Commençons par la genèse du groupe, si vous le voulez bien. Puisque votre formation est franchement atypique, autant que le style musical ! Comment la rencontre de trois musiciens peut amener à jouer ce que vous définissez comme du "piano-core" ?Tristan : Cela fait bien cinq ans qu’avec Mika (chant) on voulait poser des chants hurlés sur du pinao, car on trouvait que l’esthétique du cri était intéressante, que cela pouvait apporter de nouveaux horizons à des compositions classiques – puisqu’il se trouve que je jouais du classique depuis enfant, tout en trainant dans la sphère rock/metal avec Psykup, étant ingénieur du son avec eux. Ces derniers tournant beaucoup avec des groupes, on s’est vite rendus compte qu’il y avait beaucoup de formation avec guitare, et que c’était souvent un peu la même chose. On s’est dit qu’on aurait aimé entendre des choses un peu différentes, et à force d’attendre, nous nous sommes dit que nous n’avions qu’à le faire nous-mêmes !
Au début, ça devait être un projet studio, dans le sens où l’on n’avait pas de batteur, ni de guitariste ou autre, et que nous ne savions pas encore si nous voulions rajouter des choses en plus du chant/piano. Et puis, il y a trois ans, nous avons vu Yoann jouer dans son autre groupe, et on s’est dit que nous voulions ce batteur ; il avait toutes les conditions que l’on souhaitait, à savoir, jouer très fort, mettre toute son âme et toute son énergie dans chaque coup de caisse claire et de grosse caisse. On a alors essayé de répéter et ça a tout de suite bien fonctionné, humainement et musicalement.
Du coup, le projet a bien fonctionné et ça nous a plu de pouvoir un peu casser les codes de cette scène harcore un peu « plan plan ». Musicalement, on essaye d’être le plus sincère possible ; il ne s’agit pas tant d’une démarche technique, ou de réflexions musicales poussées, mais vraiment de la spontanéité : métaphoriquement, ce serait comme se mettre nu devant une salle remplie par des personnes identiques. Musicalement, on a cet aspect classique et romantique avec le piano, mais en même temps, de par cette immédiateté un peu punk, on a essayé de mélanger les termes en s’appelant « piano-core ».
Est-ce qu’il a été dur de prendre le contre-pied d’une scène hardcore maintenant bien établie, et même, de manière globale, au sein d’une scène française metal ?
Yoann : Pas vraiment, dans le sens où on ne s’est pas imposé de frontières, sans faire gaffe à ce qu’il y avait autour. C’est un projet qui reste très personnel, d’où le « My Own », et cette sincérité touche le public, finalement. Mais effectivement, au tout début avec notre premier EP et notre première tournée, on a beaucoup tourné avec des groupes hardcore : mais finalement, c’est un milieu assez ouvert, avec beaucoup d’aspects punk, et cela n’a pas posé plus problème que cela.
Tu expliquais le terme « My Own » du nom du groupe ; mais qu’en est-il du « Private Alaska » ?
Tristan : Il y a forcément l’inspiration prise dans le titre « My Own
Private Idaho », de Gus Van Sant, qui est un film qui nous a tous beaucoup touché, et aussi l’idée prise dans le film « Insomnia », lorsque Maura Tierny donne la réplique à Al Pacino et dit « il y a deux genres de personnes qui vivent en Alaska : ceux qui y sont nés et ceux qui y sont venus parce qu’ils ont fuit un ailleurs ». Et cette phrase représente tout à fait le concept de My Own Private Alaska. C’est ce que l’on voulait représenter musicalement parlant ; j’avais envie de nous isoler en Alaska où l’on se retrouve en face de l’immensité où l’on ne peut pas tricher – comme « Into The Wild », d’ailleurs. Dans ce que vous dites, les mots « immédiat », « sincérité », « spontanéité », reviennent souvent. Il aurait été intéressant de poser la question à votre chanteur, mais, qu’est-ce qui vous touche et vous parle, donnant matière à vos textes ?
Yoann : Comme on te disait, lorsque l’on a enregistré l’album, on a essayé de donner un sens à tout ce que l’on faisait ; il y avait une réflexion très longue avant de prendre la première baguette ou de poser le doigt sur la première touche de piano. Et, tant que l’on ne trouvait pas un sens, ou un rapport avec les textes communs – car, même si certaines histoires sont très personnelles, cela n’empêche pas que l’auditeur puisse s’y retrouver ; on a tous eu des déceptions amoureuses, des choses à surmonter, etc. Par exemple, dans « Broken Army », on parle des parents qui ont fait la guerre, ou des proches. Ou encore, le titre éponyme fait référence à la perte d’un proche, et des réactions que chacun peut avoir ; le but n’était pas forcément de chanter juste, ou de sonner parfaitement, mais plus de mettre suffisamment de sincérité dans la musique pour que les proches se retrouvent dans la pièce, devant nous. Il faut savoir qu’avec Ross Robinson (producteur), il y avait une sorte de mysticisme dans la musique – sans être sectaire – qui nous donnait l’impression de servir de portail à quelque chose qui ne nous appartenait pas.
