Nord (Fra)

Nouveau venu dans l’écurie Klonosphere, les français de Nord (on ne dit pas d’où ils viennent) viennent de lancer une petite bombe avec leur deuxième opus sobrement intitulé « The Only Way to Reach the Surface ». Morcelé entre post-rock, mathcore, pop, synthwave et prog, Nord possède déjà une belle personnalité et entend bien faire entendre son message, plus fort et vindicatif que sur son premier album.

 

C’est Florent (chant / guitare / synthétiseur), compositeur principal, qui nous présente son groupe et explique en quoi le quatuor est prêt à montrer les dents pour s’imposer sur une scène saturée en France mais également (voir surtout) à l’étranger. Explications d’un ambitieux programme.

 

 

[Par Eternalis]

 

 

Salut Florent ! Comment vas-tu ? Est-ce que tu peux faire une description courte pour ceux qui ne vous connaitrait pas alors que votre 2e album vient de sortir ?

On s’appelle Nord et on vient de sortir notre deuxième album qui s’appelle « The Only Way to Reach the Surface » mais ça je pense que tu le sais déjà (rires). On existe depuis 2012 et on était beaucoup plus axé pop/rock au début lorsque nous étions trois. On est 4 désormais, basés sur Paris même si on s’appelle Nord car on vient tous de là-bas. Voilà (sourires).

 

Avant de parler du disque, tu as anticipé ma prochaine question. Peux-tu me dire l’origine du nom du groupe ? Est-ce une symbolique vis-à-vis de l’étoile du Nord et de la direction à prendre lorsque l’on se perd ? Du grand Nord ? Ou vraiment juste de votre région ?

Ca vient vraiment de nos origines. On s’appelait Light Deflection sur notre premier ep mais très vite, nous n’aimions pas vraiment le nom et ça ne nous correspondait pas vraiment. Nord nous regroupe et est simple à mémoriser et dire. En revanche ça pose des problèmes dans le référencement comme tu peux t’en douter, c’est le bordel (rires). Sur deezer, on est associé à un artiste qui ne s’appelle même pas comme nous mais on va y arriver. Il est probable que ça prendra du temps mais on le prendra !

 

« The Only Way to Reach the Surface » est un titre très fort, entre optimisme et pessimisme. L’artwork est aussi très réussi, entre sa couleur particulière et le dessin qui possède presque un côté asiatique dans les traits je trouve ... qu’y a-t-il comme thématique derrière tout ça ?

On a travaillé en diptyque. Notre premier album s’appelait « And Now There’s Only a River left Behind » (ndlr : ils aiment bien les titres à rallonge) et qui parlait principalement du deuil. Le deuil sous tous ses aspects, qu’il soit humain, amoureux, professionnels...et ce nouvel album parle de comment remonter à la surface après ces différents deuils.

Chaque morceau va proposer une solution si l’on peut dire, même si l’on parle principalement d’amour, de sexe et de burn out. La couleur rose vient de là et nous semblait logique. Le côté metal étant bien plus présent sur ce disque, on a sorti la couleur noire pour aller avec !

 

Les thématiques sont donc très humaines ..

Oui, on parle majoritairement de nous. On évoque des fantômes mais plus des métaphores. Je ne suis pas non plus du genre à écrire des textes engagés donc c’est très personnel.

 

C’est peu dire que votre style est varié. On parle de « post-quelque chose » parce vous mélangez beaucoup de choses. On passe de plan à la Muse à du Textures ou The Dillinger Escape Plan .. je suppose que ce sont des influences ?

Pour cet album-là, je pense que The Mars Volta et The Dillinger sont évidents. On est fan de ces groupes donc on ne peut pas mentir. Mastodon également que l’on va mélanger dans des choses beaucoup plus calmes comme Bon Iver ou Julien Baker qui sont très planants et posés. On nous a souvent parlé de post-rock et cela vient plus de ces artistes là. A ça s’ajoute aussi qu’on a beaucoup partagé la scène avec beaucoup de groupes de post. Mais comme ce nouvel album commence à gueuler ça risque de changer (rires).

 

Le chant guide l’album dans sa variété, faisant passer tous un tas d’émotions. Comment bosses-tu cet aspect ? Qui compose ?

