KORN
UNTOUCHABLES (Album)
2002, Epic Records / Immortal Records (USA)


1. Here to Stay 04:31
2. Make Believe 04:37
3. Blame 03:51
4. Hollow Life 04:09
5. Bottled Up Inside 04:00
6. Thoughtless 04:32
7. Hating 05:10
8. One More Time 04:39
9. Alone I Break 04:16
10. Embrace 04:27
11. Beat It Upright 04:15
12. Wake Up Hate 03:12
13. I'm Hiding 03:57
14. No One's There 05:06

Bonustrack
15. Here to Stay (T-Ray's Mix) 04:18

Total playing time 1:05:00


bojart
Succéder à un disque aussi surprenant et original que « Issues » était déjà une gageure en soi, mais domestiquer la célébrité due à trois missiles successifs (Life Is Peachy, Follow the Leader et Issues) vendus (en additionnant les trois) à plus ou moins dix millions d’albums (une époque où accessibilité rimait avec qualité) là, c’était quasi mission impossible ! Et ce qui devait arriver arriva avec la doublette néo brutale lâchée entre 2002 et 2005 (Untouchables et Take a Look in the Mirror); et qui fît doublon ; c’est-à-dire la chute lente vers un son de moins en moins identifiable et la tentative de sauvetage de la part d'Atticus Ross, les ayant entrainé vers un son plus indus avec « See You on the Other Side » et « Untitled ».

Analysons ensemble « Untouchables » …

« Here to Stay », premier single du disque, m’avait donné le vague espoir (et l’espoir vague) d’un groupe passant d’icône du néo métal à nouveaux venus dans le néo brutal…la batterie de David Silveria est pesante, la basse de Fieldy couple sa ligne avec aux riffs brusques et compacts de James « Gorilla » Shaffer et Brian « Head » Welch pour une ambiance lourde et brutale. Jonathan Davis alternant vocaux bestiaux et chants mélodiques tout en privilégiant le brut à la douceur… « Chouette ! » me suis-je dit dans ma douche, trempé. Korn va changer de cap et éviter le ravin de la facilité commerciale dit « d’Alzheimer »…sauf…sauf que…sauf que NON. « Alone I Break », second single, m’avait plu de par sa production indus et son mid-tempo classieux, malgré la monotonie de la chanson où seule la voix veloutée puis forte de Davis animait ce monolithe de paresse (sans parler du filtre vocal qui n’apporte absolument rien) . Un morceau qui m’est devenu insipide depuis. « Thoughtless », et son intro acoustique, est mon titre favori. Le rythme est là, Jonathan assure les vocaux et les guitaristes font rugir leurs grattes… les couplets sont accrocheur grâce à une composition néo brutale pêchue et le pont où la voix de Jon’ s’adoucit sur un air dénudé puis suivit par des cris animaux nous remémorant « Got the Life » (un des hits de « Follow the Leader » ou encore le sauvage « Twist » tiré de « Life Is Peachy ». Un titre comme « Make Believe » est inutile avec sa boîte à rythme côtoyant la batterie, les riffs se voulant puissants mais devenant les seuls éléments musicaux crédibles (sans cela, ce titre n’aurait pas été cité)

« Bottled Up Inside » fait partie des bonnes surprises qui auraient mérités de figurer en singles. Dans la forme, c’est une compo dans laquelle les guitares, les cymbales, les double-pédales et les tambours mènent la danse ! Jonathan Davis jappe de belle manière, son chant étant à la fois inharmonique (vocaux brutaux) et mélodique (vocaux clairs). Les couplets sont menés tambours battants et guitares grondantes, oserais-je dire ! Dans la même veine, « Blame », à la prod au vitriol ! Les timbales résonnent et les cymbales tintillent sous la direction d’un David Silveria survolté ! Le tempo est rapide et la guitare principale tient le premier rôle. L’interprète dévoile un chante allant de la délicatesse à la violence, une alternance qui est la marque de fabrique de Korn dans la sphère du néo métal, où cohabitent Limp Bizkit ou Linkin Park et leur rap-métal décédé depuis longtemps (ces derniers s’étant lancé dans le space rock avec leur dernier bébé « A Thousand Suns », produit par le Métal Hero, Rick Rubin) et Ill Nino, légataire légitime de Korn (dont le prochain album, « Dead New World » sort bientôt) et je cite ces groupes en exemple car je sais qu’il y en a tant d’autres !

