Cette sensation de perte, de fuite en avant, de constant écueil...
Graveworm avait pourtant débuté si haut, porteur de tant d’espoirs. Un premier disque et le groupe italien emmené par Stefan Fiori nous pondait un second opus, "
As the Angels Reach the Beauty" indispensable et fabuleux, maitre étendard d’un black symphonique et gothique typique de la fin des années 90, poétique et sombre, à la production mettant très en avant les claviers et le chant, non sans rappeler un certain Cradle of
Filth qui gravait à cette époque ses plus belles lettres de noblesse.
Et puis le milieu des années 2000 arriva. Cette scène attira moins, les groupes changèrent, de nouvelles directions affluèrent et
Graveworm fut tenté de mêler quelques sonorités électroniques à sa musique ("Collateral Deffect") ou de revenir aux sources en produisant volontairement son album de manière old school mais sans y retrouver l’âme d’antan ("Diabolicals Figures"). "
Fragments of Death", sorti il y a plus de quatre ans, ne marqua pas les esprits même s’il présentait un black mélodique de très bonne facture sans pour autant briller par sa personnalité.
Dire que "
Ascending Hate" n’est pas une grande attente de l’année est un euphémisme puisque nous étions sans nouvelles des transalpins depuis de nombreux mois désormais. Il va vite s’avérer qu’il s’agissait d’une erreur puisque
Graveworm revient avec des ambitions, de la rage et son album le plus brutal depuis un paquet de temps.
Il faut désormais faire totalement abstraction du passé, des heures atmosphériques où les chœurs féminins et les ambiances gothiques dépeignaient des villas lugubres et des créatures de la nuit. "
Ascending Hate" est plus cartésien, plus réaliste et volontairement plus direct, les parties calmes ne faisant que rendre l’ambiance plus mélancolique et sombre qu’elle ne l’est initialement. Le chant de Fiori n’avait pas été si dark depuis les débuts du groupe, les expérimentations sonores sont définitivement derrière un combo qui marque également le retour de son compositeur des débuts, Stefan Unterpertinger, revenu en
2012 parmi les damnés italiens.
C’est une mélodie acoustique, presque folklorique, qui accueille l’auditeur avec "The Death
Heritage". Le riff syncopé, le premier blast beat, le premier hurlement...tous ces éléments arrivent progressivement et tranchent d’emblée le spectre sonore pour assurer une domination, une emprise et une agression envers nous. Le chant est radical, l’ambiance respire un black metal plus pur qu’auparavant tout en conservant un aspect live évident qui démontre une envie d’attaquer le public lorsque le groupe se produira en concert.
Dire que le
Graveworm du passé est enterré serait faux puisqu’on retrouve au contraire des éléments complètement oubliés des précédents mais il est certain que les italiens n’ont pas cherché à jouer la carte du retour aux sources comme il est temps de mode ces derniers temps. L’instant d’un "
Stillborn" nous replongera avec délice dans les incantations d’une vision gothique et romantique tandis que "
Blood Torture Death" dévoile une vision mélodique pouvant presque évoquer le
Dark Tranquillity récent (celui de "Fiction" ou
"Construct" par exemple).
Cependant, le corps principal, le tronc commun de "
Ascending Hate" se retrouve du côté des morceaux plus radicaux et extrêmes. "
Buried Alive" se veut lourd et suffocant, sentant le souffre et la déchéance d’une grandeur passée à travers des riffs tranchants et le chant écorché si singulier de Stefan, constamment accompagné de notes éparses et fugaces d’un piano délicat ou d’un clavier créant un contraste saisissant. "Downfall of
Heaven", dans la même lignée, accélère très rapidement le tempo pour laisser exploser la face la plus destructrice et annihilatrice du groupe qui, telle une bête sauvage, agresse, dévore sauvagement et se délecte de sa proie (ce riff à la première minute est une véritable tuerie). Quant à "Liars to the
Lions" ou "Sons of
Lies", ils démontrent que le black metal est clairement de retour au premier plan, avec un titre vindicatif et intense pour le premier et un black plus atmosphérique et fantomatique pour le second, mais toujours avec cette vision propre et cette cohérence rendant le disque globalement réussi et fort dans sa structure.
Il serait trop tôt de dire qu’"
Ascending Hate" est une renaissance puisqu’il est évident qu’il ne marquera pas comme les premiers pas du groupe et qu’il n’est pas une révolution en soi. Les plans et les riffs ne transpirent une originalité à chaque instant mais on ressent un professionnalisme et une envie qui avaient peut-être perdu le groupe ces dernières années. Sans officier dans le black symphonique que nous attendions,
Graveworm a su évoluer vers un black mélodique intense et racé, preuve d’une expérience acquise avec le temps et d’un savoir-faire déjà prouvé par le passé. Un disque à ne pas rater pour les fans qui vous fera à coup sûr retomber dans les ténèbres des premiers instants. Autant s’en délecter que lutter, la chute n’en sera que plus lancinante...
Par contre tu aurais aussi pu parler de Nocturnal Hymns II, le titre le plus attendu surement tant le premier du nom était une tuerie. Et puis même si elle ne lui arrive pas à moitié, elle est sacrément bonne.
Merci pour la chronique ;)
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