Quand elle ne cherche pas à envahir la Crimée (ou la Géorgie, ou l'Afghanistan, enfin quand elle ne cherche pas à envahir quelque chose quoi), la Russie sait aussi nourrir en son sein de jeunes entités deathcore dont les hurlements parviennent jusqu'à nos contrées.
Slaughter to Prevail, nouveau-né, se lance dans le grand bain en juin 2015 avec un EP auto-produit, le bien-nommé «
Chapters of Misery » dont la pochette flamboyante, agressive, ne peut que capter le regard. Et ce, bien qu'elle soit très proche de ce qu'un Thy Art is Murder aurait pu nous pondre... Musicalement, le quintet arrive-t-il à tirer son épingle du jeu, ou ne propose-t-il qu'une énième galette dénuée d'âme tel que le deathcore nous en offre hélas trop souvent ?
Halte d'avance aux metalheads touchés par les petits pianos et les envolées mélodiques : le deathcore de
Slaughter To Prevail est brutal. Le son est gras à la
Emmure, partageant sa violence, sa texture agressive, par laquelle chaque accord de gratte se ressent comme un coup de massue/rasoir. La composition des morceaux ne suit d'ailleurs quasiment pas de ligne mélodique claire pour se concentrer surtout sur une gestion rythmique des guitares, une double-pédale furieuse et omniprésente, et bien entendu les lents breakdowns de rigueur dans le genre. Sautant à l'auditeur avec rage, le disque peut donc se présenter vite comme du deathcore violent, agressif et simple, à l'image, il est vrai, de son « Intro » ou «
Misery ». Une agressivité, dont la pureté (il faut le souligner) est malheureusement amoindrie par une production moyenne, mixée avec peu de finesse. Oui, parce que pour être brutal, parfois, il faut faire les choses avec finesse.
Si l'album n'était que cela on ne serait pas titillé comme on l'est à l'issue de l'écoute, en se disant « Je viens quand même d'entendre un truc intéressant, qui mérite d'évoluer ». Pour cause, «
Chapters of Misery » est déjà plus technique qu'il ne se laisse deviner. «
Beast » propose, par exemple, un passage complexe par la technicité de ses musiciens et notamment ses variations de tempo, qui n'ont rien à envier à un morceau de death technique d'un très bon acabit. La difficulté est d'ailleurs poussée un peu plus loin avec « Death », où le son des cordes et une section rythmique plus complexifiée encore que les précédentes amènent la composition vers le mathcore.
Ecrire que «
Chapters of Misery » est brutal et rythmique, ce n'est pas pour autant décréter qu'il n'offre aucune réflexion mélodique : l'autre aspect intrigant du disque est justement l'usage intéressant de la guitare soliste. Sur les mesures les plus agressives, des motifs aigus, joués comme en écho, se placent en étonnants contrepoints harmoniques et lancinants. Et ce, sur la plupart des morceaux, à partir de la seconde piste, jusqu'à aboutir au premier solo de l'EP, fou, inspiré... Qui arrive à « Crowned and Conquer » soit, sur le dernier morceau ! Attendre l'ultime piste pour balancer un solo, en plus d'être rare dans le metal et donc audacieux, c'est une bonne preuve d'humilité. Car légion sont les techniciens un peu trop conscients d'eux-mêmes ajoutant des soli qui n'ont aucune raison d'être là, juste pour impressionner la galerie.
Le parti-pris, ces idées sont séduisantes et laissent à penser que le groupe a dans le ventre de quoi livrer un travail intéressant sur le long terme. Pour peu qu'ils corrigent un manque de direction dans la composition car si, de certains morceaux, deux en avaient été faits, le disque en aurait gagné en maîtrise et en fluidité. Laissons au jeune
Slaughter To Prevail le temps de maturer, en espérant qu'ils ne soient pas qu'un autre feu de paille russe n'ayant livré qu'un seul EP sans transformer l'essai. Je dis ça pour ceux qui connaissent
Autoscan ou
Dream Scream...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire