«
Evanescence » aura connu la gloire, la déchéance, puis l’indifférence. Chacune de ses étapes se singularise par une réalisation du combo de la plantureuse Amy Lee. Pourquoi aborder le cas d’«
Evanescence » pour présenter le deuxième album des suédois de «
The Murder Of My Sweet » ? Parce que justement «
The Murder Of My Sweet » rappelle autant «
Evanescence » par sa musique que par son parcours en dents de scie. De la gloire du premier album, «
Divanity », on arrive aujourd’hui à l’étape de la déchéance avec ce «
Bye Bye Lullaby ». Et c’est rien de le dire. Car concrètement on était loin de se douter de la bouillabaisse contenue, absolument indigne d’une formation de renom. La pochette de couverture plus conventionnelle à des groupes tels «
Nightwish », «
Within Temptation », aurait pu nous faire croire à une mutation vers le metal symphonique du projet du batteur et compositeur Daniel Flores. Hors, nous ne tarderons à constater que l’œuvre en question, signée chez l’imprudent AFM Records après le passage fructueux chez Frontiers, vibre (comme une machine à laver le linge) aux sons rock, néo et pseudo cybernétiques. Peut-être pourra-t-on y voir une tentative de séduction absurde des adeptes de musique électro pop. Difficile d’estimer ce qu’ils jugeront. Drogue et alcool leur seront recommandés pour trouver des qualités gustatives à cette galette de boue haïtienne. A bien comparer, cela va plus loin que le désamour de « The Open Door », opus qui a mis temporairement à la porte «
Evanescence ». Là, nous serions plus à penser qu’il s’agit pour «
The Murder Of My Sweet » d’une défenestration, d’un suicide violent, sale et désespéré. D’où sans doute le choix du titre de l’album. Quelques mots désinvoltes avant de sauter.
Nous ne sommes pas encore en mesure d’évaluer l’étendue du désastre d’entrée. Pour tout dire, «
Armageddon » n’est pas une fin du monde en soi, bien qu’il y ait déjà beaucoup à redire au sujet de la performance de nos gredins. Clichesque et montrant peu de matière proprement comestible, comme on le craint trop souvent dans ce genre de combo à frontwoman. A tort souvent et cette fois-ci à raison. S’il y a de la musicalité, on la doit quasi exclusivement au synthé, prenant une place dévorante, peut-être grand heureusement si on tient compte des autres intervenants. La partie guitare se résumerait à un grincement souvent trop répété et sans grande perspective. Ce sera d’ailleurs vérifiable sur le restant de l’album. Nous serons également bien nuancés quant à la chanteuse. Celle-ci use d’une belle voix, mais elle ne s’accorderait que trop difficilement à la musique. On aurait une fille pommée qui suit sans grand discernement une troupe allant vers un suicide collectif. La musique tire la corde entre l’électro et le symphonique, mais on en retient peu de sensations comme on le constate amèrement sur « Violently Peaceful », qui nous témoigne d’un semblant d’agressivité. On fait du savon industriel chez «
The Murder Of My Sweet » et notre belle dame aime les bains moussants.
Beaucoup de mousse et de javel pour le morceau «
Fallen », chute sans fracas parmi tant d’autres sur un même ouvrage. Et on aura de cesse de regretter l’album du même nom d’«
Evanescence » qui avait pu manier plus habilement et avec une certaine sensibilité sonorités classiques et modernes. Là, pour de l’art, c’est manipulé avec une truelle. Si seulement les compositions des suédois étaient aussi solides que du ciment. Ce qui n’est bien entendu pas le cas. Ne croyez pas à la lecture du titre «
Unbreakable », celui-là est en fait très fragile dans sa structure cartonnée. Les couplets sont raides, friables et sans intensité. On pourra gracier notre chanteuse plus à son aise dans un registre pop-rock que ne semble pas faire profiter la musique. Il y aurait des efforts réalisés pourtant à ce propos sur «
The One », mais une trop grande répétitivité, des paroles niaises sans fondement font d’office entrer le titre dans un potentiel « Fun Radio », à une soupe électro pop aussi étoilée que la soupe populaire. Le bouillon de godasse est encore très bon à côté de ce qu’ils nous offriront avec « Idolize ». Ils s’essayent là à une musique synthétique pas loin du dream house du très pauvre. On fait un bon de 20 ans en arrière pour se rendre compte combien « Modern Talking » pouvait paraitre excellent et plus approfondi.
