Six années envolées déjà depuis son premier album full length, «
Until Dawn »... une éternité pour la fanbase du quintet allemand, considéré aujourd'hui encore comme l'enfant spirituel de
Nightwish ! Ce serait toutefois faire fi de la philosophie communément partagée de ses membres de veiller à échafauder leur projet pierre par pierre, de se lancer ainsi avec prudence mais non sans détermination dans une arène metal symphonique à chant féminin où de redoutables opposants continuent de sévir. En effet, cofondé en 2010 par le claviériste
Pascal Pannen et par le batteur et percussionniste Martin Klüners, le groupe n'accouchera de son introductif et prometteur EP, «
Spellbound », que cinq longues années plus tard. S'ensuivra le dantesque «
Until Dawn », que trois ans séparent de son prédécesseur, sorti chez
Reaper Entertainment ; une rayonnante galette couronnée d'élogieux retours tant de la part du public que des médias. Cela étant, à l'aune des 10 pistes jalonnant leur frais arrivage, «
Ascending in Synergy », signé, lui, chez
Napalm Records, nos acolytes seront-ils à même de nous octroyer un second coup de maître ?
Dans ce dessein, nos deux maîtres d'œuvre ont à nouveau requis et harmonieusement combiné les talents de la mezzo-soprano Nele Messerschmidt – dont les puissantes inflexions rappelleront celles de Manuela Kraller (ex-
Xandria), avec quelques rondeurs empruntées à Amanda Somerville (
Trillium) et à
Tarja, à ses débuts chez
Nightwish – et de Gilbert Gelsdorf (feu-Ravian), à la guitare, Phil Kohout (ex-
Vanir, ex-Savior Of Death, ex-
Motorjesus), ayant, lui, été remplacé par Jan
Runkel (
Kingdom Of Salvation), à la basse. De cette étroite collaboration émane un propos metal rock'n'metal mélodico-symphonique aux colorations heavy, cinématique, metal moderne, progressif et pop-rock, désormais dans le sillage de
Nightwish,
Xandria,
Delain, Volturian, Metalite et
Amaranthe, soit à quelques encâblures des empreintes power et gothique abreuvant «
Until Dawn ». Une ère nouvelle serait-elle en train de s'ouvrir pour le quintet allemand ?
A l'instar de son illustre devancier, le présent méfait jouit d'une production d'ensemble coulée dans le bronze, signée Gilbert Gelsdorf. Ce faisant, Gilbert et Beray Habip (feu-Ravian) insufflent au propos une qualité d'enregistrement difficile à prendre en défaut, évacuant, de fait, toute sonorité parasite, ainsi qu'un mixage parfaitement ajusté entre lignes de chant et instrumentation. A l'aune de
Nightwish,
Amberian Dawn,
Amorphis,
Edenbridge, parmi tant d'autres, l'opus bénéficie parallèlement d'un mastering relevant de la patte experte de Mika Jussila, ingénieur du son et propriétaire du Finnvox Studio. En découlent des finitions passées au crible ainsi qu'une belle profondeur de champ acoustique. Aussi, le confort auditif ainsi prodigué autorise-t-il l'écoute de la galette d'un seul tenant.
Pour mettre les petits plats dans les grands, le collectif teuton a cette fois confié l'artwork de la pochette – d'inspiration fantastique, aux fines nuances de bleu et au trait affiné – au pluri-instrumentiste et vocaliste de
Bornholm, Péter Sallai, également sollicité par moult formations pour la réalisation graphique, partielle ou totale, de certains de leurs albums (
Sabaton,
Lonewolf,
Crematory,
Visions Of Atlantis,
Ossian,
Feuerschwanz...) ; un choix loin d'être anodin, symbolisant à lui seul une habile fusion entre ses fondamentaux ''nightwishiens'' et un regard tourné vers de nouveaux horizons. Mais entrons sans plus attendre dans le vaisseau amiral et laissons-nous guider par nos cinq corsaires dans cette mer limpide à la profonde agitation intérieure...
A l'image du précédent élan, le groupe interpelle par son aptitude à composer et à enfiler ces séries d'accords qui font mouche, à commencer par ses pistes les plus enflammées. Ainsi, c'est d'un battement de cils que les vibes enchanteresses insufflées par « Unbound » aspireront le tympan du chaland ; se posant tel un invitant up tempo heavy symphonique et cinématique, ''nightwishien'' en l'âme, recelant des arrangements orchestraux de fort bonne facture, voguant sur une enivrante onde mélodique et porté par les chatoyantes impulsions de la sirène, le vibrant méfait ne se quittera qu'à regret. Dans cette mouvance, on ne saurait davantage éluder ni « My Forever Endeavour », trépidant effort aux riffs crochetés, glissant à la fois sur d'ondoyantes rampes synthétiques et le long d'une radieuse rivière mélodique qu'empruntent les fluides et magnétiques oscillations de la mezzo-soprano, ni l'entraînant et ''delainien'' « A
Legacy Divine », tant au regard de son chatoyant paysage de notes que de son énergie aisément communicative. Et comment ne pas se sentir happé par l'infiltrant cheminement d'harmoniques que nous invite à suivre « The
Aftermath of
Life » ? Pourvue d'un entêtant refrain et de sidérantes montées en puissance de l'interprète, cette dernière s'autorisant alors à tutoyer, et avec brio, les notes les plus haut perchées, la ''tubesque'' offrande poussera assurément à une remise en selle sitôt l'ultime mesure envolée.
