FT-17 : Verdun!

Black Metal / France
(2018 - Self-Released)
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Lyrics

1. PRINTEMPS SUR LA MEUSE

Landrecourt, région fortifiée de Verdun, 4 mai 1916,

Verdun !
En ce lieu symbolique qui vit les petits-fils de Charlemagne se partager l'empire se déroule une lutte sans merci entre les deux pays héritiers de l'illustre carolingien.

Je me souviens encore du déclenchement de l'offensive allemande le 21 février dernier.
Nous avions senti la terre trembler jusqu'au chemin des Dames où nous nous trouvions.
Chacun avait alors pressenti q'un événement terrible était en cours.

Et maintenant c'est à notre tour de défendre ce symbole. Les visages sont graves, même ceux des vétérans de la Marne.
Un étrange mélange de crainte et d'humilité nous empreint.
La simple évocation de Vaux, de Douaumont, du Mort-Homme, de la côte 304 ou de la ferme de Thiaumont imposent le respect.

C'est à Vaux justement que nous serons en première ligne demain.
J'essaie de me composer une mine sereine en façade pour rassurer les gars de mon bataillon, mais je dois bien avouer que je n'en mène pas large.

Alors je m'occupe l'esprit en écrivant des lettres devant un panorama surréaliste :
Le ciel rempli d'aéroplanes et de saucisses d'observation, la route où serpente un convoi de ravitaillement sans fin, la voie ferrée qui déverse des montagnes d'obus et un pays rempli de fantômes en uniforme.

Demain, nous rentrerons dans l'histoire...


2. LA MONTEE AUX ENFERS

Le crépuscule tombe sur la Meuse
Et sur cette route tortueuse
La colonne monte en silence.
On croise des silhouettes inhumaines
De gars qui en reviennent
Comme vidés de leur substance.

Sous les étoiles tragédiennes
Des attelages d'artillerie qui peinent
Dans un fracas nous dépassent.
Et le régiment continue
De fatigue et de soif perclus
En ressassant ses angoisses.

L'horizon crépite sous le froid vent du sud
qui étouffe les bruits des combats et accable un peu plus les hommes.
Sur le plateau, l'orage industriel fait luire les nuages sous l'oeil
goguenard de la lune qui nous expose plus qu'elle n'éclaire.
On marche toujours dépassant des cuisines roulantes,
dépassés par des camions exténués.
Mais voici le boyau, point de départ du labyrinthe qui vient :
Colonne par un !

155 qui déchirent l'air
Fin du boyau maintenant que faire ?
Le moral des gars déjà s'étiole
On sort les cartes et la boussole
Là en avant ! Ce monticule !
Les cris d'acier qui nous stimulent
Course effrénée irréfrénée.

Dans cette immense désolation
Les cadavres en décomposition
Souillent la moindre flaque d'eau
Soudain le ciel s'illumine
Tirs de barrage qui fulminent
On court encore sauver notre peau.

Et dans la lumière
De l'aube qui s'était levée
Un monceau de pierre
Le fort de Vaux s'est dessiné
Et ce lopin de terre,
Sera notre coin de guerre... maintenant.


3. LE TERRIBLE ENTERRE

Heureux ceux qui verront luire l'aube du 8 mai.

Recroquevillés dans leurs terriers
Creusés en hâte dans le flanc des tranchées
Ils attendent.
écrasés de sommeil, abrutis par les bombes
Ils attendent la mort dans ces tombes qu'ils défendent.

Torrents de fumée, arbres déchirés
Hurlant à la mort, les gaz reviennent.
Masque sur le nez, dans leur niche collés
Laissant passer l'orage, les gars tiennent.

Nuées d'obus qui le ciel fendent
Les batteries allemandes
Se déchaînent.
Orage de feu interminable
éclats abominables
Qui s'enchaînent.

Dans notre bulle, la soif nous brûle,
L'impuissance nous étreint, nous empreint,
Et les heures passent dans cette angoisse
La mort m'attendra... pour cette fois.

Au terme de cette journée funeste,
Les boches préparent un assaut imminent.
Au fort de Tavannes, pilonné par des 420,
Le commandant a été tué dans l'explosion du magasin de grenades.
Il va falloir aller chercher les renforts au tunnel...


