Après un premier album proprement immonde (remarquez l’oxymore…) en 2001, revoilà nos bouchers de l’extrême parisien prêts à repousser une nouvelle fois les frontières de la barbarie musicale avec ce nouvel album sobrement intitulé 2. A voir le titre, on peut se douter que cette galette sera une suite logique de l’éponyme et qu’on ne risque d’y trouver ni claviers, ni chœurs épiques ni chants féminins, ni instruments folkloriques.
Pas de doute, rien qu’à voir l’artwork, on barbote joyeusement en terrain connu, dans un lac de pus, de mucus, de tripes fraîches et de cadavres pourrissants : un foetus bouffé par les vers sur fond noir, le logo délicieusement cradingue du groupe, une tracklist réduite à sa plus simple expression (de simples chiffres pour nommer les pistes), une mention qui nous prévient qu’il n’y a aucun texte dans cet album, bref, pas de fioriture, on va droit à l’essentiel, aucun doute, ça va encore une fois dépoter sévère.
Et effectivement, pour dépoter, ça dépote :
Sublime Cadaveric Decomposition, c’est de la boucherie à l’état pur, une barbarie musicale inouïe, une débauche de violence et de décibels ahurissante, mais le tout savamment joué et parfaitement contrôlé. Car oui, si le grind de Sublime est d’une sauvagerie débridée et proprement jouissive, touchant nos bas instincts et réveillant la bête qui est en nous, nous donnant envie de saisir une hache rouillée et de descendre dans la rue faire un carnage avec un rictus sadique aux lèvres, ce n’est pas pour autant un foutoir chaotique comme chez trop de groupes qui utilisent l’appellation gore-grind et un son immonde comme cache-misère, non, loin de là : ici, la maîtrise est totale, le contrôle parfait, et malgré les apparences, les Parisiens ne se laissent jamais déborder par leur musique.
SCD vous fout sur le cul avec cette maîtrise ahurissante, une assise technique assez impressionnante, surtout pour le style pratiqué, et cette espèce de groove imparable qui, malgré la violence de la musique, suinte par tous les pores de l’opus (et qu’est-ce que c’est bon !) : d’ailleurs, dans certains cas, on pourrait presque parler de « chansons » grind !
L’accordage bas et gras donne un côté tellurique et apocalyptique au tout, mais sur ce cd, il y a un côté indéniablement plus fun, groovy (qui ne s’imagine pas dans la fosse après 15 bières, un sourire béat aux lèvres, en train de pogoter joyeusement avec une bande de sauvages sur les titres 3, 9 ou 15 ?) et allumé (le départ sur les chapeaux de roue de la piste 4, les expérimentations « vocales » de la piste 11…) que sur la première galette, et les parties vocales, alternance de borborygmes porcins et de hurlements déments, proprement irrésistibles, se retiennent bien, formant parfois des parties que l’on chanterait presque sous la douche (Aaaaah, ce « refrain » sur la piste 2, ce petit couplet groovy qui débute la piste 7 !) !
Ceci dit, ne nous y trompons pas, on est quand même plus proche de groupes comme le old
Carcass,
Haemorrhage ou
Rompeprop (même si le style de Sublime reste incomparable et bien plus violent) que d’
Ultra Vomit : sur 2, on découpe toujours autant de bidoche, on bouffe toujours autant de tripaille, on étale toujours autant de viscères, mais on le fait bien, avec un professionnalisme à toutes épreuves et un amour du métier qui font plaisir à entendre.
Car contrairement à d’autres groupes du genre, SCD est extrêmement précis et ne se contente pas d’envoyer un mur de guitares saturé pour cacher son manque de technique et/ou d’inspiration musicale. Les gars savent jouer et ils le font –relativement ! – intelligemment : on n’est pas dans le blast continuel, il y a des parties mid tempo plus lourdes qui font inévitablement headbanger, des passages dansants irrésistibles, et d’autres littéralement possédés et frénétiques.
