Blacklodge

interview BlacklodgePour tout amateur de black-metal industriel, le groupe est vite devenu un sérieux espoir du genre à la sortie de "Login:SataN" son premier méfait, il y a 3 ans déjà. Leur nouvelle perle "Solarkult" à peine dans les bacs, impossible pour moi de résister à l'envie de reprendre contact en avril 2006 avec le roi de la défonce, Saint-Vincent (voix, guitares, électronique).

>Salut à toi Saint-Vincent. Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore Blacklodge, peux-tu nous présenter brièvement ton groupe ?
Blacklodge est né en 1998, des cendres d'un groupe underground qui officiait depuis 1994. Après trois démos, le premier album est sorti sur Blazing prods (Hollande) en 2003, intitulé "Login:SataN". Puis nous avons rejoint End All Life pour notre dernier album sorti début 2006, ">SolarKult<". Notre musique se présente sous l'étiquette "industrial black-metal", point de convergence entre l'agressivité sombre du black-metal et le potentiel hallucinatoire et froid des sons électroniques. Ceci n'est en aucun cas un énième qualificatif destiné aux catalogues de vpc qui ne savent plus quoi mettre pour différencier les différents types de groupes de black-metal. C'est un mouvement avec une identité distincte et un message original mêlant les considérations sataniques aux thématiques contemporaines.

>"Login:SataN" posait les bases de votre style. Es-tu satisfait des retours qui ont suivis sa sortie. Comment juges-tu le boulot effectué par Blazing prods ?
Blazing productions, en tant que petit label néerlandais, à fait un travail remarquable pour une première sortie. Après, évidement nous avons eu une promotion limitée, mais qui a néanmoins eu une couverture internationale. Cela nous a également permis de recevoir le soutien de nombreux groupes et magazines. Je suis satisfait de la réponse qu'a suscitée l'album, très contrastée. Il y a eu des personnes qui ont tout de suite accroché à notre message et notre musique, et d'autres qui ont totalement détesté notre entité. Album controversé, déboussolant les personnes qui ne peuvent concevoir un concept satanique sans croix renversée et clichés usuels du black-metal. Album subversif, avec une représentation de Satan réelle et crédible, loin des fantaisies rassurantes moyenâgeuse.

>"Solarkult" est donc votre second album, infiniment plus complexe et varié que "Login:SataN". Aussi bien au niveau des structures que vocalement puisque tu y explores un spectre vocal allant de vocaux purement black à des voix grandiloquentes rappelant Celtic Frost sur "Into The Pandemonium" jusqu' à même des vocalises qui ne dépareilleraient pas sur un bon vieux Judas Priest. Expliques-nous ta démarche actuelle ?
Je suis ravi que tu fasses des rapprochements avec "Into the Pandemonium" qui est une référence pour moi en matière d'audace créatrice, venant d'un groupe ayant eu un tel impact dans la scène black-metal. Je n'ai par contre pas la prétention d'établir un lien entre mon chant et le heavy-metal. La démarche qui a mené à cet album fut évidement différente de celle qui donna naissance à "Login:SataN". Au lieu d'une spontanéité chaotique, désorganisée soumise aux aléas de nos expériences et défonces, la rigueur et le fanatisme ont été de mise. Nous étions dirigés par un concept qui impliquait une rigide obsession, seule condition pour pouvoir aller aussi loin dans l'expérimentation sans perdre la face. Le premier mot d'ordre était : aucune limite, sauf celle de la cohérence. La meilleure image que nous avions était celle d'un gros trip sous acide, à savoir une multitude de sensations très diversifiées mais unies sous le caractère prophétique de l'expérience visionnaire. En tout cas, notre démarche est clairement indépendante de toutes limites accompagnant les dogmes du black-metal. Notre vision de Satan devait primer en permanence sur le choix de traits d'identité de ce style. Plus spécifiquement, les parties vocales ont été majoritairement improvisées en studio, et si les textes étaient déjà écrits, leur interprétation a été très ouverte au feeling des morceaux et à la façon dont ils étaient mis en valeur en studio. Cela permettait encore une plus grande liberté sur le spectre des possibilités, et une perte de contrôle contrastant avec la discipline automatique imposée par les samples.


