7 Weeks

 

7 Weeks est un des groupes les plus attachants et les plus inclassables de la scène rock/metal française, et mène sa carrière depuis près de quatorze ans, en assumant ses choix et ses prises de risques. Leur sixième et dernier album "Sisyphus" a marqué un renouveau en ce début d'année, or voici qu'un nouvel EP "What's Next ?" - The Sisyphus Sessions débarque déjà.
Julien Bernard, bassiste chanteur du quatuor, nous parle avec la franchise volubile qu'on lui connait de ce nouveau disque, du line-up du groupe, du metal, ainsi que de la situation actuelle qui ébranle le monde de la musique...

 

WHAT'S NEXT?

Jean-Edern Desecrator (Spirit Of Metal): Votre dernier album "Sisiphus" est sorti fin janvier 2020, on ne s'attendait pas à un nouvel EP si tôt !

Julien Bernard (7 Weeks) : Nous non plus, on ne s'attendait pas à faire un nouvel EP (rires) ! On avait juste fait quatre concerts quant le confinement est tombé. Le dernier concert à Paris, au Bus Palladium  était maintenu avec une jauge réduite de cinquante personnes, alors on y est allé quand même. On a jamais traversé Paris aussi vite ! C'était une soirée un peu particulière, je te l'avoue, et on sentait vraiment que c'était la fin d'une époque. On en a bien profité, juste derrière, on a un peu abusé (rires), parce qu'on savait pas ce qu'il y pourrait y avoir après !
Il était impensable de s'arrêter. On ne se voyait pas ne rien faire. On a voulu réagir avec cet EP, à cette situation un peu ironique quand on pense à ce dont parle "Sisyphus" : quand tu portes un projet à bout de bras, et qu'arrivé au sommet, tout retombe, et qu'il vaut redévaler en bas de la pente pour aller le chercher. Mais je t'avoue qu'on avait pas prévu d'aller le chercher après quatre concerts (rires) !

JeD : Votre EP "What's Next..." est sous-titré "the Sisyphus Sessions" ; est-ce qu'il a été enregistré il y a un an, ou est-ce que le processus de création s'est poursuivi après la sortie de l'album ?
Julien Bernard : Pendant avril et mai, on a commencé à s'envoyer des fichiers, surtout pour "Cirkus", la reprise de King Crimson. On a répété  les morceaux pour l'EP en juin, et on a enregistré en début juillet."My Valhalla", par exemple, on l'avait composé pour Sisyphus et le texte n'était pas assez abouti, mais pour l'EP, j'ai eu le temps de m'y replonger.


JeD : Il y a plusieurs éléments à priori hétéroclites dans What'sNext, des morceaux inédits, une reprise, et des version acoustiques de morceaux de Sisyphus. Est-ce que vous aviez prévu de faire ce mélange, ou est-ce que c'est venu comme ça ?
Julien Bernard :
On a pris tous les éléments qui nous semblaient aller ensemble, et qui étaient dans la lignée de "Sisyphus". On voulait que les gens qui ont apprécié "Sisyphus" aient un complément en rapport à l'album, avec des versions acoustiques de tel morceau, une reprise, ou des morceaux qui auraient pu en faire partie. "Intimate Harts", on l'adorait, mais il était trop sombre pour l'ambiance de l'album.
On a fait comme si c'était un double album ; d'ailleurs au départ, c'est comme ça qu'il avait été pensé. Mais comme on tient à ce que ça soit efficace, que les morceaux s'enchaînent, on préfère faire des albums courts.  Les gens écoutent beaucoup en streaming, en éclaté, et pas forcément tout un album. Un groupe très très connu peut se permettre ce qu'il veut, mais pour un groupe comme nous, il faut faire attention  ces choses-là.
On a souvent dix ou dix-huit morceaux en préparation pour un album, mais on en garde que neuf ou dix, pour que l'auditeur reste sur toute la durée. Le tracklisting d'un album, c'est très important, il faut que les gens aient envie de l'écouter du début à la fin.