Les riffs de guitare sont certes répétitifs (ça reste du grind…), mais audibles, la plupart du temps saccadés et surtout servis par un son massif, grave, gras, poisseux, vraiment écrasant (qui a parlé du début de la piste 10, avec sa lenteur morbide et poisseuse ?). Le débit (façon de parler puisqu’il n’y a pas réellement de paroles, juste un enchaînement de sons désarticulés et ignobles) est toujours aussi impressionnant et rajoute à la folie de l’ensemble, donnant l’irrésistible envie de s’éclater la tête contre les murs, surtout dans les rares moments où éclate cette voix hurlée complètement arrachée et malade, passages d’une schizophrénie intense avec la superposition des vocaux, comme sur les piste 8 ou 11!), complétant parfaitement l’ensemble destructeur que forment ces guitares grumeleuses, cette basse infernale qui rajoute une profondeur abyssale au son du groupe, et cette batterie marteau-piqueur complètement hystérique.
C’est lourd, c’est violent, c’est rapide, ça joue bien (il n’y a qu’à entendre les parties de batterie, bien plus subtiles qu’elles n’y paraissent, avec ces quelques passages de double en fond habilement distillés), ça donne envie de tout défoncer avec le sourire et d’aller découper quelques carcasses d'animaux dans la chambre froide du coin, pas de doute,
Sublime Cadaveric Decomposition est de retour! 2 est peut-être plus carré et moins spontané que le premier essai, mais tout aussi excellent, et ne vous inquiétez pas, ça reste du grind méchamment barré à la folie débridée et à l’ambiance malsaine et d'autant plus délectable!
Et voilà, après une piste presque ambiant (!) à l’atmosphère lourde et inquiétante de presque 3 minutes (la plus longue de l’album, était-il seulement besoin de le préciser ?) fleurant bon la putréfaction,les mouches et les asticots grouillant, en 32 minutes, le tout est bouclé (et non pas torché, nuance importante en grind !).
On s’est pris claque sur claque, 22 mandales surpuissantes dans la tronche sans aucun répit, et on s‘étonne que notre tête soit toujours fixée sur nos épaules.
Alors, que retenir de cette boucherie sonore ? Bon, certes, c’est un peu répétitif (tiens tiens on n’aurait pas déjà entendu l’excellent gimmick vocal de la piste 16 sur la piste 2 par hasard ? Ah ben si, c’est presque exactement les mêmes lignes de « chant »), les riffs finissent par tourner un peu en rond et le son de la caisse claire peut irriter à la longue, surtout que franchement, ça martèle quand même sévère, mais bon, ne serait-ce pas le style qui veut ça ? Et puis, soyons honnêtes, les titres sont courts, intenses, headbangant, d’une puissance de feu imparable, et on n’a pas vraiment le temps de s’emmerder, on dérouille, on déguste, on mange et on ramasse, alors, que demander de plus ? Non, encore une fois SCD sublime (oh oh !) le genre pour nous sortir un concentré d’hémoglobine, de barbaque, de tripaille, de sueur, de bière, de foutre et de folie communicative, et renvoie jouer tous les pseudo groupes de gore grind extrême aux billes. Un must du genre, tout simplement, à posséder absolument pour tous les amateurs d’ultra violence musicale.
Comme Inhume, qui après avoir sorti son premier album "Decomposing From Inside" (2000) sur Bones Brigade Records a sorti son second disque "In for the Kill" (2003) sur Osmose Productions, Sublime Cadaveric Decomposition sort son nouvel album (toujours sans nom, ni titres pour les morceaux) sur Osmose Productions après avoir lui aussi quitté Bones Brigades Records.
Et après, où est-ce que je veux en venir me direz-vous ?
Nulle part, si ce n'est qu'après nous avoir botté le cul avec leurs premiers albums ces deux groupes continuent à nous le botter avec leurs seconds, mais avec l'effet de surprise en moins.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire