Treize ans déjà que le quintet grec investit les studios locaux, et le moins qu'on puisse dire est qu'il sait se faire désirer, ne sortant que timidement de l'ombre, au gré de ses rares sorties d'albums. Quatre interminables années ont ainsi séparé un sculptural et émouvant «
Lacrima Dei » du présent opus. Rien ne laissait donc présager de leur retour sur le devant de la scène. D'aucuns pensaient même le voir définitivement sorti du circuit. A tort ! Se jouant des pronostics, le voici à nouveau sur les starting-blocks, caressant désormais le légitime espoir de faire partie des valeurs confirmées du metal symphonique à chant féminin international, rien de moins...
Fort de deux démos et trois albums full length, le collectif athénien aurait déjà les armes logistiques, techniques et mélodiques requises pour espérer en découdre sérieusement avec ses pairs,
Delain,
Diabulus In Musica,
Xandria et
Amberian Dawn en tête. En outre, leur dernier et vibrant effort a pu démontrer que nos acolytes étaient tout à fait en mesure de rivaliser d'inspiration, d'audace et de sensibilité avec leurs illustres compatriotes
Bare Infinity et
Elysion. Il n'y aurait alors qu'un pas à franchir pour que la colombe puisse s'affranchir de sa terre natale et s'envoler vers d'autres cieux...
C'est donc très progressivement, mais en pente ascendante, qu'évolue le projet du groupe, ce dernier ayant échafaudé minutieusement chaque portée, chaque mesure, chaque parole, de son quatrième bébé, le bien-nommé «
Catharsis » ; opus sorti chez
No Remorse Records, où s'égrainent 11 pistes sur un ruban auditif généreux de ses 49 énergisantes minutes. A cet effet, la troupe s'est séparée de Maya Kampaki, soprano aux cristallines inflexions, au profit de Dimitra Panariti, mezzo-soprano dans le sillage conjoint d'Helena Michaelsen (
Imperia) et d'Annelore Vantomme (ex-
Gwyllion, ex-
Sphinx). Un indice révélateur de changement de cap ?
Un soin tout particulier a été apporté au mixage, équilibrant parfaitement instrumentations et lignes de chant. Réalisé par Max
Morton, il corrobore un enregistrement de bon aloi signé Mark
Adrian (Studios133). Preuve que le combo hellénique a mis les petits plats dans les grands, celui-ci a confié le mastering à un certain Jens Bogren (
Opeth,
Angra,
Symphony X...), investi aux Fascination Street Studios. Il en ressort une belle profondeur de champ acoustique doublée d'enchaînements bien négociés, la galette autorisant dès lors un voyage auditif au long cours.
Selon un schéma classique du metal symphonique progressif, une brève et cinématique entame instrumentale nous est octroyée. Et ce, à l'instar des deux minutes de «
Catharsis », titre éponyme renforcé par une muraille de choeurs et doté d'arrangements de bonne facture. Une altière mise en bouche laissant augurer qu'un spectacle épique nous attend. Et on n'aura pas à patienter bien longtemps pour entrer dans la danse...
Souvent, le combo interpelle par sa faculté à concocter les séries d'accords susceptibles de rester durablement dans les mémoires, encensant alors le tympan sans avoir à forcer son talent. D'une vigueur percussive comparable à
Bare Infinity et d'une finesse mélodique qui n'aurait rien à envier à
Elysion, dans le sillage harmonique des cadors du genre mais sans s'y réduire exclusivement, le collectif athénien a, dans ce secteur, une belle carte à jouer pour espérer s'imposer. Sur un mode résolument dynamique, les exemples sont loin de manquer à l'appel.
S'il est des passages qui prennent aux tripes, le tubesque « The
Purge » serait de ceux-là. Doté d'une tempétueuse dynamique rythmique, rappelant à bien des égards celle de
Bare Infinity, et nous assénant ses frappes sèches en cascade, ce brûlant effort infiltrera sans mal le pavillon pour ne plus en sortir. S'inscrivant opportunément dans la trame, les puissantes attaques dans les médiums d'une sirène enfiévrée ne sont pas étrangères à une rapide addiction au torride propos. Et ce n'est pas le sémillant solo de guitare signé Diman Koutsogiannopoulos qui s'y opposera. Un coup de maître, en somme. D'obédience power symphonique, au regard d'une ligne mélodique d'une précision d'orfèvre et du grisant legato du guitariste, l'entraînant « No
Escape » ne ratera pas non plus sa cible. A mi-chemin entre
Ancient Bards et
Elysion, cette mordante offrande enchante par ses savoureux couplets qu'enchaînent des refrains immersifs à souhait mis en exergue par les saisissantes impulsions de la belle. Autre hit en puissance, donc.
