Il n'est pas facile d'être un groupe de musique ambitieux, quand on vient d'un petit pays, et en particulier quand il est aussi isolé que l'Islande. En effet, avec un minimum de sérieux et une bonne communication, la renommé peut rapidement traverser tout le pays, mais la notoriété reste alors confinée sur l'île. Les groupes islandais connaissent bien cette difficulté pour que leur popularité sorte enfin de leur pays. Concernant la scène metal, les groupes islandais sont de plus en plus nombreux à parvenir à franchir le pas, et à atteindre soit les côtes américaines, soit les côtes européennes. En plus des Sólstafir et Skálmöld, dans le circuit depuis quelques années, c'est le cas plus récemment de The Vintage Caravan, Agent Fresco, ou encore Dynfari. Cette fois-ci, c'est le combo de death/black metal Zhrine qui a l'opportunité d'aller voir plus loin, avec une première tournée nord-américaine en compagnie des Néo-Zélandais de Ulcerate, et des Canadiens de Phobocosm prévue pour novembre. Ce n'est pas moi qui vais vous l'apprendre, une tournée ça coûte cher quand on est un petit groupe. Et c'est la raison de cette date : avec l'aide de trois autres groupes, le but est de récolter un peu d'argent avec le merch et le prix des entrées, pour compenser les frais de la tournée à venir.
Abhorrance (USA-1)
Gaukurinn est un bar et une salle de concert populaire à Reykjavík, situé en plein centre, connu pour être un rendez-vous des amateurs de musiques saturées, mais aussi pour ses toilettes non-genrées, une première en Islande ! Arrivé un peu en avance, je n'arrive toujours pas à m'habituer à cette coutume des islandais qui les fait arriver juste au moment où ça commence.
Le premier groupe à monter sur la petite scène porte le doux nom de Grave Superior. Avec une musique sans concession, forgée dans le death à l'ancienne qui lorgne vers le brutal, mes maigres connaissances dans ce style précis les classe aux côtés de Suffocation. D'un côté la musique est très carrée, avec des blasts sévères d'où rien ne dépasse, mais d'un autre côté par certains moments le rythme baisse un peu et apparaissent des passages plus groovy. On croirait entendre du doom/death le temps de quelques secondes, avant que les blasts ne reprennent. Le guitariste/vocaliste ne s'économise pas, ni à la guitare, ni au chant, où il éructe proprement. Une bonne mise en jambe, mais qui peine à faire décoller du bar la moitié des personnes présentes.

Future Figment
C'est Future Figment qui prend la relève, combo alternant entre Hveragerði (petite ville du Sud) et Reykjavík, et ayant sorti son tout premier album au printemps, intitulé Qualm. Après Grave Superior, ce deuxième quatuor calme nettement le jeu, en proposant un metal prog/stoner, mais pas moins efficace.
On peut entendre par-ci par-là du Mastodon, du Tool ou encore du Spiritual Beggars. Il semblerait que le groupe ait privilégié ses morceaux les plus rentre-dedans, à l'instar de Linger On, histoire d'être en adéquation avec le reste de la soirée. Le chanteur Skarphéðinn impressionne par sa maîtrise, délivrant des vocaux tantôt enragés, tantôt désespérés. Mais notre attention a surtout était occupée par Ágúst, le second guitariste. Celui-ci, dont le seul point commun avec Joe Satriani est la coupe de cheveux, en impose avec un jeu sobre mais efficace, et son air impérieux.

Dynfari
Alors que la salle se remplit de plus en plus pour former une audience honorable, c'est un groupe un peu plus expérimenté qui arrive sur scène. Dynfari a déjà trois albums à son actif, et n'était pas passé inaperçu avec leur dernier en date, Vegferð Tímans, paru en 2015. On pouvait y découvrir un post-black metal de bonne facture, mais manquant parfois d'imagination.
C'est un peu le même sentiment qui nous étreint lors de leur passage sur scène : les codes du genre sont parfaitement respectés, on sent bien la petite touche islandaise, mais effectivement après une vingtaine de minutes on peut avoir le sentiment de tourner en rond. Comme si le groupe ne poussait pas sa musique jusqu'au bout, et n'allait pas chercher le maximum de l'intensité. Passés ces quelques reproches, le groupe passe très bien l'épreuve de la scène, avec des musiciens compétents, au jeu propre et énergique. La mise dans l'ambiance est aidée par des bâtonnets d'encens et des chandelles.

Zhrine
Voici enfin le groupe le plus attendu de cette soirée, et probablement celui qui jouit de la plus grande renommée, que ce soit en Islande ou à l'international (ce qui a de grande chance de s'améliorer avec la tournée à venir). Pour un petit rappel des faits, Zhrine s'appelait auparavant Gone Postal, et jouait à l'époque un death metal assez primaire. Le changement de nom, l'album qui a suivi (Unortheta, sorti au mois d'avril) et la signature chez Season of Mist ont orienté le quatuor vers un black metal toujours teinté de death, et lorgnant à la fois vers le mélodique et l'atmosphérique. L'attente était donc assez forte.
Et on n'est pas déçus du voyage : en un peu moins d'une heure Zhrine a retourné Gaukurinn. L'impact a été rude au début, face à ces riffs glacials, ces blasts percutants et ce chant torturé. Mais les mélodies atmosphériques ont rapidement pris le dessus, et l'audience a été hypnotisée. Les musiciens font preuve d'un professionnalisme sans faille, à commencer par le batteur Tumi Snær Gíslason, très récemment arrivé dans le groupe, en remplacement de Stefán, trop occupé avec The Vintage Caravan. Le nouveau cogneur de fûts démontre une grande habileté, et gère certains passages rythmiques complexes avec une insolente facilité. Son jeu démonstratif donnerait presque l'impression d'avoir affaire à un groupe de prog.
Au chant, Þorbjörn dévoile un growl puissant qui n'a rien à envier aux brailleurs des plus grands groupes scandinaves. Quand au bassiste Ævar, s'il impressionne d'abord par la taille de son instrument (de musique, bien sûr) – une contrebasse électrique – on regrettera de ne pas l'avoir correctement entendu. Au passage, il n'est pas le seul à se servir d'un archet pendant le concert, puisque le chanteur/guitariste en utilise aussi un sur sa guitare pour les passages les plus planants, à la Sigur Rós.
Il n'a pas fallu longtemps à Zhrine pour prouver qu'ils sont clairement au-dessus du lot, avec ce concert exceptionnel, réussi en tous points. Ils ont désormais tout en main pour conquérir d'autres continents !


/pics/8584_1.jpg)



É necessário que estejas conectado/a para adicionares um comentário