darkness, Rise
Omega the Consequence,
Dawn of
War).
Le tout sonne extrêmement pesant et carré, presque robotique, notamment grâce à un son titanesque à l’épaisseur suffocante et à la frappe du batteur particulièrement lourde. Les riffs sont simples et efficaces, dégageant une puissance phénoménale, mais les Polonais parviennent à distiller une ambiance sombre et malsaine flirtant parfois avec le black grâce à des dissonances de guitares et des mélodies insidieuses en arrière-plan qui ajoutent un côté presque épique et une profondeur appréciable à l’ensemble (
Leviathan, Valley of
Darkness, Rise
Omega, The Consequence). Les vocaux d’ATF
Sinner, profonds et agressifs, aboyés avec une fureur haineuse mais particulièrement détachés et audibles, assez proches de ceux de Piotr Wiwczarek, viennent compléter un tableau définitivement sombre qui flirte parfois avec un death indus glacial et sans concession, certains titres incorporant d’ailleurs des bruitages mécaniques et inquiétants qui nous confortent dans cette idée de désespoir et de décadence (The Omnipresence, l’outro Black
Aura Debris).
Leviathan en est un parfait exemple, avec cette intro magistrale aux guitares sombres et ces riffs plombés et insidieux, montant lentement en puissance et nous plongeant dans une transe hébétée avec ces « A
Beast For
Leviathan ! » scandés comme un leitmotiv démoniaque.
Vu sous cet angle, tout cela paraîtrait presque idyllique, mais il y a un mai. Car si ce
Crusade :
Zero est indéniablement bien fait, avec une production dantesque et des compos solides qui tiennent bien la route, force est de constater que le tout est loin d’être original, respirant trop l’influence de combos comme
Behemoth ou
Vader dans ces riffs groovy et cette agressivité lourde et martiale. Le tout est tellement compact qu’on a du mal à faire ressortir un titre du lot, et l’homogénéité sans faille de l’album flirte parfois avec la redondance, rendant le tout un peu monolithique. On déplorera d’ailleurs que le découpage de l’album ne soit pas très judicieux,
Hate plaçant les titres les plus pesants et mid tempos en premier, prenant le risque de lasser l’auditeur en quête de brutalité pure.
En fin de compte, c’est plus la douleur et la tristesse qui ressortent de ces 12 titres plutôt que la colère (la partie acoustique qui clot Rise
Omega, The Consequence, les guitares sourdes et inquiétantes ainsi que l’ambiance particulièrement noire et sulfureuse qui enveloppe le tout), Valley of
Darkness, lent, pesant et solennel, avec ces soli de guitare à la mélancolie plaintive, en est une belle incarnation. On sort donc un peu frustré de cette écoute, car il faut bien avouer qu’avec un nom comme
Hate, on pourrait s’attendre à quelque chose de plus viscéral, de plus direct et de moins contrôlé, cette haine-là restant canalisée et un brin trop propre pour vraiment nous emporter dans les limbes.
En tout état de cause,
Crusade :
Zero reste une réalisation plus qu’honnête qui scotchera sans problème tous les amateurs de gros son et de compos lourdes, noires et puissantes, et qui est probablement l’une des meilleures réalisations de
Hate à ce jour. Ce qui, pour un groupe qui a 25 ans de carrière au compteur et vient de subir le décès d’un de ses membre, n’est déjà pas si mal.
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