En fait j’écris beaucoup de ballades. Tu me diras que ça ne s’entend pas vraiment ... quoique (ndlr : si un peu) si finalement ça s’entend (rires). Bref, j’écris beaucoup de titres lents et posés et j’aime bien structurer mes albums comme j’écrirais un livre. Avec un début et une fin, une trame générale où il ne reste ensuite qu’à écrire les différents chapitres et rebondissements.

Si tu prends le premier titre, il y a 4 accords qui se transposent ensuite sur une partie des titres et qui reviennent. Je suis convaincu que si tu trouves une note ou une mélodie très forte et fondamentale, tu pourras sonner juste sur tout un album même si tu as des passages complètement barrés. Le chant est aussi travaillé comme ça, avec des rappels de textes. C’est très prog dans l’esprit, ça rappelle l’époque où Dream Theater sortait de bons albums qui nous ont beaucoup inspirés.

 

Du coup, qu’est-ce qui est écrit en premier. Les textes ou la musique ? Une majorité de groupes composent les textes en dernier ...

Et bien ça c’est une bonne question (ndlr : il réfléchit). C’est un peu des deux. Je fais de la musique et j’imagine un chant une ligne mélodique pour le chant et de là va découler des mots et un texte. Mais il arrive que l’on jam ensemble en répèt ou que Manu m’envoie des morceaux et parfois, des textes que j’ai déjà écrits inspire l’évolution du morceau.

 

Je ne t’ai pas répondu sur qui composait ... c’est majoritairement moi qui propose une base de travail. Ensuite le batteur fait son taf et propose une partie de batterie d’où découle forcément une ligne de basse. Et ensuite on bosse à deux avec Manu, le second guitariste mais souvent à distance parce que lui est toujours sur Lille alors que le reste est à Paris.

 

" Il nous reste encore des choses à dire et je peux promettre que ça ne va pas aller en s’arrangeant (rires)"

 

Ouvrir le disque sur « Love » est particulier, puisque c’est clairement le titre le moins rock ou metal de l’album. Est-ce que c’était un choix délibéré pour surprendre ? Le contraste avec « Violent Shapes » est saisissant !

Oui mais c’est un schéma de transition que l’on reprend plusieurs fois sur l’album et on écoute beaucoup de groupes qui aiment alternés les passages calmes avec les blasts et les tempos rapides comme ça se fait dans le post-black. On voulait que l’auditeur ressente cette différence entre le rose et le noir de la pochette dès le début. Il fallait une distance entre les moments calmes et les autres. C’est la même chose dans le mastering où on a décidé de ne pas compresser trop la musique pour qu’elle respire et que les gens doivent même augmenter le son sur certains passages pour ensuite se prendre tout dans la tronche quand ça repart (rires). Débuter par l’enchainement de ces deux titres nous semblait la bonne idée et somme tout logique.

 

Même la distance entre le mot « Love » d’une part et « Violent Shapes » de l’autre va dans ce sens !

Le premier parle d’amour forcément et le second fait référence à « Silent Shapes », sur le premier disque, qui évoquait une vie sexuelle à zéro. C’était un titre fait de nappes, très planant. On se devait de faire l’opposé sur le 2e album, d’où ce démarrage en blast bien violent.

 

Parle moi du titre éponyme. Si on ajoute le morceau précédent très synthwave qui le colle, c’est une compo de 18 min sur lequel l’album se fini, qui passe par de la pop, du mathcore, des passages jazzy ou prog ...

Ce titre a été composé en dernier. Comme je te disais, en travaillant comme dans un livre, je savais que je voulais terminer sur une note vraiment post-rock mais rien n’était écrit.

Quand on a réécouté les huit premiers titres, on s’est dit que c’était quand même le bordel et que ça serait cool de se faire plaisir en synthétisant tout l’album sur un dernier morceau. Le titre évoque le lâché prise et on s’est fait énormément plaisir. On est très fan d’un groupe comme Between the Buried and Me qui est capable de balancer des titres de vingt minutes et on a posé énormément de riffs, chacun a mis sa patte et on s’est retrouvé avec 15 min collé à la ballade juste avant.

 

C’est drôle que tu évoques Between the Buried and Me car ce titre m’a fait pensé au groupe, qui passe de moments très mathématiques et techniques à d’autres jazzy et catchy, un peu comme sur « Parallax » ou « Automata » ..

