Evergrey n’en finit plus d’affoler les fans du metal progressif. Après une trilogie conceptuelle formidable composée de « Hymns for the Broken », « The Storm Within » et « The Atlantic », les voici déjà de retour à peine deux ans plus tard avec un fabuleux douzième album intitulé « Escape of the Phoenix ». Avec un line-up inchangé et une nouvelle fois sous la houlette du génial Jacob Hansen au son, ce nouvel opus risque une fois de plus de mettre à ses pieds le monde du metal progressif qui ajoute de nouveaux joyaux aux genres grâce aux suédois années après années.
Le sympathique leader et unique membre fondateur du groupe, j’ai bien sûr nommé Tom S. Englund (chant/guitare) s’est entretenu avec moi une petite demi-heure pour parler du nouvel album en toute simplicité et en révélant certaines méthodes de compositions peu communes dans le genre, preuve qu’Evergrey est bien unique en son genre !
[Par Eternalis]

Salut Tom ! Comment vas-tu ? Les premières chroniques de « Escape of the Phoenix » sont très bonnes. Je suppose que tu es ravi ?
Très bien et toi ? Oui, je suis évidemment très content de voir les premières réactions. C’est toujours gratifiant de savoir que d’autres aiment ta musique. Je suis impatient maintenant que l’album sorte et que les gens puissent l’écouter. Il va aussi avoir une nouvelle vidéo bientôt, ça va être une bonne année pour Evergrey.
« Escape of the Phoenix » arrive après une trilogie conceptuelle à propos de la solitude, de la perte et du vide émotionnel avec des textes vraiment forts. Penses-tu que tu as dis tout ce que tu pouvais sur ce sujet ?
C’est un sujet qui évoque ma vie depuis vingt cinq ans donc je ne sais pas (rires). Je pourrais écrire encore dix albums sur ce sujet mais comme tu dis, nous sortons d’une trilogie et c’est quelque chose de fort. J’avais envie d’avoir onze chansons différentes, avec des histoires qui ne soient pas autour d’un seul et unique concept sur lequel me concentrer. J’ai retrouvé de la liberté en ce sens et ça m’a libéré, j’ai pu intégrer plus de vie dans mes textes cette fois-ci.
A propos des textes de ce nouveau disque, tu as dis « Et si cet oiseau n’avait pas envie d’être ressuscité ? Et s’il n’avait pas envie de revenir ? Parfois, je suis fatigué de me relever et de rester fort ». Ma question est … es-tu ce phénix ?
Oui complètement ! Je pense que nous sommes tous ce phénix parfois. Nous vivons des expériences et ressentons parfois que les choses se répètent, encore et encore, jour après jour, dans une spirale négative. J’ai voulu me poser cette question autour du phénix qui renaît constamment … est-il heureux de revenir ? En a t-il envie ? Que se passerait-il s’il avait la liberté de choisir, de s’échapper … c’est l’idée centrale autour du titre de l’album.
Penses-tu que ce genre d’idées s’est accentué avec la pandémie ? Être fatigué depuis un an …
En effet, c’est même certain. J’ai commencé à travailler sur l’album en novembre ou décembre 2019, donc avant que tout cela ne commence mais ça a donné de l’importance aux paroles.
Je ne suis pas le plus impacté car je vis en dehors des grandes villes, je ne côtoie pas énormément de personnes et nous avions déjà prévu de passer six mois isolés en studio ou à travailler cet album donc la pandémie n’a pas fait de grandes différences. C’est maintenant que les différences arrivent car on ne pourra pas jouer en live, nous sommes bloqués ici et ne savons pas du tout quand nous pourrons de nouveau voyager.
Dans le presskit de l’album, il est écrit que « Escape of the Phoenix » est « une version plus metal » de « The Atlantic ». Je ne suis pas vraiment d’accord car cet album était très intense et heavy et le nouveau est finalement plus mélancolique … qu’en penses-tu ?
Je pense que chacun de nos albums a toujours eu beaucoup de mélancolie. C’est ce qu’est Evergrey depuis nos débuts.
Je ne sais pas exactement ce qui a pu être écrit dans le press kit parce que c’est écrit par le label et non par le groupe (rires). J’avoue que je n’en sais rien, je ne l’ai jamais lu et ça ne m’intéresse pas. Pour répondre à ta question, tous nos albums sont heavy, sombres et atmosphériques. Nous avons un son particulièrement lourd, spécialement depuis trois ou quatre albums donc je ne sais pas si celui-ci est plus heavy ou mélancolique … pour moi, c’est le nouvel Evergrey, basiquement.
"J’ai voulu me poser cette question autour du phénix qui renaît constamment … est-il heureux de revenir ? En a t-il envie ? Que se passerait-il s’il avait la liberté de choisir, de s’échapper"
Un nouvel Evergrey où on vous reconnaît dès les premières secondes de « Forever Outsider ». Le son de Jacob Hansen est absolument parfait. Quelle est son importance dans le résultat final de l’album ? C’est le quatrième album que vous faites ensemble.
