C’est de l’univers déjanté et tourmenté de certains esprits créatifs dérangés que naissent des œuvres indiscutablement particulières. Tutoyant, parfois, le génie cette douce folie, d’artiste à fleur de peau, engendre, en effet, une singularité décalée dépeinte en des tableaux à la fois instables et dérangeants, à la fois sensuels et excitants, à la fois charnels et délicieux. Si la démence constitue un des revers systématiques de ce génie-là, elle n’en consacre, bien évidemment, pas tous ces esclaves comme de formidables artistes. Tous les génies furent fous, tous les fous ne furent pas géniaux.
Alors que le
Hard Rock, en cette lointaine année 1987, est, en partie, une terre désolée sur laquelle se nourrissent de vampiriques ancêtres oublieux de l’esprit autrefois subversifs de ce Rock’n Roll dont ils sont les légataires et qui se complaisent chichement dans une oisiveté commodes régnant sur une court de jeunes héritiers pas nécessairement plus encline à rendre cette scène plus vivante ; un homme va débarquer et réveiller ce monde assoupi en une léthargie confortable. Que dis-je, un homme ? Non, un artiste. Le personnage étrange, baptisé W. Axl Roses (W.A.R.), âme inspiratrice et dictatoriale d'un Guns N Roses né originellement de la fusion de certains membres de L.A. Guns et d'Hollywood
Rose, va donner un formidable coup de pied dans cette fourmilière endormis. L’homme est affublé de toutes les tares les plus psychologiquement handicapantes. Le monde découvre alors, horrifié, ses frasques, ses névroses, ses ressentiments, ses colères, ses angoisses, son mépris et tous ses traits caractéristiques qui offrent à l’artiste une aura légendaire digne de ces illustres prédécesseurs les plus mythiques qui hantèrent les scènes durant les années 70. Car si les vices lèsent les hommes, elles enrichissent indiscutablement les artistes.
Cependant de cette aura qui fera naître la légende, de laquelle on ne peut dissocier
Slash, talentueux et emblématique guitariste du groupe, il ne faut pas mésestimer les qualités de musiciens de ces artistes. Car au-delà de cette atmosphère excitante qui entoure délicieusement le groupe, Guns N Roses demeure une excellente formation composée d’excellents musiciens. Pour la plupart tout du moins.
Appetite for Destruction, premier véritable album de ces américains sort en 1987. Il fait suite à un EP,
Live ?!*@ Like a
Suicide, sorti un an plus tôt sur le label indépendant Uzi
Suicide Records.
Il faut, tout d’abord en évoquer la pochette originale peinte par Robert Williams. Représentant une scène de viol après le délit dont la victime féminine, vendeuse de jouets automates, restait pantelante et à moitié dévêtue et dont le coupable, un robot, allait être, apparemment, châtié par une entité vengeresse aux crocs représentés par des poignards. Le dessin équivoque allait bientôt être censuré.
Au-delà de ça, d'un point de vue musical, il faut insister sur le fait que Guns N Roses n’est pas seulement une icône apparente de cet esprit libertaire et indocile au travers de cette image déjà évoqué. Il excelle dans son art et nous propose simplement, avec ce
Appetite for Destruction, la quintessence de son talent dans une vision très efficace d’un
Hard Rock simple et plein de feeling et d’insouciance, descendant directement de ce Rock indiscipliné d’autrefois et saupoudré de quelques soubresauts aux relents légèrement Punk.
De plus, Axl Roses de sa voix au timbre suraigu, et écorchés, en artiste trouble et troublé, souligne admirablement l’aspect très primaire et très crû de cette musique. Immédiat et efficace, il règne alors dans cette expression une évidence qui, des années après, demeure toujours aussi séduisante. Ainsi comment taire l’excellence de titres tels que
Welcome to the Jungle dont le simple riff introductif est capable de transcender une foule, My Michelle, ou, par exemple, le prompt You’re Crazy.
A ce talent d’une musique brut et sans concession, d’une liberté sans condition, d’un esprit sans compromission, Guns N Roses ajoute celui d’un incroyable don pour la mélodie et, notamment, pour la composition de refrains immédiatement assimilables mais suffisamment variées pour ne pas devenir redondants. Mais aussi celui d’un sens incroyable du riff approprié. Ainsi des titres tels que les remarquables
Paradise City ou encore, par exemple, Sweet Child O’Mine en révèle les aspects les plus exceptionnels.
Ajoutons encore toutes ces nuances qui font de Guns N Roses, musicalement s’entends, définitivement un groupe d’exception. Quid de ces modulations vocales plus graves et lancinantes, par exemple, sur It’s So Easy.
Appetite for Destruction est donc une œuvre accomplis intemporel dans laquelle l’essence même du
Hard Rock s’exprime avec une redoutable excellence. Difficile d’oublier une telle débauche, difficile de ne pas la vénérer, difficile de s’en défaire, difficile de la haïr. Difficile donc de ne pas considérer ce manifeste comme ce qu’il est. Vouloir comprendre toutes les arcanes de cette scène sans appréhender tous les aspects de cet album serait pure perte.
Juste culte.
Cet album, je l'ai acheté samedi. Oui, samedi, ça y est je me suis décidé à acheter un album des "Guns". Etais-je inculte? Non. Juste que le groupe ne m'avait pas tenté jusque là. Dois-je le regretter? Non, je ne me sentais pas près avant à savourer leur musique comme il se doit.
Je ne saurais dire combien de fois, depuis hier, Sweet Child O Mine et Think About You ont retenti dans les enceintes de ma voiture...
Belle chronique toute en émotion. Il est bon quant tout part en couille dans ce monde de pouvoir se rattacher à des disques que les mots ne sauraient suffire à décrire. Appetite est bien au delà du culte, le contenu de ce support étant bien plus que de la Musique pour nombre d'entre nous.
Dans mon Top 3 des meilleurs disques toutes catégories toutes époques confondues avec Streets de Savatage et Number Of the Beast.
Très bonne chro. Merci!
Perso, je préfère l'aspect personnel de ton texte plutôt qu'une description de titres que nous connaissons (tous) par coeur.
Premier album acheté? WAOW!!! Difficile de faire mieux ensuite. Un chef d'oeuvre comme il y en a peu.
La pochette d'origine (vinyle) avait provoqué son petit effet aux States. Forcément celle du cd est bien fade à côté mais bon.
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