C’est clairement une influence. C’est le morceau éponyme, c’est le dernier de l’album et on a tout donné pour terminer l’album comme il se doit. Il nous reste encore des choses à dire et je peux promettre que ça ne va pas aller en s’arrangeant (rires)

 

D’ailleurs, quelle est la signification derrière 1215225 « Part II » ... où est la 1er partie ?

C’est un message d’amour codé qui veut dire « Love pt II » (ndlr : quand on regarde, le 12 équivaut à L, le 15 à O, le 22 à V et le 5 à E) avec les mêmes accords sans le vocodeur. A la fin, on entend d’ailleurs les phrases qui reviennent. C’est comme un appel au premier morceau pour présenter le dernier titre.

Je trouvais que c’était une idée intéressante car l’amour codé à un côté curieux, qui pousse les gens à aller écouter et fouiller. Le fan de prog va se poser la question et ça me plait comme idée (rires).

 

"Klonosphere fait un boulot super ! On a eu une place dans des magazines comme Guitar Part ou Metallian et on remarque que le nombre d'écoutes augmente de jour en jour. On est très reconnaissant."

 

La prod est vraiment bonne, puissante et claire. C’est un élément essentiel aujourd’hui de bien sonner si on veut exister ... est-ce que c’est majoritairement du home studio ?

C’est assez drôle parce qu’on a mis un an et demi à sortir notre premier album et comme c’est très dur, comme tu le sais, de simplement exister en tant que jeune groupe, on voulait sortir notre second album très vite derrière. On ne voulait pas perdre le rythme, on s’est booké six mois plus tard dans le studio où nous sommes habitués, en pleine campagne du Nord-Pas-de-Calais. Sauf qu’étrangement, on s’est retrouvé absolument pas prêt. Les morceaux n’avaient pas été testés en répétition, Manu habitant à Lille, je n’avais pas entendu certaines parties de guitare de ma vie (rires).

Donc on a pris le temps de découvrir nos parties, pas loin de deux semaines et on a eu un super ingé son qui nous a laissé du temps.

 

L’album sort d’abord en dématérialiser avant que n’arrive un cd et un vinyle rose qui m’a l’air très beau. Quelle est la place de l’objet physique pour un jeune groupe comme le vôtre ?

Heureusement, dans ce style là, les gens achètent beaucoup de cds et de vinyles. En concert par exemple, les vinyles se vendent très bien et il faut bien avouer que l’idée derrière tout ça est aussi de pouvoir se rembourser un minimum. Cet album nous a couté entre 7000 et 8000€ pour le faire donc l’objet va aussi servir à ça. On a tenu à faire un bel objet, le vinyle sera en rose, il y a aura un digipack et c’est surtout la seule véritable source de revenue d’un groupe au début. A notre niveau, on se fait aucun bénéfice sur les concerts et l’objet physique est aussi un objet de soutien.

J’ai des amis qui ont des collections de vinyles incroyable sans avoir de platine (ndlr : c’est quand même dommage !).

 

Quelle est la place de Klonosphere dans votre développement ?

C’est tout de suite un travail de transition entre un petit groupe inconnu comme nous et les médias. Je trouve qu’ils font un boulot super ! On a eu une place dans des magazines comme Guitar Part ou Metallian et si nous avions écrits nous-même, nous n’aurions surement pas eu de réponses. C’est un attaché de presse « ++ » si on peut dire ... qui nous amène en plus vers Season of Mist qui est un gros distributeur national et européen.

C’est deux gros logos qui vont nous aider à booker des dates et on remarque également que le nombre d’écoutes sur les plates-formes augmente de jour en jour et c’est clairement grâce à eux. On est très reconnaissant.

 

Comment vois-tu la vie d’un jeune groupe aujourd’hui qui cherche à percer ?

Il y a eu un énorme pic au début des années 2000, avec une scène révolutionnaire et les Gojira, Klone, Dagoba et beaucoup de combos qui ont évolué ou splitter...puis j’ai la sensation que depuis quelques années, beaucoup de groupes sortent un ou deux albums, parfois très bons. Puis, malheureusement, splitte dans l’anonymat ... qu’est-ce que ça t’inspire ?

Je suis assez d’accord avec toi. On n’est pas forcément dans le pays le plus simple pour la musique et c’est clair qu’il faut s’accrocher et faire des sacrifices. Tu prends un groupe comme Hangman’s Chair : ils ont fait 3 albums et ça ne marchait pas. Le 4e devait être le dernier et ils ont explosé et tournent comme des malades depuis. Il faut attendre le bon moment...