Oui, c’est le quatrième et il est extrêmement important. Jonas [ndlr : Ekdahl : batterie] et moi avons produit l’album et enregistré l’album ici en Suède dans notre studio. Nous avons écris les morceaux et Jacob a été extrêmement important pour le mixage et la couleur de l’album. Nous travaillons ensemble depuis quatre albums, il a aussi travaillé avec Redemption et nous nous connaissons vraiment bien, depuis 10 ans. Pour nous, c’est important de savoir où on va et comment on collaborera pour créer le son que l’album mérite.
C’était logique pour vous de travailler encore une fois avec Jacob ?
Oui, c’était déjà vu dans nos emplois du temps qu’il mixerait l’album. Nous n’avons pensé à personne d’autres.
Je trouve que les claviers sont très importants sur cet album. Il y a beaucoup de sons différents et vous les utilisez d’une manière très créative. Je pense à « Where August Mourns » ou « The Beholder » ..
Oui, c’est quelque chose de très important dans notre son. Tu sais, quand j’écris des chansons, je commence aux claviers et après, j’ajoute les autres éléments comme la batterie, la basse et les guitares mais ça n’arrive qu’après. Beaucoup de groupes partent d’un riff ou d’une mélodie de guitare mais pour Evergrey, on commence à écrire aux claviers et je chante dessus. C’est encore plus le cas pour les chansons que tu cites où les claviers sont ...comment dire … prédominant dans la globalité (ndlr : « big picture ») du titre.
C’est intéressant parce que la plupart des groupes disent partir d’un riff et ajouter une mélodie ensuite. Les claviers sont souvent des arrangements qui arrivent après … mais vous c’est l’inverse !
Quasiment toujours oui ! Pas à chaque fois mais je dirais que 80 % du temps, c’est à partir d’un clavier qu’une chanson commence.
Sur « The Beholder », vous avez invité James Labrie et c’est un moment à part pour les fans de prog forcément ! Pourquoi ce titre en particulier ?
Quand j’ai écris le texte et que je présentais aux autres membres cette partie où James intervient, il était clair qu’il fallait un « guest » à ce moment là. Tout le groupe a dit « C’est un passage pour James ».
Je le connais depuis longtemps donc je lui ai écris un mail. Il m’a répondu très rapidement en disant qu’il adorerait et qu’il aimait beaucoup le titre. Il a enregistré sa partie et ça s’est fait très naturellement. Donc la raison pour laquelle il s’agit de cette chanson est que c’est la seule que nous lui avons proposé (rires). C’est celle où je pensais qu’il serait le meilleur !
"Ce que j’écris provient de moi, de ce que je pense et vis tous les jours et je pense que c’est ça qui donne ce côté honnête"
Il y a aussi « Stories » qui est l’une des plus belles chansons de l’album, avec une partie vocale et un solo au tapping vraiment magnifique. J’ai l’impression que, album après album, vous gardez toujours l’inspiration pour écrire quelque chose de vrai et d’honnête … quel est ton secret ?
Simplement d’écrire à propos de moi. Je n’écris pas à propos de donjons, de dragons, d’épées ou de chevaliers. Ce que j’écris provient de moi, de ce que je pense et vis tous les jours et je pense que c’est ça qui donne ce côté honnête. Les sujets que j’évoque sont très proches de moi ou de ce qui m’affecte et c’est finalement très facile d’être sincère puisque c’est simplement moi. Je ne peux pas écrire à propos de choses que je ne ressens pas ou que je n’ai jamais vécu. Cependant, je suis très heureux que tu le ressentes.
Quand tu apparais sur des projets que tu n’écris pas, comme Ayreon ou Epysode, quel est ton état d’esprit ? Comment collaborer avec d’autres artistes ?
Tout dépend du projet, de l’artiste et de ce que je ressens en écoutant la musique ou le concept. J’ai besoin que ça affecte ma créativité pour me plonger dedans sinon je ne le fais pas. Je veux savoir de quoi parleront les textes et quels types d’émotions il y aura pour approcher au mieux les chansons.

Tu as aussi Silent Skies, ton nouveau projet sorti il y a deux mois. Où trouves-tu le temps pour tout ça ? Tu as Evergrey, Redemption et maintenant Silent Skies …
C’est simple, on ne tourne pas actuellement à cause de la pandémie (rires). J’ai beaucoup de temps mais je suis musicien, je fais de la musique et j’écris, c’est ce que je fais tout simplement. Je n’ai pas de boulot à côté donc je travaille beaucoup dans la musique. Je travaille dur car j’adore ça, il n’y a rien de plus important pour moi.
Quand les concerts reprendront, penses-tu que Silent Skies verra le jour sur scène ?
Absolument ! J’adorerais jouer cette musique en live. Nous avons beaucoup de projets pour Silent Skies à l’avenir et dès que ça sera possible, nous le ferons.
Evergrey a désormais 12 albums au compteur mais il y a clairement un avant et un après « Hymns for the Broken ». Réalises-tu l’impact de ce disque et pensais-tu à l’époque qu’il serait si important pour le groupe ?