Reprenons…

« Embrace », en dépit de son côté néo-brutale extrême, ne m’as pas du tout convaincu. Les chœurs sont bestiaux, oui, mais c’est drôlement brouillon ! On mélange vocaux brutes, riffs déchainés et chant harmonieux, on secoue le tout et on obtient un morceau bordélique… que dire de « One More Time » où l’on recycle la boite à rythme de « Make Believe » et les vocaux de brutes épaisses de « Embrace » afin de remuer tout ça et d’obtenir un son hybride hilarant qu’on sert à l’auditeur alors que c’est le chaos sonore ! Ne parlons même pas du très décevant « No One’s There », introduit par un riff lent et paresseux, pseudo ballade à la noix n’ayant, pour moi, aucune direction musicale claire, à l’écoute on s’y perd ! Reparlons des surprises plaisantes avec le surprenant « Beat It Upright », une réussite en terme de rythmique (lourde) et de sonorités néo-brutal. Le fond est empli de percussions et la forme est envahie de chants hybrides et de riffs farouches ! C’est la guerre ! Sans compter le thème du titre, très explicite (sado-masochisme) le tempo peut paraitre rébarbatif mais au moins ici, il y a un schéma directeur ! Le titre se clos sur un air hip-hop californien : basse ronflante+riff aigu de gratte…
Totale psychose dans « I’m Hiding », autre bonne surprise. C’est une chanson semblant narrer le quotidien d’un malade mental ; en cause les lyrics « Maybe I'm insane Walking on a wire/ Maybe I'm the same/ Nothing to take me higher » (Peut-être suis-je fou/Marchant sur un fil/ Peut-être suis-je le même/ Il n’y a rien pour me faire encore plus planer) Jonathan chantonne cela sur une composition minimaliste faisant appel à Fieldy (basse), James et Brian étant mis à contribution, eux et leurs rutilantes Ibanez, lors du pont musical et du refrain… Un Roméo et Juliette où le protagoniste joue les deux rôles et semble bon pour la camisole !

Un album mi-figue, mi-raisin, un peu batard, mais conservant dans la plupart des ces chansons, ce petit quelque chose identifiant Korn à coup sûr ! Un opus qui n’est pas indispensable mais qui plaira aux amateurs de néo métal et de néo brutal.

Bj

2010-10-07 00:00:00


Game_system : 17/20
La carrière musicale de Korn a été très chargée depuis la sortie du premier album en 1994. En seulement cinq ans, ils ont enchaînés les tournées et l’enregistrement de trois nouvelles sorties. Alors que Life Is Peachy (1996) est dans la continuité directe de l'éponyme, Follow the Leader (1998) fait apparaitre une musique plus accessible et a permis au groupe de gagner en popularité. Issues (1999), sorti seulement un an plus tard, reviens sur les sujets sombres des deux premiers opus tout en gardant une part d’accessibilité. Sans doute fatigué par ces dernières années mouvementées, le groupe décide de prendre après la dernière tournée une pause plus longue que prévue pour se reposer et préparer la suite. Trois ans séparent donc Issues de son successeur, les cinq de Bakersville ayant pris leur temps pour le concevoir le nouvel opus. Cela se ressent bien puisque Untouchables est une œuvre d’une grande complexité.

Complexe d’abord à cause de la manière dont il a été enregistré, dans des conditions totalement inhabituelles. Le groupe a enchaîné différents studios pour mettre en boîte les différentes parties. Il a aussi utilisé un procédé jusqu’alors inédit dans le milieu du rock, l'Euphonix R1 Digital Hard Disk Recorder, dans le but de donner aux guitares un son parfait. Tout cela fait d’Untouchables un album très couteux et long à terminer (presque deux ans si l’on en croit les membres du groupe).

Complexe ensuite de par son contenu musical plus sophistiqué que jadis, et qui ouvre à Korn les portes d'une nouvelle voie.