JeD : La reprise de King Crimson, "Cirkus" est particulièrement réussie. Comment avez-vous eu l'idée de la faire ?
Julien Bernard :
On avait prévu de la faire pour "Sisyphus", mais on avait déjà un morceau long et progressif sur Sisyphus, ça aurait fait trop. C'est un morceau qui m'a toujours tenu à coeur, pourtant, si tu écoute la version originale, tu vas te dire "C'est complètement barré, ça n'a rien avoir avec ce qu'il font"... mais j'étais sûr que ça donnerait bien, en le mettant à notre manière. On a fait un énorme travail sur le son pour respecter les codes de King Crimson ; je me suis aussi inspiré de leurs lives de ces dernières années. Je les ai vus en concerts il y a quatre ans, et j'ai pris une énorme claque ! On voulait que ce soit homogène, et ne pas dénaturer le morceau. On s'est envoyé énormément de fichiers, pour faire les arrangements, ça nous a pris le temps de deux ou trois morceaux de 7 Weeks. D'ailleurs on a aussi fait appel à Gérald, un guitariste de 7 Weeks qui avait joué avec nous sur des tournées, pour bosser sur King Crimson, car c'est à fond son truc, il nous a apporté beaucoup de choses au niveau des arrangements guitare. Donc on est à deux guitares, plus le clavier, batterie, basse, on est cinq là dessus.

JeD : J'ai trouvé que la basse avait un coté très Voivod sur la fin de ce morceau...
Julien Bernard :
J'ai cette culture-là aussi, de thrash des années 80, 90, j'ai aussi la culture de la basse du funk, et j'aime la basse dans King Crimson, qui est très chantante. Alors c'est pas un plan qui a été pris à King Crimson, mais je me suis approprié le mouvement des trompettes qui sont dans le morceau. C'est pour ça que j'ai été chercher ce truc ; cette fin est un peu folle, elle monte en crescendo, il fallait un peu de lyrisme... Je ne vais pas faire que de la grosse corde (rires) !

 

METAL OU PAS METAL ?

JeD : 7 Weeks est à cheval entre rock et metal, y aura-t-il un jour un disque ouvertement metal ou une set-list de concert plus poilue ?
Julien Bernard :
Je ne pense pas. De même qu'on est souvent catalogué comme un groupe de stoner, ce qu'on ne reconnait pas, on est pas non plus un groupe de metal et on le sera jamais, car il faudrait que les quatre personnes soient des métalleux. Des quatre, c'est moi qui le suis le plus, de coeur, car c'est la première musique que j'ai écoutée. Mais je n'écoute pas que du metal, et je ne sais pas si j'arriverais à me satifaire de ne faire que ça. Par contre, j'aime beaucoup ça, et à une époque, on reprenait "Whiplash" en concert, ou du Motörhead. Au débuts du groupe, on était beaucoup plus durs, on était plus orientés metal...mais aujourd'hui,  ça n'aurait pas de sens qu'on le devienne.


Il y a des choses dans le metal avec lesquelles je ne suis pas d'accord. Je ne suis pas d'accord avec les grosses caisses triggées, je ne suis pas d'accord avec les guitares trop creusées. En tant qu'amateur de vieux metal, en fait des années 80, 90 , début des années 2000, je trouve qu'aujourd'hui les rapports sont inversés : c'est la batterie qui fait tout, alors qu'avant c'était la guitare qui faisait toutes les rythmiques, qui faisait toutes les notes étouffées, ce que fait la grosse caisse aujourd'hui. Je trouve ça insupportable à un concert de metal - ça c'est personnel, d'entendre tout le long "trtrtrttrtrtrttrttrtrt" !
Ce que j'aime bien dans le metal, c'est quand il y a le guitariste qui tient la rythmique, et derrière le batteur qui fait un truc efficace et simple, sans aller jusqu'à AC/DC, mais quand même sur du Slayer, Napalm Death, Entombed, il y a pas de la double pédale tout le long... Je trouve que les meilleurs groupes de metal sont ceux qui ont une attitude rock, même si c'est extrème ou super violent. Quand tu les vois sur scène, c'est pas calibré, tu sens qu'il se passe quelque chose...

