Sunn O)))
Miracle ou erreur complète de jugement? Pour sa dix-neuvième édition, le festival de Dour laissait apparaître sur son affiche rock/ska/électro/hip hop/rap des noms alléchants pour l'amateur de scènes alternatives. Et attention, ce n'était pas n'importe qui qui était invité: on pouvait ainsi venir voir, le jour de clôture, l'imperturbable monsieur Masami Akita plus connu sous le nom de Merzbow; ou encore Wolf Eyes, un groupe de noise de Detroit qui commence à se faire un nom. Et surtout Sunn O))), Anderson et O'Malley s'étant déplacés avec leur éternel mur d'amplis et surtout deux guests de grande qualité, mais je vous en reparlerais plus tard.Trouver le festival lui même ne fut pas difficile, les navettes étant bien organisées. Mais à l'entrée, misère. Après s'être présentés à l'entrée et nous être fait renvoyer vers un poste de mise de bracelets étrangement indiqué par un panneau: "échange billets quatre jours", être revenus et nouys être fait de nouveau renvoyer vers les machines de fermeture de bracelets qui étrangement étaient à l'écart et pas indiquées, moi et l'amie qui m'accompagnait avons enfin pu pénétrer sur la plaine. On a tout de même failli rater le début de Merzbow grâce aux indications véritablement bien faites. En effet, notre scène, la bien nommée "petite maison dans la prairie" était planquée au détour d'un chemin, assez loin des autres tentes (sans doute pour éviter d'effrayer les hip hop eux qui s'excitaient sous le chapiteau le plus proche). Et, bien qu'il n'y ait que six scènes annoncées, il s'en trouvait sept, dont une sans nom. C'est bien entendu à cette dernière que nous avons d'abord échoué, mais la présence en masse de dreads et le manque de têtes de psychopathes nous ont mis la puce à l'oreille, et après deux ou trois tentatives d'orientation foireuses, nous nous retrouvâmes enfin dans la tente en question, retrouvant au passage quelques autres fanatiques. Oui, parce que le festival de Dour ne fournit pas de plan, non plus.
Bref, malgré toutes ces péripéties palpitantes qu'un peu d'organisation auraient pu éviter, nous pouvons enfin déguster la noise aux variations cycliques indescriptibles de Merzbow, qui s'était déplacé avec un bel ordinateur portable affichant fièrement un autocollant "Meat Is Murder" des plus romantiques. 50 minutes passées à la vitesse de l'éclair, tant l'expérience s'est avérée hypnotique. Première baffe de la soirée, le Corwin est déjà très content d'être venu.
Anecdote amusante, l'administrateur de la petite maison dans la prairie ne devait pas être très au courant des groupes invités, parce qu'il avait l'air tout simplement terrifié par Merzbow et qu'il a tenté par deux fois de venir descendre le volume des amplis du sieur Masami Akita, qui l'a laissé faire pour posément, une fois qu'il était parti, venir remettre le bouton à fond.
Après un intermède passé à regarder un orchestre de ska japonais (le groupe de transition entre Merzbow et Wolf Eyes ayant fait des tests sons déprimants, on avait émigré vers ce groupe certes pas tout à fait dans nos habitudes, mais somme toutes assez sympathique), on retourne vers la petite maison dans la prairie. Coup au coeur, on entend quelque chose qui de loin ressemble diantrement à l'orthodox caveman de Sunn O))). On se rassure en voyant qu'il s'agit juste des tests sons de Wolf Eyes. Le groupe de Detroit nous assènera une noise ultra agressive pas déplaisante mais finalement assez lassante, et aura la bonne idée de ne jouer que 38 minutes, ce qui évita aux auditeurs d'en avoir marre et aussi de perdre trop leurs tympans. D'ailleurs, on regrettera un peu que le saxo noise présent sur la scène ait été aussi peu utilisé. Constat mitigé pour les trois américains.
Mais voilà, l'heure approche, et Sunn O))) s'annonce, précédé par son mur d'amplis qui remplit peu à peu la scène. En bon fanatique, j'ai pu observer les tests sons du groupe qui on duré trois quarts d'heure, profitant ainsi des visages de Greg Anderson et de Stephen O'malley et leurs belles chevelures alors que l'écran de fumée n'était pas encore monté et les toges pas encore enfilées. Pendant qu'ils réglaient leurs centaines de petits boutons, mollettes et autres câbles, on a pu voir un homme avec une crinière attachée en queue de cheval arriver sur scène, s'emparer du micro et commencer des tests. Lui n'a pas fait "check, check" comme un peu trop de gens, il a commencé à chantonner Nihil's Maw à la place. N'ayant jamais vu monsieur Attila Csihar sans maquillage, je n'étais pas certain que c'était bien lui, mais j'en ai eu la confirmation à mon retour du festival. Bref voilà, le vocaliste de Mayhem avait fait le voyage avec Sunn O))) rien que pour nous.
Après avoir noyé la scène et une grosse partie de la salle sous les fumigènes, et allumé quelques projecteurs spectraux, le groupe a enfin entamé son concert. Une première silhouette est venue se placer sur la scène. Un joint rougeoyait entre ses lèvres, seule chose discernable de son anatomie. J'appris plus tard qu'il s'agissait de Justin Broadrick (Godflesh et Jesu). O'Malley, Anderson et Attila se positionnèrent à leur tour et le son monta peu à peu, commençant par une déclamation monacale, mystique et grandiloquente. Introduction interminable qui n'était pas sans rappeler l'excellente narration psychédélique sur My Wall. Peu à peu, la puissance monte, la tension monte, les vibrations envahissent le corps du pauvre auditeur (j'étais tout près de la barrière, expérience à renouveler, la musique devient encore plus physique), les gens venus "pour voir" fuient à toutes jambes et initiés et nouveaux convaincus (ils devaient tout de même être rares) restent pour subir la messe sonore de plus d'une heure dix que nous a asséné le groupe. Attitude grandiloquente comme toujours, capuchons rabattus, brume effaçant tous les détails, éclairage psychédélique heurtant le mur d'enceintes et dessinant à peine les contours des silhouettes des musiciens. Un Atttila s'arrachant les cordes vocales déguisé en une sorte de goule au costume loufoque (un sac à patates en guise de toge, un bas passé sur la tête) se roulant sur le sol à la fin du concert, un Justin Broadrick monolithique, un Stephen O'Malley tétant régulièrement son vin rouge, saluant la bouteille à la main, des capuchons tombés révélant à peine la masse de cheveux. Bref, un grand instant de folie pure et de chaos musical orchestré avec un grand brio. Et d'ailleurs, petite anecdote amusante, un certain Masami Akita était planté dans le public à quelques mètres de la barrière.
L'expérience fut fantastique et passionnante. Sunn O))) confirme à mes yeux sont statut de groupe cultissime, et j'attends déjà avec impatience leur prochaine tournée et les sous nécessaires pour aller les voir. Hypnotique et vibrant, au sens littéral du terme. Et la prestation de Merzbow valait elle aussi largement le détour. Bref, une journée des plus intéressantes dans un festival qui s’ouvre tout juste aux scènes alternatives.

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