Chaque instant de cet album n’est pour autant pas toujours une balle tirée dans le pied, nos bestiaux ne sont pas entièrement masochistes et parfois ils manquent heureusement leur cible. On aura enfin droit à quelque chose d’affuté et de bien senti sur « I
Dare You ». Nous nous saisirons de sa petite touche orientale, de son refrain assez rafraichissant. Cependant la guitare et le chant sur le couplet s’articulent toujours aussi péniblement. «
The Murder Of My Sweet » parviendra à nous surprendre (tardivement) avec un «
Resurrection » émotionnel et progressif. Son élaboration, les contours rigoureusement dessinés, son amplitude même, contrastent énormément avec la majorité des morceaux de l’album. Il figurerait tel un flacon de Chanel dans une fosse septique. Le contenu du flacon sera insuffisant pour masquer l’odeur de l’environnement où il baigne. C’est la médiocrité qui domine en dehors. On s’en rend trop compte sur « Waiting for the 27th », et on a véritablement envie de hurler de colère, car la féérie de conte de fée très Nightwishienne de l’entame mute dans le kitch et le ridicule. Blanche Neige se transforme en nain après avoir croqué la pomme.
«
Nightwish » aurait pu être une référence évidente pour la ballade « Meant to Last Forever ». Mais au lieu de puiser dans la volupté et le raffinement des confrères finlandais, ils tenteraient de copier le pire de la musique estampillée « Eurovision ». De la fausse émotion, du kitch sans intérêt, de la figuration au mieux. Une chanson moderne et pop comme « Kind of Lousy » est également bâtie pour ce genre de tristes événements télévisuels passant une fois par an, mais dans un style différent. On pourra malgré tout le soutenir pour son peps, ses sons pétillants qui ne sont pas dénués d’énergie. Néanmoins cette énergie est vaine pour celui qui aime une musique mature, complexe et éloignée des stéréotypes de radio et de télé. Ce que le groupe comprend finalement qu’en toute fin. Il y aurait une reprise d’orgueil sur un affriolant «
Black September », où on remarque une
Angelica Rylin sortie d’un trop long sommeil. Toutefois ce saut du lit (ou de la litière) est encore insuffisant pour être totalement convaincant. L’ «
Evanescence » worship de «
Phantom Pain » dans une atmosphère torturée ne l’est guère davantage. La passion ne se presse pas pour un produit dont on douterait de sa fraicheur.
Pas frais mon poisson ? Viens me dire en face qu’il n’est pas frais ! Certaines vérités sorties de la bouche ou de la plume peuvent se transformer en bagarre généralisée, faisant voler en éclats toute dignité et toute politesse. Un spectacle pour petits et grands enfants. Le critique craint de s’enliser dans un conflit à chaque fois qu’il estime qu’une œuvre mérite d’être descendue. Il tirera sur la gâchette s’il est honnête. Il s’abstiendra de toute remarque s’il a peur. Il complimentera sans y croire s’il est une merde. Il serait malhonnête pour quelqu’un qui n’a pas du tout apprécié ce second volume des aventures de «
The Murder Of My Sweet » d’encourager à acheter l’album. Il y a tellement de musiques plus fines et plus délicieuses à côté. Pauvre, sans authenticité, réchauffé, sans relief. «
Bye Bye Lullaby » n’a décidément pas grand-chose à sauver, quasiment tout à jeter. «
Evanescence » qui a autrefois pris la porte a pu revenir par cette même porte, mais il serait compliqué pour «
The Murder Of My Sweet » qui a pris la fenêtre de rentrer par la même ouverture, à moins de s’aider d’une échelle. Si jamais l’intrus infortuné frappe à votre porte, ne l’ouvrez sous aucun prétexte. Dites-lui simplement « bye, bye ».
08/20
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