Tristan : Récemment, on a fait des versions instrumentales de certaines de nos chansons, et on demandait à Ross Robinson ce que ça donnait sans le chant, et il nous disait « c’est merveilleux, car vous chantez sans les textes ».
Est-ce que travailler avec Ross Robinson a changé quelque chose dans votre façon de composer ou de jouer ? Est-ce qu’il vous a aidé à aller vers quelque chose d’autre ?
Tristan : Je répondais à une interview l’autre fois où l’on me demandait, « alors, Ross, c’est plutôt un tyran ou un coach de vie ? » et, évidemment, c’est avant tout un coach de vie, où on va discuter en amont pendant des heures de l’ambiance du morceau, de ce que l’on veut dégager, et ça va digresser sur nos vies, sur des questions un peu métaphysiques ; et au bout de temps d’heures, ça te met en état de faiblesse, complètement seul avec toi-même, et à ce moment, lorsque tu joues, c’est toi et pas un énième pianiste. Et c’est ce que recherche Ross Robinson. Pour lui, la magie est sur la bande à ce moment-là. Ce qui rest
e compliqué, c’est de jouer le jeu ; il parle beaucoup en métaphore, est très spirituel, et il faut comprendre ce qu’il veut. On ne peut pas parler de Ross et de ce qu’il nous a apporté sans digresser sur le côté psychologique de la chose. Ce que j’ai tendance à dire sur lui, c’est qu’il travaille dans la musique, mais pourrait tout aussi bien faire autre chose, en agissant de la même façon : pour lui, nous sommes tous là pour améliorer le monde, et un musicien doit soigner avec ses mots et sa musique.
Sur un des morceaux, l’un d’entre vous dit quelque chose comme « je donne, je suis vide ».
Yoann : C’est moi qui dis ça. C’est un peu l’anecdote du morceau ; effectivement, Mathieu dit « je n’ai pas de mot pour exprimer ça, donc… » et il se met à crier tout le long. Et je trouvais qu’il manquait quelque chose ; je bouillonnais dans mon coin et Ross m’a dit « va y, lâche-toi » et j’ai fait une impro en français en faisant malgré moi un bilan de ce que l’on avait vécu : « donner pour vous pour mieux recevoir », c’est en quelque sorte une boucle bouclée sur l’instant T. Et Ross qui ne comprenait pas le français a quand même trouvé qu’il se passait quelque chose, que c’était sincère et très émouvant ; ce qui était le but de tout cet album.
Scéniquement, vous avez également quelques particularités, qui se connaissent surtout depuis votre première partie avec Metallica ; l’on sait notamment que le chanteur ne se met pas face au public. Es-ce que vous avez désiré ce contre-pied ou était-ce un enchainement logique à préciser ?
Yoann : Il y a plusieurs raisons à cette disposition scénique. D’une part, l’on aime jouer en triangle, dans la mesure où nous communiquons en musique, mais aussi parce que nous partageons quelque chose ensemble. D’autre part, c’était une vraie volonté de Mika de ne pas être mis en avant, puisqu’il ne voyait pas de raison à ce que l’un soit plus en avant que l’autre. Et, pour revenir sur cette forme de triangle, du fait que l’on soit quand même dans une sorte d’énergie négative, on ne se voyait pas venir sur scène « salut, on adore Metallica *il imite la guitare* », ce n’était pas du tout représentatif de notre musique. Ce n’est pas contre le public, d’ailleurs : on présente toujours le concert comme un concert classique, on remercie beaucoup les gens, et on annonce surtout qu’on ne va pas parler entre les morceaux : d’ailleurs, Mika parle presque jamais, et il n’annonce jamais le concert. Mais, encore une fois, ce n’est absolument pas par mépris.
Tristan : On essaye d’habiller un peu la scène, cela dit, avec des peintures que Yoann fait, notamment, ne serait-ce que pour compenser le fait que nous soyons tous assis et un peu statiques, de ce fait.
Pour conclure, une date importante à annoncer, pour vous découvrir sur scène ?
Tristan : On sera en tournée française du 12 au 22 mai, avec une date au Nouveau Casino le 16 mai. Toutes les dates sont sur le MySpace. Puis, on enchainera avec l’étranger !
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Interview done by Elisa











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