Dans cette veine, quand il opte pour les effets de contrastes rythmiques, le combo semble particulièrement à son aise et non moins apte à nous retenir plus que de raison. Ainsi de stupéfiantes accélérations sur le refrain alternent avec de subtils ralentissements sur les couplets à l'aune du galvanisant «
Salvation ». Aussi, de délicats arpèges au piano corroborent de jolis accords à la guitare acoustique avant qu'un convoi orchestral boosté par des riffs plombants ne vienne tout balayer sur son passage. Un grisant moment dans le sillage d'
Imperia à l'époque de « Queen of Light », où la belle prendrait de faux airs d'Helena Michaelsen. Et la magie opère une fois encore...
Dans une visée plus personnelle, plus offensive encore mais moins directement orientée vers les charts, nos compères recèlent quelques pépites qu'une écoute empressée pourrait éluder. Ainsi, sur une rythmique syncopée et nous assénant sa basse claquante et ses riffs roulants, dans la lignée heavy symphonique d'
Epica, « Cleanse Their Sins » nous prend littéralement à la gorge, ne desserrant que rarement son étreinte. Livrant de fines variations atmosphériques et engagé sur un subtil cheminement harmonique, le frondeur méfait dissémine une énergie aisément communicative. Et ce, parallèlement à de saisissantes montées en puissance de la maîtresse de cérémonie, dont un final en crescendo des plus vibrants.
Evoluant sur un même up tempo, on ne pourra se soustraire à «
Veil of
Faith », rageur argument développant une démentielle force de frappe et des riffs écrasants tels de létaux rouleaux compresseurs. Quant au démoniaque «
Lustful Desires », il capte tant par sa tonitruante rythmique et ses riffs frénétiques que par ses ragoûtantes rampes aux claviers. Enfin, sonnent les tambours et martèle un intarissable tapping sur les fougueux «
Shrine of
Wisdom » et « A
Curse Unfolding » ; pistes power symphonique dans le sillage d'un
Nightwish des premiers émois doublées d'un zeste d'
Ancient Bards eu égard à leurs sanguines accélérations rythmiques.
Soucieux de sortir du carcan parfois réducteur du registre metal qui est le leur, nos acolytes ont veillé à diversifier les ambiances, parvenant non moins à nous envoûter, et ce, de deux manières différentes. Titre à la troublante atmosphère orientalisante, l'offensif « Whispers in the
Dark » en est une illustration. Il nous plonge dans un désert d'une chaleur dévorante, d'où jaillissent des riffs en tirs en rafale et d'enivrants gimmicks guitaristiques. On est happé par la tourmente dès le premier couplet entamé et irrémédiablement magnétisé par un éblouissant corps à corps entre un venimeux serpent synthétique et une léonine six-cordes. On ne passera pas outre l'habile solo de guitare dans la mouvance de
Lanvall (
Edenbridge). Une truculente alternative à laquelle nous convie l'inspiré quintet grec, où les envolées lyriques de la douce font mouche, une fois de plus. Par ailleurs, c'est dans une atmosphère plus chaotique que nous conduit « Weaver of
Destiny », marécageux instant gothique où un improbable duo mixte en voix claires nous y attend. On sera aspiré à la fois par le brio affiché du guitariste soliste, l'habile doigté du claviériste lui répondant en écho, et la magnétique présence vocale de la frontwoman.
C'est à une œuvre vitaminée, prégnante et singulière, témoignant d'une belle épaisseur artistique et empreinte de maturité, à laquelle nous avons affaire. Une ingénierie du son digne des pointures du genre doublée d'une qualité de composition encore inédite chez nos cinq gladiateurs nous confortent dans le sentiment d'être aux prises avec un gemme du genre. Classique dans sa structure, à commencer par son entame, cette quatrième offrande a su toutefois éviter les poncifs du genre, ceux auxquels s'accrocheraient encore certains de leurs illustres pairs tels à un bâton de maréchal. C'est dire qu'un zeste d'originalité, et même quelques prises de risques, d'ailleurs parfaitement assumées par le combo, sont au programme.
Si le groupe a varié son offre atmosphérique et vocale, on aurait peut-être souhaité une palette plus étoffée d'exercices de style (fresques, ballades...) et l'incursion de choeurs que certains passages auraient appelé de leurs vœux. Si l'arrivée de Dimitra lui a conféré une sensibilité et une aura différentes, si son art s'est enrichi de nouvelles sonorités, de vibes alternatives, le groupe est globalement resté fidèle à un metal symphonique pêchu et complexe bien identifiable. Il serait donc prématuré d'en conclure que le groupe s'est montré innovant au point d'avoir changé de cap. Quoi qu'il en soit, à la lumière de ce message musical, la troupe nous a prouvé qu'elle en a sous le pied, du moins suffisamment pour faire partie du trio de tête de son pays et venir taquiner les cadors du genre sur leurs propres terres...
J'ai davantage apprécié que Lacrima dei (faut je m'y remette) En effet on sent une prudence quant aux choix des mélodies pour que ça se démarque, Il y a une belle richesse, la voix est belle, y'a un côté agressif, les mélodies sont bien foutues et catchy sans tomber dans le cheesy, mais je vois pas vraiment le symphonique dans le CD
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