Le 13 mai
2012, le petit monde du black metal est en deuil et pleure Trondr
Nefas dont le décès à l’âge de 34 ans sonne la fin d’un des groupes les plus emblématiques et increvables de la scène norvégienne, j’ai nommé
Urgehal. Si le combo n’a jamais atteint la notoriété des
Darkthrone,
Gorgoroth et autres
Mayhem, il a néanmoins contribué, à l’instar de ses aînés, à créer ce son norvégien si typique en proposant depuis sa formation en 1992 un true black pur, haineux et misanthropique.
Ce
Aeons in Sodom est un album hommage à
Nefas, et une manière honorable pour le groupe de tirer sa révérence après près de 25 ans de bons et loyaux services, aussi, il ne faut pas s’attendre à une grande évolution : ce septième et ultime full length de la formation se contente de faire du
Urgehal pur jus comme on l’aime, évoluant toujours entre black thrash musclé à la norvégienne et black n’ roll couillu avec ces riffs velus qui font méchamment secouer la tête.
Le défunt ayant composé la moitié de l’album avant son décès, c’est Enzifer qui s’est chargé d’écrire les autres titres, et le moins que l’on puisse dire, c’est que le tout reste sacrément homogène, fidèle à l’esprit raw et blasphématoire qui anime le groupe depuis ses débuts, et d’une qualité constante. Pour l’occasion, les deux rescapés ont invité une bonne partie de la scène à venir partager cet ultime hommage, et on retrouve ainsi le gratin du black norvégien qui vient faire à sa façon ses adieux à un vieux frère d’armes parti trop tôt.
Ainsi, on ne s’étonnera pas d’entendre Nocturno Culto vociférer sur The Iron
Children qui entame les hostilités, s’ouvrant sur ce riff black n’ roll irrésistible, on retrouvera aussi sur ce titre des saccades de guitare très heavy pour un titre finalement assez darkthronien. La reprise à 1,06 minutes bute, imposant une accélération et une montée en puissance délicieuses, avec ce pattern de batterie simplissime et imparable et ce riff infernal qui sonnerait presque death suédois. La fin du titre, rampante et malsaine avec ce solo plaintif et hurlant et cette double pédale qui fume, montre que
Urgehal maîtrise son sujet, et propose une musique certes simple mais tout de même suffisamment variée pour rester accrocheuse. Soulignons également d’emblée que le son est puissant, limpide et excellent, dans la lignée de celui d’
Ikonoklast, assez loin du rendu nécro des premières réalisations du groupe, mais cela ne nuit pas trop à
Urgehal, qui perd en aura blasphématoire ce qu’il gagne en puissance.
D’une manière générale ces huit titres (l’album comporte une intro et une outro) sont puissants et imparables, d’une efficacité redoutable, avec un riffing simple qui va à l’essentiel (bim, enfile-toi The
Sulphur Black
Haze sans headbanger si tu peux !), évoluant la plupart du temps dans un mid tempo groovy et entraînant qui fait taper du pied et secouer la crinière, mais n’hésitant pas à proposer quelques accélérations meurtrières(la fin de
Lord of
Horns, certains courts passages de The
Sulphur Black
Haze qui pilonnent comme il faut, le surpuissant Thy
Daemon Incarnate aux quelques blasts qui font du bien et aux riffs démoniaques).
On reste dans du classique de chez classique, du black norvégien dans sa forme la plus pure et régressive, finalement pas si loin que ça d’une version blackisée de
Celtic Frost, on retrouve d’ailleurs souvent ces fameux « ugh ! » qui font toujours leur petit effet, (re)lançant la machine de manière efficace (
Lord of
Horns, Thy
Daemon Incarnate).
Pas grand-chose à ajouter, le tout est parfaitement exécuté et sent le soufre à plein nez, le festival des invités donnant une plus-value intéressante à ces 41 minutes de black metal norvégien dans la plus pure tradition, avec notamment des soli plein de feeling et une variété appréciable dans les vocaux.
On regrettera juste que le tout manque un peu de folie et d’originalité,
Urgehal ne prenant aucun risque sur cette ultime offrande, mais ceci dit, vu le but avoué de la galette qui est plus à appréhender comme un album hommage que comme autre chose, difficile d’en vouloir au désormais duo, qui relève le défi haut la main.
On distinguera tout de même Endetid, de loin le meilleur morceau de l’album à mon sens, envoyant un riff à démolir les cervicales sur une rythmique bien remuante, titre résolument evil grâce aux vocaux secs et étranglés de
Nattefrost et à quelques harmoniques dissonantes du plus bel effet. La mélodie sublime et hypnotique qui jaillit dès 3,53 minutes, portée par les éructations complètement possédées du chanteur et par un blast infernal, créent une chape de suie opaque et charbonneuse trouée par les notes de guitare célestes et habitées de Skyggen pour un final vraiment grandiose qui montre un
Urgehal transcendé par son art et vraiment excellent.
L’album se termine sur un
Woe anxiogène entièrement composé au clavier par L.F.F. de
Angst Skvadron, mélangeant sonorités malsaines d’orgue désaccordé et notes de piano cristallines et insidieuses rappelant le fameux thème de l’Exorciste.
Voici donc un bon album d’
Urgehal, ni plus ni moins, et un bel hommage au feu leader de la horde norvégienne qui résonnera certainement jusqu’en Enfer et fera headbanger les cohortes du Grand Cornu.
Nefas peut reposer tranquille, sa mémoire a été respectée sur cet album qui ne trahit pas l’essence du groupe et clôt de belle manière plus de deux décennies au service de l’art noir norvégien le plus pur.
Satanic Black
Metal In Hell !
Merci pour le texte Icare ;)
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