Il est des cas où l'histoire musicale d'un groupe ne se répète pas à l'identique, tant s'en faut. Et celle de ce quintet britannique originaire de Sheffield en est une parfaite illustration.
Suite à son introductif et encourageant EP «
Soul Shredder », sorti en 2014, auquel en succédera un second, plus complexe, trois ans plus tard, dénommé «
War Machine », le discret combo souhaite désormais plus largement, et légitimement, faire entendre sa voix. Réputé pour la prudence de sa démarche, le groupe nous fera patienter cinq longues années avant de nous octroyer son premier et présent album full length, «
At the Gates of War ». Le temps pour lui de fluidifier encore ses lignes mélodiques, d'affiner le trait de sa plume, mais aussi de refondre partiellement son line-up. Aussi, si l'on retrouve Stuart Gibson aux guitares et aux claviers, Tom Collinson aux guitares, Ed Scrimshaw à la basse et Rix Hobbs derrière les fûts, la frontwoman aux puissantes inflexions, Thumri Paavana se verra, elle, remplacée par la mezzo-soprano
Marina Sardà, dont les médiums pourront rappeler ceux d'une certaine
Tarja à ses débuts. Un changement de tessiture vocale qui ne sera pas sans effet sur la coloration stylistique conférée par le collectif d'outre-Manche à son projet...
De cette nouvelle collaboration naît un propos heavy/power mélodique aux relents progressifs et aux accents dorénavant plus symphonisants que hard rock. Ainsi, si les influences de
Ela,
Halestorm,
Kobra And The Lotus et
Crystal Viper sont encore de la partie, nombre d'harmoniques que l'on croirait empruntés tant à
Nightwish qu'à
Xandria, et des lignes percussives dans le sillage d'
Ancient Bards viennent désormais compléter la panoplie, plaçant la troupe à quelques encâblures de ses fondamentaux. Composé et écrit par Stuart et
Marina, pour l'essentiel, ce set de compositions confirme le remarquable potentiel technique révélé par les deux premiers opus tout en octroyant une mélodicité plus exigeante dans son process d'écriture et un poil plus engageante aujourd'hui qu'hier. A nouveau mixé par Stuart et mastérisé par Ed, le méfait convainc, lui également, par sa qualité d'enregistrement, les sonorités résiduelles n'étant plus que peau de chagrin, et demeure agréable sur la durée en raison d'une saisissante profondeur de champ acoustique. Il ne nous reste plus qu'à suivre nos cinq corsaires à bord de leur drakkar pour une traversée de 44 minutes en eaux tumultueuses...
Une fois n'est pas coutume, c'est sur une mer d'huile que nous mène tout d'abord le vaisseau amiral. Ainsi, nourrie d'arpèges d'une confondante délicatesse au piano signés Andy Gotteri et d'un fin picking à la guitare acoustique, « Eve » se pose telle une brève mais immersive entame cinématique et mélodico-progressive. S'il ne s'agit-là que d'une simple mise en bouche, cette pièce n'en est pas moins annonciatrice d'un changement de cap amorcé par son équipage...
Comme ils nous y avaient accoutumés, nos compères nous projettent volontiers sur une terre de lave en fusion, révélant par là même de séduisants atours. A commencer par «
Restless Heart », rageur up tempo power mélodique à mi-chemin entre
Ancient Bards et
Ela ; doté de riffs corrosifs doublés d'inaliénables coups de boutoir, pourvu d'un flamboyant de solo de guitare, et surtout d'un entêtant refrain mis en exergue par les poignantes envolées semi-lyriques de la sirène, le solaire méfait ne se quittera qu'à regret. Dans cette énergie, on ne saurait davantage éluder «
The Key », tornadeux manifeste aux riffs crochetés, dans la veine coalisée de
Crystal Viper,
Nightwish et
Ancient Bards ; ne desserrant son étreinte qu'en de rares instants et pourvu de couplets finement ciselés mis en relief par les limpides oscillations de la déesse, le démoniaque et opulent effort poussera assurément le chaland à un headbang bien senti et quasi ininterrompu. Enfin, au carrefour entre
Halestorm et
Xandria s'immisce «
Seventh Circle » ; une volcanique offrande au refrain accrocheur et déversant un pont techniciste alimenté par de tourbillonnants gimmicks guitaristiques à mi-morceau. Et la sauce prend, in fine.
Quand le convoi instrumental retient un tantinet les chevaux, nos acolytes parviennent, là encore, à aspirer le tympan. Aussi, ne mettra-t-on qu'une poignée de secondes pour se voir happé par les vibes enchanteresses insufflées par «
The Front Line », mid tempo symphonico-progressif dans la lignée d'un
Nightwish des premiers émois. Investi d'un refrain catchy mis en habits de lumière par les angéliques inflexions de la princesse, recelant une insoupçonnée et grisante gradation du corps orchestral ainsi qu'un éblouissant solo de guitare, cet entraînant message musical joue, lui, dans la catégorie des hits en puissance que l'on se repassera sitôt son ultime mesure envolée.
Plus ''xandrien'' en l'âme, se calant sur un infiltrant cheminement d'harmoniques et instillant de seyants gimmicks guitaristiques dans sa trame, l'invitant mid-up tempo «
Fallen Hero » n'en viendra pas moins à nous rallier à sa cause, loin s'en faut. Un poil plus en retenue, laissant entrevoir une sente mélodique certes convenue mais éminemment enlaçante, le rendant à la fois sensuel et pénétrant, le murmurant et symphonisant mid tempo progressif « Reign » pourra non moins nous retenir plus que de raison.
Mais ce serait à l'instar de leur pièce en actes power symphonico-progressive que nos cinq belligérants seraient au faîte de leur art. Ainsi, le ''nightwishien'' «
Trojan Horse » déverse ses quelque 8:26 minutes d'un parcours à la fois épique et romanesque, où les coups de théâtre sont loin de manquer à l'appel. Initialisée tout en délicatesse par de sensibles gammes à la guitare acoustique, enchaînant alors sur une rythmique à la cadence mesurée sur laquelle s'adosse un habile délié à la lead guitare, la fresque ne saurait tarder à prendre l'ascendant ; à mi-parcours, à l'aune d'une fougueuse batterie et d'une basse vrombissante. les éléments en viendront même à se déchaîner. Magnifié par les cristallines volutes de la maîtresse de cérémonie, jouissant de schèmes d'accords finement esquissés et d'arrangements de bonne facture, tout en n'accusant pas l'ombre d'une zone de remplissage, l'opulent méfait constituerait, selon votre humble serviteur, le masterpiece de cet essai.
De l'eau aura coulé sous les ponts pour ce combo britannique sorti de terre voilà près de 20 ans.
Plus symphonisant que typé hard rock, le trépident effort nous entraîne donc dans des espaces encore vierges de toute incursion de la part du groupe. Ce faisant, le propos se fait plus varié que ses aînés sur le plan rythmique et quant aux exercices de style dispensés. Reposant sur une technicité instrumentale et vocale difficile à prendre en défaut, sur des mélodies le plus souvent engageantes, et sur une ingénierie du son un poil plus affutée, l'opus aurait donc de sérieux atouts pour recueillir l'adhésion de l'amateur du genre actuellement investi par nos acolytes. Il faudra toutefois que le collectif consente à quelques prises de risques supplémentaires et qu'il appose son sceau artistique sur ses futures compositions pour espérer l'emporter plus largement. Symbolisant un changement de cap amorcé par le quintet britannique, à défaut de faire de lui une valeur montante, ce nouvel élan pourra le porter parmi les sérieux espoirs de ce registre metal. Wait and see...
Note : 14,5/20
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