Après tu as des pays comme l’Angleterre où j’ai l’impression qu’il y a de nouvelles vagues de musique tous les ans et certains festivals sont sold out alors qu’ils ne diffusent que des groupes barrés. J’ai du mal à croire à notre succès en France même si Klonosphere fait un boulot fantastique car la plupart de nos écoutes se situent aux Etats-Unis. Il y a aussi beaucoup de groupes, c’est le bordel pour trouver sa place en tant que groupe et les gens sont devant une offre surchargée. Mais je suis convaincu que notre salut passera par l’étranger.

 

On remarque aussi que le public réagi beaucoup par vagues à un titre ou un album mais qu’il ne suit pas forcément sur les sorties derrière. Faisant que les groupes ne continuent pas ..

C’est un rythme très chiant à tenir. Composer n’est pas la partie la plus difficile finalement. Mais une sortie derrière peut durer jusqu’à un an entre les dates pour la promo, le pressage, le booking. On manque aussi de communauté comme à une époque, quand Pleymo avait ramené plein de groupes et qu’ils jouaient tous les uns pour les autres.

J’ai la sensation qu’on revient à un côté compétitif où les groupes veulent juste faire un meilleur concert que toi plutôt que faire des rencontres car ils espèrent vendre du merch plus que toi. Je ne dis pas ça pour tout le monde évidemment mais ça arrive et c’est dommage !

Il y a très peu de places pour beaucoup de demandes. Même au Hellfest, ils se sont sentis obligés de faire une scène spéciale française comme s’ils voulaient justifier qu’on existait ..

 

La crise actuelle empêche les concerts comme on le sait tous... est-ce que vous aviez des plans avant que ça ne tombe à l’eau ? Avez-vous des idées pour la reprise du live ?

On est tombé pile au mauvais moment car on avait des dates mais quand le confinement est tombé, on allait juste les annoncer. Donc nous n’avons pas pu reprogrammer des concerts car personne ne savait qu’ils existaient (rires).

On est dans un combat pour essayer de booker la rentrée mais on va rapidement creuser sur le début d’année prochaine car, même si on s’y prend très largement, la demande va être énorme sur septembre et octobre. L’idée est de jouer au maximum car un groupe ne peut vivre qu’en concert et même si un troisième sort entre temps, ce n’est pas grave, on fera avec !

 

"J’ai la sensation qu’on revient à un côté compétitif où les groupes veulent juste faire un meilleur concert que toi plutôt que faire des rencontres"

 

Si tu avais l’opportunité de partir en tour support d’un groupe...lequel serait-il ?                                          

Encore une bonne question. Je pense qu’on aurait plus sa place avec des groupes de prog, même si je donne ce terme avec des pincettes puisqu’on peut mettre beaucoup de choses derrière le prog. Je pense à des trucs modernes comme Leprous qui est inclassable ou Vola qui sonne très frais et que l’on pourrait classer comme du prog. Evidemment, tous les groupes que j’ai déjà cité seraient de gros rêves, Between et Mastodon en tête !

 

Dernière petite question. Que faites-vous dans la vie à côté et comment le confinement vous a impacté ?

Notre bassiste est cadreur dans le cinéma donc est intermittent du spectacle. Notre guitariste bosse en usine donc lui il travaille actuellement. Moi je travaille à la télé donc je suis intermittent aussi, ce qui est bien pratique pour caller des concerts ou partir quelques jours quand il le faut. On arrive plus facilement à s’en sortir. Notre batteur est ingénieur à côté mais pas rattaché à la musique. Notre leitmotiv reste clairement le milieu artistique.

 

Après concernant le confinement. Je suis actuellement à la Réunion en vacances chez mes parents et lorsque ça a été annoncé, je n’ai pas pu repartir donc je suis là-bas depuis deux mois maintenant. On est confinés exactement comme chez vous mais on a très peu de cas et peu de personnes en réanimation. La vie n’est pas trop dure ici même si j’aimerais bien rentrer car ça devient long. J’ai pas mal de matos ici donc j’ai pu composer et être tranquille pour préparer la suite. Je reste optimiste et je me dis qu’il va bien falloir s’y remettre de toute façon ! Merci pour l’interview et j’espère que les concerts vont vite reprendre !

Interview done by Eternalis

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