Alors comment pourrait-on décrire Untouchables ? Commençons par sa musique. Les instruments y ont gagné en brutalité et en intensité. Les guitares y sont plus saturées mais sans le côté « sale » des deux premiers opus, le son étant bien plus travaillé. L’approche est beaucoup plus expérimental aussi avec des sons de guitare inhabituels qui se mélangent et fusionnent entre eux, accompagné d'une batterie qui offre ces blastbeats dont Korn est coutumier, rythmiques funk (ou hip-hop) et jeu de cymbales énervé venant du toujours plus impressionnant David Silveria. Sans oublier les riffs mémorables qui plongent l’auditeur dans une ambiance sombre. « Blame » et « Make Believe » sont les meilleurs exemples concernant les sonorités uniques des instruments à corde. Le très bon « Hollow Life » et « Alone I Break » nous prouvent leur volonté d’expérimenter avec pour la première des influences new wave et la seconde étant une ballade, chose inédite pour Korn. D’autres chansons comme « Here to Stay » et « I’m Hiding » sont construits à partir d’un riff bien gras et puissant, s'approchant plus des premières productions. La mythique basse de Reginald « Fieldy » Arvizu est moins groovy et funky qu’avant, mais reste très présente et s’avère plus grave, au point que dans certains passages on a parfois du mal à l’écouter.

Continuons avec le chant de Jonathan Davis. La mélodie prend une place plus importante que jamais, il explore diverses palettes de sa voix jusqu’ici inexploitées. Ainsi, dans « Hollow Life » il use un chant plus aigu pour appuyer les émotions, dans « Thoughtless » il nous livre carrément des sonorités étranges dont seul lui a le secret pour un excellent résultat (qui fait beaucoup penser à « Twist » de Life Is Peachy) , et dans « Alone I Break » il emploi un style plus posé et expressif. Mais Jonathan ne laisse pas pour autant ses hurlements au placard et les utilise de temps en temps, particulièrement sur le très bon « Embrace », où il alterne chant hurlé et chant mélodique avec une grande efficacité. Ses performances vocales travaillées et plus créatives en font des chansons très prenantes où l’émotion se ressent avec une certaine intensité sans qu’elle ne baisse presque jamais. J’en veux comme preuve « One More Time » et son refrain entêtant qui nous transporte complètement dès la seconde écoute, « Bottled Up Inside » qui nous entraîne facilement dès le début, ou encore l’excellent « Blame » où il se met à nu avec une performance vocale époustouflante.

Mais il y a un bémol dans tout ça. Il y a une chanson qui met à mal la continuité du disque. Une chanson dont on se serait volontiers passer. Il s'agit de « Wake Up Hate ». Elle est totalement détachée du reste, elle rentre dans un délire metal indus qui n’a rien à voir ici. De plus, Jonathan y essaye des choses avec sa voix qui, cette fois-ci, ne marchent vraiment pas. La typique chanson que l’on zappe durant l’écoute de l’album. Il peut aussi arriver d'en passer d’autres, comme « Hating » ou « Beat It Upright », que l'on pourrait juger moins intéressantes que le reste.

Untouchables est un album mature, complexe et ingénieux. Un opus qui marque, pour le moins si on lui donne la chance de le comprendre et de l’appréhender. Car derrière cette apparente inaccessibilité, se cache une œuvre riche et unique tant dans la carrière du groupe que dans toute la scène néo-metal. En développant et en innovant davantage sa musique, Korn confirme son statut de leader et pionniers du néo-metal, à l’heure où beaucoup de groupes se contentent d'appliquer la formule du style de la manière la plus simple. Une œuvre malheureusement incomprise au moment de sa sortie, les ventes furent insatisfaisantes, et les fans l’ont considérée comme une déception. A tel point que, suite à la pression de la maison de disques et des fans, le groupe sort seulement un an plus tard Take a Look in the Mirror, qui est un retour aux sources qui a, lui aussi, divisé la communauté. Néanmoins, Untouchables a acquis au fil des années un véritable statut culte.

2017-04-03 09:50:58