4. LE TUNNEL DE TAVANNES

Des tranchées de Vaux jusqu'au tunnel de Tavannes
Une course effrénée, trompe la mort à chaque instant
Deux bornes à défier la faucheuse qui ricane
Bruyamment.
Quittant les boyaux pour sauter dans les cratères
A chaque obus qui tombe, je m'écrase et serre les dents
Priant quelques secondes pour que là il ne m'enterre
En explosant.

Là un rien t'achève,
Ici c'est cours ou crève.

Des tas de cadavres gisent dans les frontières
Qui pourrissent ici depuis on ne sait quand
Le secteur entier est un immense cimetière,
Déchirant.

Les accalmies sont brèves,
Ici c'est cours ou crève.

Soudain, à demi-enterré par les tirs incessants,
L'entrée du tunnel se profile au fond d'un ravin encaissé,
gueule béante de quelque pitoyable chimère.
Manquant de tomber sur la pente crevée par les cratères,
enjambant les cadavres, j'arrive enfin là où s'abrite la misère.

Dans le tunnel de Tavannes
Suspendus hors du temps
Errent des fantômes diaphanes
Inquiétants.
Dans cet abri illusoire
Pilonné par les allemands
On peut à peine se mouvoir
Prudemment.

Et ça sent la sueur et la merde
Ca pue l'éther et le sang
Et autres effluves fétides qui se perdent
(En passant.)
Il y a le toit qui vibre sous les bombardements
Qui peut bien s'écrouler à n'importe quel moment
Mais la misère sous sa voûte s'en fiche maintenant.
Il y a des gars qui crèvent à côté des obus
Des munitions qui traînent dans des caisses suspendues
Au milieu de types qui fument insouciants.
Il y a de l'eau qui ruisselle sur les câbles électriques
Qui tranchent l'obscurité d'une lumière colérique
Et dans ce cloaque je m'écroule inconscient.


5. LE MARTEAU APRES L'ENCLUME

Haudainville, 15 mai 1916

Le soleil de mai éclaire les bords de Meuse, mais ici personne ne profite de ses deux jours de repos.
Le bataillon est éparpillé dans un parc au beau milieu d'un village fantôme que ses habitants ont fui depuis belle lurette.
Les gars sont exténués, ceux qui ne sont pas blessés sont terrassés par la fièvre et la dysenterie.
Certains sirotent leur café le regard dans le vague, d'autres sombrent dans un sommeil agité, quelques uns écrivent des lettres presque machinalement.
On dirait des automates, c'est comme si leur âme était restée aux abords du fort de Vaux.
Et dès ce soir retour au front pour garder les tranchées à la ferme de Thiaumont...

Pour ma part, le front attendra puisque je viens d'être provisoirement affecté à la 5ème D.I. pour l'assaut qu'elle va mener visant à reprendre le fort de Douaumont.
Après avoir subi impuissant les bombardements allemands, j'avoue encore préférer l'attaque, aussi risquée soit-elle.
Espérons qu'elle soit couronnée de succès...

6. LA PIECE DU BOUCHER

Sur des caisses de munitions
En guise de table de réunion
Le commandant nous expose
Ce qui sur le bataillon repose
Pour l'assaut imminent
Objectif éminent.

Plan d'attaque coordonnée
C'est la pièce du boucher
A l'assaut nous marcherons
Pour reprendre Douaumont.
De la fausse côte à la Morchée
Division alignée
Prête pour un fameux dessein
Le projet de Mangin.

Notre rôle sera décisif
A la gauche du dispositif
La Morchée reprendrons
L'ouest du fort sécuriserons
Dès la fin des tirs d'artillerie
Le 22 à midi.

Plan d'attaque recomposé
C'est la pièce du boucher
Avec une seule division
Pour reprendre Douaumont.
Voltigeurs et grenadiers
Sapeurs et fusilleurs
S'élanceront bravement
Déloger les allemands.

La 5ème D.I. qui m'entourait connaissait le terrain.
Cette expertise et leur détermination serait à coup sûr décisifs dans la bataille qui s'annonçait.
Mais serions-nous assez nombreux pour l'emporter ?

Plan d'attaque coordonnée
C'est la pièce du boucher
A l'assaut nous marcherons
Pour reprendre Douaumont.

D'Hauteville à la Morchée
Division alignée
Prête pour un funeste dessein
Le projet de Mangin.