 

JeD : Le premier album de 7 Weeks, "All Channels Off" est sorti il y a près de onze ans, quel regard portes-tu sur ce disque ?
Julien Bernard :
Je le trouve super ! Je l'ai réécouté il y a pas très longtemps, ça faisait des années, j'étais agréablement surpris, je pensais que ça me saoulerait plus de le réécouter. Ce qui s'est passé avec cet album, c'est qu'on est arrivés un peu la fleur au fusil, on savait pas trop ce qui nous attendait en matière de prod et de manière d'enregistrer. On s'est retrouvés avec les gars de Destruction Incorporated, qui nous étaient là, ils étaient à fond branchés, il y avait beaucoup d'émulation, et ils nous ont fait tester plein de choses. Au départ, on aurait voulu un son metal, et on l'aurait eu, sauf qu'il y avait pas de voix hurlées. Et ils m'ont fait jouer -j'ai enregistré quasi toutes les guitares sur cet album- sur des vieux amplis, des Fender Bassman, etc... qui ont un son pas du tout metal. Et si tu écoutes bien, les riffs peuvent être pensés metal, ou pensés rock'n roll. J'aime bien cette production rock'n roll, vachement efficace et originale, qui nous a réussi en termes de prod, puisque ça nous a inpirés pour la suite. On s'est rendus compte qu'on avait pas besoin de se cataloguer dans une chapelle ou une autre.
Je ne renie rien, un peu (et encore ...) le premier EP "Black Days" où il y a des maladresses, notamment dans le chant et les textes. Mais à partir du premier album "All Channels Off", c'est assez bien foutu, même si chaque album a ses défauts, ses qualités, sa prod.

 

 

 


ENFIN LE LINE-UP IDEAL ?

JeD : Il semble que le groupe se soit vraiment stabilisé avec votre line up actuel… Comment s’est passée l’intégration de Fred Mariolle, le guitariste ?
Julien Bernard :
Je peux te dire qu'un line-up est stable quand il a tenu trois, quatre albums. J'estime que Jeremy (Cantin-Gaucher, batteur, NDLR) et moi, on est un line-up stable, on est les deux seuls membres restants du line-up d'origine, ça fait treize ans qu'on joue ensemble dans 7 weeks. On est un groupe qui a beaucoup changé de membres parcequ'on a fait beaucoup de tournées dans des conditions parfois difficiles, les gens s'usent, vieillissent, changent de centres d'intérêt, ou veulent revenir vers leur propre groupe ou faire de la musique comme ils l'entendent, et ainsi de suite... ce qui fait que les gens lâchent le truc.
On est très contents du line-up avec Fred et PH (les guitaristes, ndlr), c'est sûrement le meilleur line-up du groupe qu'on aît eu, même si avec les conditions actuelles, personne, aucun groupe ne sait de quoi sera fait le futur, quand on pourra reprendre les concerts...  , on espère que ça va perdurer dans le temps.

JeD : Votre guitariste PH partage de plus en plus son jeu entre synthés et guitare. Est ce PH qui a l’initiative sur ces éléments, ou est-ce que ce sont les ambiances qui commandent ?
Julien Bernard :
PH, on l'a rencontré sur la tournée "Farewell to Dawn", en 2016, l'album était déjà écrit, et il faisait un peu de guitare, un peu de claviers, et surtout des choeurs, donc on l'a pris pour faire couteau-suisse pour ainsi dire, le gars qui peut faire un petit peu de tout. Il s'est bien approprié son rôle, et notamment au claviers, là où avant, c'était plus des arrangements, c'est-à-dire que tu pouvais les enlever, ça ne change pas le morceau. Alors que depuis, il a affirmé la place du clavier dans certains types de sons, comme sur "Gone" sur l'album "Sisyphus". Si tu enlèves le clavier, c'est plus du tout le même morceau. C'est devenu un instrument à part entière, c'est pas nous qui lui avons dit "Fais du Clavier sur tel morceau", il propose des choses, avec tel ou tel son. Il s'est approprié ce rôle, alors que pour la guitare, c'est plus de la guitare d'arrangement. Quand il fait du clavier, c'est comme si c'était une deuxième guitare, c'est assumé à 200%.

JeD : On sent que sur l'album "Sisyphus" et encore plus sur l'EP, tout le groupe avance avec une énergie qu'il n'y avait pas avant...
Julien Bernard :
Ce qui doit aussi te faire ressentir ça, c'est aussi que sur l'album, on avait enregistré beaucoup de choses en live, et quand je dis en live, c'est tout le groupe, ou basse/batterie/guitare, ou batterie/guitare, etc... On était tous dans la même pièce à jouer ensemble. Après on refaisait certaines choses, des guitares qu'on doublait, qu'on refaisait, pour X raisons, mais on enregistrait live...  et l'EP a été enregistré aussi comme ça.
Maintenant les groupes modernes enregistrent séparément, tout le monde veut faire ses parties parfaitement, tout est disséqué. On est plus du tout là dedans, on veut être le plus organiques possible.

