S'il est des formations désireuses de prendre leur temps pour disséminer leurs gammes et leurs arpèges, cet expérimenté combo slovaque originaire de Dunajská Streda serait assurément du nombre. En effet, créé en 2010, le groupe ne sortira son premier et encourageant album full length, «
Outer Calm, Pain Within », que trois ans plus tard, auquel en succédera un second et plus opulent, dénommé «
Comma », en 2018. Il faudra alors patienter la bagatelle de quatre années supplémentaires avant de voir naître son troisième et présent bébé, «
Cataclastic », auto-production de 8 titres dispatchés sur un ruban auditif de 45 minutes. Cette nouvelle offrande marchera-t-elle sur les pas de ses solides et poignants devanciers ? Permettra-t-elle alors à nos acolytes de se hisser parmi les valeurs confirmées du metal atmosphérique gothique à chant mixte ? Jamais deux sans trois, dit-on...
Côté line-up, l'équipage du précédent navire a subi quelques changements. Auprès de Marta, frontwoman du groupe, Norbert Frick (dit ''N''), aux growls et aux screams, Miloš Dupal (dit ''
Stronghold''), aux claviers, Peter Vavra (dit ''Pitrs''), à la batterie, et Mario Turis, aux guitares, évoluent dorénavant : Thomas Csibri (dit ''Tommy''), à la basse, et Archmage, en remplacement de Dex, aux guitares. De cette collaboration émane un propos dans la lignée stylistique de son proche aîné, soit dans un metal atmosphérique gothique aux teintes doom death et doublé d'une coloration mélodico-symphonique et progressive, lui aussi calé sur le schéma oratoire de la Belle et la Bête. Ce faisant, le méfait combine à nouveau et judicieusement les influences de
Tristania,
Darkwell,
Atargatis,
Theatre Of Tragedy,
Draconian et
Imperia. Est-ce à dire qu'un bis répétita à l'exclusion de toute autre alternative qui en fonderait précisément son originalité serait à mettre à l'actif de cette livraison ?
Côté production, la galette n'a à souffrir que de très peu d'irrégularités susceptibles d'en altérer la portée. Enregistré et mixé par ''Pitrs'', mastérisé aux Fascination Street Studios (à Örebro, en Suède) par un certain Jens Bogren (sollicité par
Amorphis,
Arch Enemy,
Eluveitie,
Katatonia,
Leprous,
Opeth,
Paradise Lost,
Soilwork, parmi tant d'autres), le méfait jouit d'une production d'ensemble de fort bonne facture, n'accusant pas l'once d'une sonorité résiduelle. On soulignera encore la qualité des arrangements instrumentaux, que bien de leurs pairs pourraient avoir à leur envier. Aussi, il ne nous reste plus qu'à embarquer pour une croisière parsemée, espérons-le, d'îlots d'enchantement...
Tout comme son prédécesseur, ce manifeste a misé quelques espoirs de l'emporter par le truchement de plantureuses et luxuriantes pièces en actes d'obédience metal mélodico-symphonique gothique et progressif. C'est d'ailleurs par là que commence et s'achève le voyage. Ainsi, c'est au cœur d'un océan de félicité que nous plonge, plus de 7 minutes durant, « Igneous », grisant effort symphonique gothique aux relents doom death, à mi-chemin entre
Darkwell,
Tristania et
Imperia. Jouant à plein sur les effets de contraste vocal, les limpides inflexions de la belle alternant avec les serpes oratoires de son acolyte de growler, le graduel et foisonnant manifeste laisse également entrevoir de délicats arpèges au piano et un magnétique slide à la guitare acoustique en contre-point de riffs crochetés et de puissants coups de boutoir.
Plus corpulent encore et dans la même veine, « Lithos » se pose tel une fresque déversant ses 8 vénéneuses et épiques minutes. Egalement mise en relief par nos deux vocalistes patentés, l'orgiaque et mystérieuse offrande se voit ponctuée de moult coups de théâtre et agrémentée d'un fin legato à la lead guitare. Mais nos valeureux gladiateurs ont encore bien d'autres armes, et des plus effilées, pour asseoir leur défense...
Comme il nous y avait accoutumés, le collectif nous immerge volontiers en de bouillonnants espaces d'expression, non sans laisser quelques traces dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le pavillon. Ce qu'atteste, en premier lieu, « Fundamental Ingressions », intrigant et complexe mid/up tempo au carrefour entre
Atargatis,
Eluveitie et
Draconian. Dotée d'un fringant solo de guitare, d'un pont techniciste tout en subtilité, et pourvue d'un fondant refrain mis en exergue par les cristallines patines de la sirène auxquelles répondent point pour point les growls caverneux de son comparse, cette offrande ne se quittera qu'à regret. On ne saurait davantage éluder ni les sensibles gammes pianistiques ni les assauts répétés d'une rythmique sanglante dont nous abreuvent « Crossing the Waves » et « Cataclasis », mid/up tempi à la fois tourmentés et romanesques, dans le sillage coalisé de
Tristania et
Draconian. Dans cette mouvance, on retiendra encore l'énigmatique et anxiogène mid/up tempo syncopé « Briolette Cut » tant pour la soudaineté de ses accélérations et son léger tapping que pour ses effets de contrastes atmosphériques.
Quand le climat se fait plus oppressant et que nos compères nous mènent en de gorgonesques territoires, le message musical ne se fera guère moins impactant. Ce que prouve, d'une part, « Into the
Mass Flow », ''draconien'' mid tempo syncopé aux riffs en tirs en rafale doublés de visqueuses rampes synthétiques. Dans ce champ de turbulences, déambulent deux ténébreuses créatures à l'instar d'un duo mixte bien habité, mettant en regard les growls glaçants de ''N'' et les screams tranchants comme des lames de rasoir de la frontwoman. Bref, un crépusculaire et tortueux méfait qui ne lâchera pas sa proie une seule seconde. Par ailleurs, si c'est à pas de loup, sur fond de sensibles séries d'accords au piano et de troublantes incantations féminines, que semble évoluer l'''imperien'' « Ruptures », c'est pour mieux masquer à la fois ses screams déchirants et la saisissante montée en régime du dispositif instrumental en bout de course.
Au terme de notre voyage, force est d'observer un message musical aussi pénétrant que finement sculpté, dont la complexité pourra toutefois nécessiter quelques passages circonstanciés pour en apprécier toutes ses subtilités techniques et mélodiques. A la fois tumultueux, torrentiel, intrigant, romanesque, théâtral et obscur, voire abyssal, et bénéficiant d'une ingénierie du son difficile à prendre en défaut, le grisant propos n'aura pas tari d'arguments pour nous prendre dans ses filets. Ne manquant ni d'allant ni de panache, un poil plus audacieux que son aîné sans pour autant le déclasser, mais des plus variés sur les plans rythmique, atmosphérique et vocal, ce troisième effort aurait dès lors les atouts pour se poser comme l'album de la confirmation pour nos inspirés concepteurs. Poussée par des vents ascendants, qui pourrait bien arrêter la colombe slovaque en plein vol ?...
Note : 15,5/20
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