Hum … [ndlr : il hésite], honnêtement, je pense qu’il est si important plus pour le reste du monde que pour nous (rires). Pour nous, c’était un album important parce que c’était le nouvel album mais rien de plus. C’était aussi le retour de Jonas et Henrik et c’était une grande nouvelle pour tout le monde. Evidemment, c’est un grand album, c’était le neuvième et il possède des chansons très fortes mais nous ne réfléchissons jamais en termes d’impact sur le public ou même commercialement. Aujourd’hui c’est « Escape of the Phoenix » qui est le plus important et je pensais la même chose de « Hymns » à sa sortie.
Mais tu ne penses pas que après cet album, la presse, le label ou les fans avaient des attentes plus fortes qu’avant ?
Je ne sais pas … je fais de la musique depuis 26 ans et je pense que chaque album a permis qu’on soit là où on est aujourd’hui. Il y a trois générations de personnes qui écoutent Evergrey, c’est fantastique. Je ne vois pas tout ça, ce qui se passe autour. Pour moi, c’est juste un nouvel album car rien n’a vraiment changé dans ma façon de travailler ou d’écrire et je ne suis pas devenu millionnaire (rires). C’est un long et difficile travail que de conserver un groupe autant d’albums, surtout dans ce genre de musique. Cette longévité compte pour moi, j’ai de la gratitude envers les gens qui ont fait que ce soit possible. Douze albums avec Evergrey, c’est fantastique !
" La seule chose importante dans Evergrey est de faire la meilleure musique et le meilleur album que nous pouvons. Si tu as besoin de changer des membres pour obtenir ça, alors il faut le faire."
Avant « Hymns for the Broken », votre line-up changeait tous les albums. Désormais, vous êtes stables depuis quatre albums ! Penses-tu que cette stabilité à un impact positif sur ta créativité ?
Alors … c’est une bonne question. Je dirais que c’est important dans un sens puisque quand tu as un line up stable, ton environnement de travail est stable également. Le plus important en revanche reste de faire la meilleure musique possible et rien [ndlr : il insiste vraiment sur le « Nothing »] n’est plus important que ça dans Evergrey. En dehors du groupe, il y a des millions de choses plus importantes que ça mais dans le groupe, la seule chose importante est de faire la meilleure musique et le meilleur album que nous pouvons. Si tu as besoin de changer des membres pour obtenir ça, alors il faut le faire. C’est comme dans une entreprise, c’est la même chose même si c’est pour faire quelque chose d’ennuyeux : le résultat est le plus important. Tu dois faire le meilleur que tu puisses faire et tu dois mettre tous les moyens en œuvre.
Parfois des membres ne sont plus heureux dans le groupe ou le groupe n’est pas heureux avec certains membres donc il faut faire des changements pour passer à l’étape supérieure.
Tu as beaucoup écris avec Jonas pour cet album. Avez-vous un processus particulier ou est-ce selon vos émotions du moment ?
J’écris de mon côté, il écrit de son côté et quand nous nous rencontrons, nous écoutons ce qu’à fait l’autre. Et après nous jouons aux autres gars et nous évoluons ainsi petit à petit. C’est plus ou moins le processus que nous avons utilisé sur cet album.
On pense souvent à toi en tant que chanteur mais tu es aussi un guitariste lead. Comment partages-tu tes parties avec Henrik ?
Basiquement, ça dépend de qui joue mieux certaines parties. C’est assez rapide et naturel en fait. Si tu prends « Nocturnal Eternal », je joue la première partie du solo et Henrik joue la seconde partie parce que ça collait mieux comme ça. Nous avons fait tellement d’albums ensemble que c’est devenu très simple entre nous de décider qui fait quoi.
Dernière question plus légère. Je lisais une interview de Steven Wilson la semaine dernière où il disait « Beaucoup de gens imaginent que je suis triste et déprimé parce que ma musique est sombre et mélancolique, alors que je suis plutôt joyeux et souriant ».
Comme ta musique est aussi sombre et mélancolique, quel type de gars es-tu en dehors de la musique ?
Je dirais très sérieux dans la musique et en dehors, vraiment … pas sérieux (rires). C’est la meilleure réponse je dirais. Je veux dire que la musique sombre et mélancolique me donne beaucoup d’énergie, ce qui n’est pas le cas avec de la musique joyeuse tu vois ?
J’obtiens de l’énergie avec ce genre de musique, ce genre d’émotions. Si je veux boire une bière, je vais écouter AC/DC. Il y a différents genres de musique selon mes envies et mes envies du moment.
Merci beaucoup pour ton temps. Je te laisse les mots de la fin pour les fans français …
Merci beaucoup à toi!J’espère revenir en France très bientôt car c’est un pays que j’apprécie énormément et dans lequel nous avons toujours un super accueil. J’adore votre gastronomie et votre vin rouge [ndlr : en français s’il vous plat!] (rires). J’espère vous revoir vite !
[Par Eternalis, interview skype le 12/02/2021]











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