Sur un même modus operandi, le message musical s'est, par ailleurs, avéré plus tourmenté, un tantinet plus sombre. Etat de fait qui ne saurait l'empêcher de se jouer de toute tentative de résistance à son assimilation. Ainsi, «
Ocean of Treason » se pose tel un énigmatique et ''jamesbondien'' propos aux riffs acérés adossés à une frondeuse rythmique, à mi-chemin entre
Nightwish et
Xandria ; suite à un break opportun, une bondissante reprise orchestrale cédera le pas à une soudaine et galvanisante accélération, alors relayée d'une note finale en voix de tête de la diva qui pourrait bien laisser quelques traces indélébiles dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le pavillon. Mais là n'est pas l'argument ultime de nos acolytes pour tenter de nous rallier à leur cause...
Quand la cadence de ses frappes se fait un poil plus mesurée, la troupe parvient non moins à nous aspirer dans la tourmente sans avoir à forcer le trait. Ce qu'atteste, tout d'abord, « A
Vagabond's
Heart », ''delainien'' mid tempo aux riffs épais, eu égard à son refrain immersif à souhait mis en exergue par le frissonnant vibrato de la déesse et à ses enchaînements intra piste ultra sécurisés. On pourra également se voir happé d'un battement de cils par « Into the
Vortex », une plage metal symphonique moderne et groovy à la croisée des chemins entre
Xandria,
Amaranthe et Metalite ; délivrant quelque six minutes incitatives à l'esquisse d'un pas de danse et recelant d'insoupçonnées et échevelantes montées en régime du corps orchestral, ce passage non seulement témoigne d'une plus large ouverture du champ des possibles stylistiques chez l'inspirée formation teutonne mais également de sa capacité à nous surprendre sans nous désarçonner, loin s'en faut. Chapeau bas. Enfin, c'est cheveux au vent que l'on parcourra « Epiphany of Mine », un solaire et aérien manifeste pop metal symphonico-mélodique dont les fringants harmoniques essaimés ne sont pas sans renvoyer à leur précédent opus ; autre hit en puissance à mettre à l'actif de nos acolytes, que n'aurait sans doute renié
Delain, apte à prendre dans ses filets le fan de la première heure comme le nouvel entrant en terre ''elvellonienne''.
Lorsqu'ils nous mènent en des espaces tamisés, nos compères nous adressent leurs mots bleus les plus sensibles, non sans déclencher cette petite larme au coin de l'œil que l'on tenterait bien d'esquiver, en vain. Ce qu'illustre, en premier lieu, « Last of Our Kind », ballade romantique jusqu'au bout des ongles et aux airs d'un slow qui emballe, dans la veine d'un
Nightwish des premiers émois. Sous-tendu par de délicates gammes pianistiques, voguant sur une sente mélodique des plus enveloppantes que soulignent les angéliques patines de la maîtresse de cérémonie, insufflant, de fait, une émotion grandissante au fil de sa progression, l'instant privilégié comblera à n'en pas douter les plus exigeantes des attentes de l'aficionado de moments intimistes. « The
Aeon Tree », pour sa part, nous plonge au cœur d'une ballade progressive et cinématique à la fois altière et hypnotique, qui, au fil de ses 9:29 minutes, ne relâchera pas son étreinte d'un iota. Investie d'un récitatif en voix masculine claire relayant les frémissantes modulations d'une interprète que l'on croirait alors touchée par la grâce, atteignant son point d'orgue au moment même où se densifie l'instrumentation et que s'intensifient ses frappes, cette soyeuse et ''nightwishienne'' pièce en actes fera fondre plus d'un cœur en bataille. Sans doute le masterpiece de la rondelle.
Le temps semble avoir joué en la faveur du collectif allemand, ce dernier nous octroyant, 14 ans suite à sa sortie de terre, une œuvre forte et sensible à la fois, incitative à une remise du couvert aussitôt l'entame de la chute finale amorcée. Aussi effeuille-t-on un propos sachant varier ses ambiances comme ses phases rythmiques, témoignant de compositions techniquement plus abouties que naguère et de lignes mélodiques finement sculptées et des plus efficaces, renvoyant à la féconde inspiration de leurs auteurs, et ne concédant pas l'ombre d'un bémol susceptible d'affadir l'attention du chaland. Toutefois, d'aucuns, pour se sustenter, auraient sans doute espéré voir inscrits l'un ou l'autre instrumental et/ou duo ainsi qu'un zeste d'originalité supplémentaire au cahier des charges d'un opus ne manquant, il est vrai, ni d'allant ni de panache.
Si nombre d'arpèges d'accords peinent encore à s'affranchir de l'empreinte de ses maîtres inspirateurs, la troupe appose désormais son sceau artistique sur un nombre croissant de séries de notes.
Plus encore, le quintet teuton a insufflé d'inédites sonorités à son message musical sans pour autant avoir tourné le dos aux mesures de ses débuts ; une manière habile de conjuguer passé et présent comme pour mieux préparer l'avenir. Une évolution stylistique assimilable à une réelle prise de risque consentie, synonyme d'œuvre novatrice concoctée par nos acolytes, qui pourrait bien leur ouvrir plus largement le champ de leur auditorat. Bref, un essai aussi racé et émouvant qu'audacieux, faisant entrer la formation allemande dans une ère nouvelle...
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