>Le piège lorsqu'on compose avec des rythmes synthétiques est de proposer quelque chose d'horriblement linéaire. Or sur "Solarkult", c'est totalement l'inverse. Est-ce important de pouvoir proposer une musique foncièrement inédite ?
Le coté visionnaire de l'album se rattache naturellement à un gros trip. C'était important de faire une musique continuellement surprenante, quitte à perdre l'auditeur. C'est comme ça, t'as une montée d'acide il faut pas chercher des repères sinon t'es mort. Il faut plonger dedans. C'est dans cette optique permanente que les sons synthétiques ont été ajoutés. L'auditeur doit perdre le contrôle, perdre ses repères, pour se retrouver au milieu de visions délirantes. Mais toujours cohérentes, et cette cohérence fait l'identité de Blacklodge. Je pense que la volonté d'innover et d'aller contre les courants et codes établis est l'essence même du métal. Il est donc essentiel d'agresser les clichés black-metal et autres codes culturels métal, en même temps que de cracher à la face du monde. Seul contre tous.

>Comment se déroule justement le processus de composition au sein de Blacklodge ? Le trio entier y participe t'il ou es-tu le furieux despote responsable de tout ça ?
Je suis plutôt le furieux despote responsable. Je fais tout de A à Z. Néanmoins, les autres membres du groupe ont une influence plus importante qu'il n'y paraît. En effet, je me re-situe en permanence par rapport à leurs appréciations pour remettre en question chaque aspect de la musique et du concept. Cela permet de conserver une entité plus cohérente et plus forte, et m'évite de sombrer dans les gouffres incompréhensibles dans lesquels j'ai coutume de m'égarer. Le
interview Blacklodge travail de Silence, le guitariste, permet d'enrichir les harmoniques. Jessy, le bassiste, fréquente la scène hardtek underground. Son expérience joue sur la qualité des parties synthétiques et permet au groupe de dépasser le simple statut de "groupe de métal jouant avec des sons électroniques".

>Bien que parmi tes influences on peux clairement citer Aborym, Mysticum et Diabolicum, il est évident que tu n'écoutes pas que du black-metal. Y a t'il des trucs nouveaux que tu as découvert récemment qui auraient influencé ce nouvel opus, même si on sait que les goûts musicaux d'un individu se forgent très tôt ?
Et bien non, Aborym, Mysticum et Diabolicum ne sont pas mes influences. Ce sont des groupes que j'adore, mais ils n'ont pas participé à l'élaboration de l'esprit Blacklodge. On a fait notre chemin avec d'autres influences, et on s'est retrouvé à leurs cotés. Nous avons certes fait des clins d'oeil à Mysticum avec certaines sessions photos, car on reconnaît tout de même que ce sont les pionniers du genre, mélangeant le coté drug abuse et black-metal indus. Mais malgré ce que les gens pensent, le groupe qui a eu le plus d'influences dans notre volonté de mélanger le black-metal avec d'autres sonorités et un état d'esprit différent s'appellent Traumatic Voyage. Un vieux groupe munichois dont nous sommes fans depuis des années et que nous avons eu la chance de rencontrer il y a longtemps. Ce fut un moment fort qui a permis de canaliser notre créativité sur nos centres d'intérêts, librement. Sinon je ne vois pas d'oeuvres récentes qui auraient pu avoir un impact sur la création de cet album, à part quelques live hardtek, et encore leur impact doit se retrouver superficiellement dans la forme de certains sons. Effectivement, les goûts musicaux se forgent tôt. J'ai commencé très tôt à m'intéresser à la musique. J'étais personnellement intéressé par la scène house/électro des années 80 quand j'étais au collège, et je n'ai vraiment plongé dans le métal qu'a 14 ans. A onze ans j'écoutais des groupes crier "Ecstasy, Ecstasy", et j'étais loin de me douter que j'allais le faire moi même des années après ! Cela a du aider, plus que d'écouter Mysticum ou Aborym des années plus tard !

>Ce nouvel album a donc été enregistré par Necromorbus (Corpus Christii, Watain, Funeral Mist) dans son propre studio à Stockholm. Ça a été une bonne expérience de travailler avec lui ? Comment es-tu rentré en contact ?
Nous nous sommes rencontrés lors de la tournée avec Aborym et Corpus Christii car il était (et est toujours) batteur dans ce dernier groupe. Nous nous sommes revus plusieurs fois et à un festival en Allemagne il m'a proposé d'enregistrer le nouvel album. J'étais à priori sur d'autres pistes, mais il a vraiment montré beaucoup de motivation, ce qui a finit par me convaincre. De plus, il a montré de façon très claire qu'il avait assimilé le concept du groupe et qu'il pouvait vraiment apporter un plus à notre musique. Nous sommes aujourd'hui profondément satisfait de ce choix. Necromorbus a une oreille fantastique, et a fait preuve d'une grande créativité. Nous avons travaillé intensément sur l'album, et cette expérience nous a fait fortement progresser. Nous sommes également satisfait que Necromorbus ait pu se démarquer de ses productions black-metal habituelles, certes exceptionnelles (Funeral Mist, Watain, etc...) mais qui n'auraient pas forcément mis en valeur la musique de Blacklodge. Il le savait bien et a pris délibérément la direction inverse ; au final nous avons la touche et la qualité du studio Necromorbus avec la personnalité Blacklodge.

