Eternalis : 13/20 | Se retrouver projeté en pâture aux médias alors que l’on est censé inspirer la haine et la brutalité, adoucir son idéologie pour plaire au plus grand nombre mais se rendre désespérément moins intéressant musicalement. Dimmu Borgir fait partie de ces trop nombreux groupes qui auront fait muter irréversiblement leur art vers un point de non-retour, vers une extrémité qui ne peut que décevoir.
Cependant, on ne pourra jamais leur reprocher d’avoir apporté énormément à la scène black métal, en y incorporant des symphonies encore inédites, dès le déjà ambitieux "Spiritual Black Dimensions". Ce fut néanmoins le coup d’essai suivant qui courtisa un vent de reconnaissance sur une scène n’en croyant pas ses oreilles.
Car là où Emperor ou Limbonic Art affichaient certes un black symphonique mais aux orchestrations plastiques et synthétiques, Dimmu Borgir alla bien plus loin avec son essentiel "Puritanical Euphoric Misanthropia", avec l’ajout d’un véritable orchestre pour un résultat encore bluffant, et sans doute inégalable, comme le parfait amalgame des deux mondes, en y incorporant toute la haine, la furie et la démence que peut véhiculer le black dans sa forme la plus esthétique.
Suite à un tel coup d’éclat, les Norvégiens firent le pari d’aller encore plus loin dans cette direction, avec "Death Cult Armageddon", impressionnant succès commercial et critique, qui leur attira les convoitises du monde entier, les nommant comme le futur d’un genre en panne d’inspiration.
Inspiration. C’est bien tout le problème de ce disque qui, s’il n’en manque pas, marque dorénavant un fossé béant entre l’avant et l’après de cet album. L’excellence côtoyant le surjoué, DCA a le problème d’un certain manque de sincérité, de cette irrésistible impression que, malgré la violence et l’extrême rapidité, le groupe a mis de l’eau dans son vin, à volontairement simplifier ses riffs pour mettre en valeur des parties symphoniques plus imposantes que jamais.
On notera tout d’abord une production largement en deçà de celle de l’opus précédent, n’ayant ni sa puissance faramineuse ni sa clarté éblouissante, ici transformé en une prod tout ce qu’il y a de plus ordinaire, avec notamment un son de batterie moins écrasant et profond.
Probablement grâce à "Progenies of the Great Apocalypse", Dimmu Borgir arriva à toucher un nombre très important de personnes, sortant du cercle fermé du metal blasphématoire pour s’ouvrir à un auditoire probablement moins exigeant, et ébahi devant une forme musicale encore inconnu pour lui, une forme musicale plus traditionnelle nous concernant.
Basé sur une orchestration très fouillée et cinématographique, le titre peu décevoir par un riff au final très mou, voir inexistant de consistance par moment, si bien que, l’orchestre ôté, il ne reste plus rien, plus ces mélodies malsaines à la "King of A Carnival Creation" qui vous tranchaient les sens dès la première écoute. De même, le chant de Shagrath se veut parfois énervant tout au long du disque, emplie d’effets et amoindri par son manque de puissance, la sensation de mal-être qui devrait nous emplir n’est que partiellement atteinte.
Nick Barker dévoile aussi ses limites, à travers un jeu se voulant répétitif à la longue, certes d’une rapidité démentielle (l’intro de "For the World to Dictate our Death" est incroyable !) mais tournant parfois en rond, et manquant d’une certaine respiration.
Néanmoins, certains morceaux sont de véritables perles, particulièrement "Allegiance" et "Lepers Among Us".
Sur "Allegiance", premier titre magistralement ouvert sur un riff ambiant, répétitif et malsain, tournoyant nos âmes dans les tréfonds de la noirceur humaine, la rapidité et le hurlement de Shagrath nous assomme dès les premières véritables mesures. Le chant en retrait, martyrisant nos tympans sur un rythme martial alternant le blast sans concession et le mid tempo très glauque, est selon moi le meilleur morceau du disque.
"Lepers among us", sur un rythme de batterie saccadé et très technique (ces accélérations de doubles pédales...), le morceau s’enchaine très bien, et rend l’atmosphère très lourde, malsaine, grâce également à la superbe prestation de Shagrath, jouant de ses deux chants. La rapidité du refrain et les mélodies extrêmement tranchantes sont un vrai bonheur.
Il faudra aussi noter que les interventions de Vortex, essentiel sur l’opus précédent, font ici figure de gadget sans utilité. Elles sont certes belles, et très originales, mais n’apportent rien musicalement ni une atmosphère particulière.
"Allehelgens dod I Helveds rike", chanté dans la langue natale des Norvégiens, le prouve avec une partie chantée par Vortex un peu inutile, et surtout une orchestration ne faisait qu’adoucir une musique manquant de rage, n’étant qu’une symphonie posée en superposition de guitares sans réelle cohérence, plus pour l’effet que pour la musicalité.
Idem concernant "Blood Hunger Doctrine", sonnant en ouverture comme Nightwish, dépourvu d’inspiration malsaine et noire, comme une contemplation de leur propre décadence, comme s’il ne savait plus quoi poser musicalement sur leurs symphonies trop ambitieuses et pédantes.
L’intro angoissante et "Eradication Instincts Defined", est tout son contraire, car c’est le riff et l’arrivée de l’instrumentation qui coupe la magnifique symphonie, à croire que la symbiose entre les deux monde est vraiment raté sur DCA, dans un sens comme dans l’autre. Les deux individualités semblent souffrir de la présence de l’autre, c’est étrange, et loin d’être abouti (malgré la présence d’un passage indus au milieu de ce morceau, génial et intense).
"Death Cult Armageddon", finalement, a sans doute péché par sa propre ambition, sa propre démesure. Le résultat sonne parfois (souvent !) trop propre, trop accessible et manque d’un flagrant esprit haineux pourtant décrit dans les textes.
Nous sommes loin, très loin de "Puritanical Euphoric Misanthropia"...
2009-05-01 00:00:00
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