 


CRISE DU COVID : UN INSTINCT DE SURVIE MUSICALE ?

JeD : Vous êtes restés très actifs malgré les restrictions, nottament avec des vidéos et la concrétisation de cet EP… il était important de continuer à pousser le rocher ?
Julien Bernard :
Quand on a été confinés, on a été submergés par une vague de gens qui ont faisaient des livestreams dans leur salon. On avait trouvé ça assez pathétique, pas qu'on critique les gens qui ont fait ça, mais qui a envie de me voir chez moi, sans le reste du groupe, avec ma guitare sèche en train de chanter des morceaux ? Personne...
Autant prendre un peu de recul, préparer quelque chose, aller faire un vrai enregistrement acoustique tous ensemble. Tu vois par exemple, la vidéo de "Idols" en acoustique, c'est la vidéo de l'enregistrement. Il a été fait en une fois, pas avec les voix à part, entièrement, tel quel.
On est restés actifs, mais cohérents. On ne voulait pas s'adapter à la crise, mais sortir des choses comme on aurait pu le faire en période normale : sortir des clips, un disque, etc...
On met tout en branle pour monter des projets. La preuve, deux mois après l'arrêt du confinement, on a enregistré un disque. On a ressorti un ciné-concert, que l'on faisait il y a quelques années sur le film "Dead at Night", on a des concerts prévus, mais on ne sait pas si tout ça va se maintenir.
On avait encore des concerts prévus en décembre, qui ont été annulés avec le deuxième confinement. On a des ciné-concerts prévus, au mois de janvier, il est possible qu'on soit encore confinés, on a des concerts 7 Weeks au mois de février, au mois de mars, on les attend, on espère qu'on pourra les faire, même si c'est devant une salle de 80 personnes assises avec des masques. On va s'adapter à l'ambiance, choisir la set list en fonction, avec des morceaux qui se prêtent plus à l'écoute. Et puis s'il y a des concerts qui s'intercalent, tant mieux. C'est l'inverse d'avant, il y avait plein de concerts et tu sortais un clip, un album, un EP... là, ça sera le contraire ! On va continuer à produire de la musique et fair des concerts quand on peut.
Le principal problème avec l'arrêt des concerts, c'est le manque de vente de disques. Il y a sûrement beaucoup de groupes qui vont arrêter, comme en Angleterre où il n'y a pas d'intermittence...

JeD : Il y a aussi tout l'écosystème autour de la musique, les salles de concerts, les studios, etc...
Julien Bernard :
  On a la chance d'avoir des salles qui ont vocation l'action culturelle, c'est à dire qui ne sont pas privées, et bénéficient d'une enveloppe d'argent public pour payer la programmation de leur salle. C'est celle-là qui leur permet aussi de fonctionner et de mettre en résidence des groupes. Il y a moyen de faire des choses comme ça. D'ailleurs c'est grâce à ça que le clip de "Cirkus" a été tourné, dans une salle, avec à disposition du son, des lumières, etc... On a eu cette possibilité là, mais c'est plus compliqué pour des structures privées, car c'est avec leur propre argent...
Nous on peut vivre, parcequ'on est intermittents, on a la chance d'avoir ça en France, mais pour l'économie du groupe est plus en péril car il n'y a pas d' argent qui rentre, il y a très peu de ventes de disques. On a notre boutique en ligne, quand quelqu'un veut acheter un de nos disques, il peut le faire sur notre site, et c'est la seule économie qu'on peut avoir. Sans concerts, on ne peut pas vendre de disques, ni de merch en dehors de ça, et sur la durée, ça peut devenir très compliqué...
Avant, acheter un disque, c'était pour se faire plaisir, écouter un groupe. Maintenant, acheter un disque, c'est soutenir un groupe, et c'est presque devenu un acte militant.

 

Un grand merci à Julien Bernard pour sa patience et sa grande disponibilité !

 

Interview done by JeanEdernDesecrator

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