>J'ai lu que Necromorbus avait enregistré quelques parties de batterie pour "Solarkult". Comment est venue cette idée de mélanger beats techno-indus et batterie réelle ?
Ce n'était pas prévu au départ. Necromorbus a été vraiment enthousiaste pendant la production de l'album et a donné libre cours à sa créativité, ce qui a apporté énormément au son final de l'album. Un jour, il a voulu essayer de coller des plans de batterie sur certains passages, et il avait toute ma confiance alors je lui ai donné carte blanche. Le résultat nous a vraiment plus, alors on a approfondi le mix des deux sur certains passages, en laissant malgré tout l'avantage aux samples.

>End All Life est un label très estimé au sein de la scène black-metal, même s'il ne sort que très peu de productions. Pourquoi l'avoir rejoint ?
Nous étions tous deux motivés de travailler ensemble. De notre coté il était important d'avoir un label qui mette en valeur la dimension mystique de notre musique et sa portée idéologique. En cela l'esprit d'un label est très important ; de part ses signatures passées et sa méthode End All Life se présentait comme un excellent label pour Blacklodge.

>Revenons à l'album. Pourquoi ce titre "Solarkult" ? Quels sont les thèmes que tu y abordes textuellement ?
Le titre a été décidé bien avant même l'écriture de l'album lors d'un trip visionnaire et mystique à Tihuanaco, en Bolivie, sur les bords du lac Titicaca. Il s'est alors imposé à moi comme une mission dont je devais comprendre le sens au cours des années suivantes. Les thèmes abordés sont globalement de trois natures : tout d'abord l'avènement de l'apocalypse et de la destruction de l'humanité au travers de l'arrogance scientifique, et plus particulièrement la puissance nucléaire. Ensuite l'osmose mystique avec la connaissance interdite comme démarche Luciférienne par l'utilisation de drogues. Enfin le dépassement de soi allant d'un égocentrisme matériel à un individualisme religieux s'inscrivant dans une dynamique divine. Ces trois domaines se rejoignant dans la symbolique solaire, résumant la puissance nucléaire, l'individualisme et l'illumination visionnaire. Le soleil représentant le tout puissant oeil du Prince de ce monde s'incarnant pour conclure l'Histoire. S'opposant à la démarche suicidaire de "Login:SataN", accroc au néant, >SolarKult< est une expérience mystique, ésotérique,
interview Blacklodge typiquement lié à un satanisme post-moderne. Le Culte Solaire est une Apocalypse, dans le sens entier du terme grec.

>L' esthétique industrielle présente sur la pochette du cd te fascine t'elle ? Où est-ce plutôt ce qu'elle symbolise : asservissement des masses salariales, pollution… ?
C'est un tout. L'essence et la forme s'harmonisent pour rendre l'esthétique industrielle fascinante. Que cela soit reflété par l'arrogance policée de réalisations inhumaines ou le chaos effrayant de chaînes de production, cette esthétique renvoie aux éternels démons de l'humanité et aux visions apocalyptiques. Ces principes se manifestent effectivement plus subtilement au travers des conséquences de l'industrialisation comme l'asservissement des masses salariales et la pollution. Néanmoins je suis strict sur le vocabulaire utilisé dans notre démarche artistique. Ces termes ci renvoient tout de suite a des considérations politiques genre socialisme et écologie. Donc renvoient trop directement à l'homme et Blacklodge s'attache à regarder du coté de l'archétype, du symbole, au-delà de la vie. Notre musique donc focalise plus sur le processus, l'entité qui se manifestent dans tous ces mécanismes. Celui qui a tourné en dérision jusqu'à son nom pour mieux agir dans l'ombre, le Prince de ce monde.

>Ton avis sur le risque de pandémies sensées annihiler dans les années/siècles qui viennent une partie de l'humanité ?
Personnellement, je mise plus sur le nucléaire... mais tout ça va se mélanger. Je me méfie des fausses alertes, on a beaucoup parlé d'Ebola, et part un nombre relativement faible de morts et quelques films bidons il n'y a pas eu de conséquences si dramatiques. Maintenant la grippe aviaire, ça fait peur tous ces poulets malades, et ça occupe bien les gens. Vieille technique de manipulation des foules, servi juste avant le film qui détend l'atmosphère, je ne suis pas impressionné. Je prendrais la menace au sérieux quand ça fera plus mal. Cette thématique de pandémie est bien ancrée dans l'inconscient collectif, grâce à l'apocalypse remis au goût du jour version catastrophe mondiale inévitable. Mais je crois que le mal se manifeste là où il n'est pas attendu, ce qui est la base de sa puissance et de son indéniable génie artistique. Statistiquement, scientifiquement, il est SUR qu'une pandémie ravira prochainement la vedette à tout génocide récent. Quand ?

>Parle-nous de ton usage des drogues. Est ce chez toi un loisir ? Un moyen d'ouvrir des portes inconnues ? Ou alors appréhendes-tu ta consommation comme une espèce de rituel religieux ?
La consommation de stupéfiants représente actuellement pour moi un rituel religieux. Je prends extrêmement soin de ritualiser cette démarche, mais même lorsqu'elle est spontanée et chaotique j'en garde toujours un souvenir symbolique fort. Il est parfait difficile voir futile de tenter d'inscrire un rituel quand tu prends des prods dans une soirée avec des amis que tu vois en coup de vent. Néanmoins les rituels de préparation et d'absorption, même furtifs, laissent une trace durable et religieuse dans l'esprit, comme un flash transcendant qui dépasse la simple expérience et te mets en communion directe avec une sphère de réalité profonde et divine. Mes premières expériences dans ce domaine étaient motivées par le plaisir du vertige, du danger et de l'instantanéité de la transcendance. Maintenant avec les années je dois dire que je me concentre plus sur l'exploration d'un champ émotionnel parallèle. Et là dans l'inconnu, où peu osent s'aventurer, une rencontre improbable : le Maître de tout. Ils parlent de Satan. Sous l'influence de stupéfiants je L'ai vu. Et Il m'a parlé.

>Gardes-tu un bon souvenir des concerts avec Aborym ? On connaît l'avis réfractaire de certains black-metalleux, arguant le fait qu'une communion en public de cette musique misanthropique est un paradoxe total. Est-ce une expérience que tu retenteras prochainement ?
Je garde un très bon souvenir effectivement. Nous avons eu un très bon contact avec Aborym, et je pense qu'il y a eu une vraie osmose avec eux. De plus nous avons passé des moments forts avec Attila, qui était pour nous une figure forte puisqu'on écoutait "De Mysteris..." depuis des années. Chaos, désordre, tout ça toujours dans l'extrême que l'on imagine avec les sujets favoris des deux groupes, sans faire de dessin. Par rapport aux considérations sur la compatibilité entre ce genre de musique et les live : je respecte parfaitement les groupes qui décident de ne pas jouer pour préserver une certaine aura autour de leur musique. Mais je méprise les groupes qui critiquent les concerts black-metal alors qu'en fait ils sont tout simplement incapables eux même de jouer sur scène, ou alors manquent cruellement de charisme. L'argument misanthropique valait quelque chose à l'époque des Black Legions, quand le black-metal avait besoin de se couper plus radicalement des habituels concerts métal bière, potes, stage-diving. Mais maintenant je trouve l'argument un peu réchauffé. Où est le paradoxe ? On ne fait pas la bise à tout le monde à la fin de nos concerts. Et puis, contrairement à la plupart des groupes de black-metal, quand Blacklodge arrive sur scène c'est la guerre. Dès que nous lançons les premiers beats le public s'insurge et s'indigne, seuls les initiés profitent alors de notre prestation. Nous recommencerons à jouer dans les prochains mois. Entreprise très difficile étant donné la complexité des nouveaux morceaux, ce qui ne fait que rendre le défi plus intéressant.

>Qu'en est-il de The Arrival of Satan ? Penses-tu sortir un successeur à "Darkness Dealer" ? Je te laisse les mots de la fin, merci à toi…
Je suis pour l'instant bien trop occupé avec Blacklodge. Cependant je pense qu'il y aura un second album de TAOS... si nous trouvons un label qui me fera oublier la très mauvaise expérience Sacral productions. Merci pour ton soutien.




www.loginsatan.org
[email protected]
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Interview done by DJ In Extremis

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TECHNOTHERMIDOR - 09 Lipiec 2013: Merci pour cette interview de mon groupe préféré : BLACKLODGE !!! J'aimerais beaucoup parler avec eux de musique, de leurs influences, et surtout de chamanisme, d'univers parallèles, et de drogues...
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