Cet assaut d'ampleur
Ce grand coup d'épée
Semblait prometteur
Là sur le papier.


7. LA RELEVE DU 57è

Par une triste ironie du sort
Nous allons relever le Terrible.
Avant de libérer le fort,
On marche en ces lieux indicibles,
Perdus dans ce décor
On avance vers la mort.

On traverse des masses de décombres
Fossés ruinés remplis de cadavres
On aperçoit enfin des ombres
Sortant de trous, bien précaires havres,
Ils font un ultime effort :
Accueillir ce renfort.

Les obus pleuvent, duel d'artillerie
La mort active sa machinerie
Un souffle court, une explosion
La terre qui tremble, la confusion
Ca vient de chez nous, sonnez l'alerte !
Fusées vertes !
Les parallèles déjà comblées
Qu'il va falloir encore creuser
Pour les sapeurs, travaux d'Hercule
Il faut faire vite, on se bouscule
Une masse noire à l'horizon
Nous toise de haut c'est Douaumont.

Les boches sont à quelques mètres
Terrés dans nos anciennes tranchées
Qu'on doit maintenant réattaquer.
A zéro sur leur trouillomètre
Eux aussi dans le pétrin
On verra bien demain...


8. ASSAUT AU BOUT DE LA TRANCHEE DU DIABLE

Attaque !
Sur la détente le doigt crispé
Progression confuse.
Partout on entend
Les mitrailleuses crépiter
Et les balles qui fusent.

Déjà on tombe
Le sang abreuve les fossés.
Une hécatombe
Pour reprendre une seule tranchée.

Grenades !
Enfin l'ennemi est repoussé
Des dizaines se rendent.
Là-bas
Dans la poussière et la fumée
Les batteries allemandes.

Alors on charge
Encore une fois machinalement.
Ici on charge
Vers l'objectif difficilement.

Avec des troupes éprouvées
L'encadrement décapité
Après des heures nous débouchons.
Ce panorama ravagé
La contrescarpe et les fossés
C'est le coin nord de Douaumont.


9. ADOSSE A DOUAUMONT

Lutte acharnée à l'ouest du fort
Les mitrailles en enfilade nous écharpent
On vient poursuivre la lutte à mort
De ce coté de la contrescarpe.

Une grêle de projectiles
Un orage de feu
L'escouade mutilent
D'un vent vigoureux.
On n'est pas cinquante
Tu parles d'un renfort
Sur la terre sanglante
On marche sur les morts.

Ici ou là les gars s'accrochent
On contrôle presque la superstructure
Un peu plus bas se terrent les boches
Bien à l'abri derrière les murs.

Un feu nourri
Nous cloue au sol
Nous abrutit
Et nous désole.
Et les sapeurs
Creusent avec ardeur.
Quelques tranchées
Improvisées.

En équilibre au point de rupture
Dans les deux camps les hommes combattent
Des dizaines tombent pour la capture
D'une position ou d'une casemate.

Minenwerfers.
Qui nous pilonent
Dans cette horreur
Nous emprisonnent.
Impitoyable opposition
On tient quand même nos positions.

Sur le toit de ce monde on lutte avec ardeur
On a faim, on a soif, on oublie d'avoir peur
Les contre-attaques ennemies une à une se brisent
Mais les chances de succès peu à peu s'amenuisent.

Après des heures d'efforts pour pouvoir conserver
Ce cercueil de béton qu'on essaie de forcer
On envoie des grenades, on tire sans s'arrêter
Et partout s'amoncellent les morts et les blessés.


10. AU FOND DU TROU

Les heures passent sur le fort et les combats acharnés
Privés de tout renfort on tire sans discontinuer
Ici on crève dans l'entonnoir
Avec le temps l'abnégation remplace l'espoir.
Au fond d'un trou putride on repousse vague après vague
De moins en moins lucides comme les boches que l'on alpague
On meurt ensemble, on serre les rangs
Les balles nous manquent on est bien plus morts que vivants.

La soif nous brûle, la faim nous ronge
La dysenterie notre mal prolonge
Point de répit dans ces enchères
Point de survie dans cet enfer.
On pille les corps pour subsister
On perd encore l'humanité
On peut mourir à chaque seconde
Ou bien pourrir si loin du monde.

Depuis des heures maintenant l'assaut est agonisant
Noyé sur la structure par une pluie de tirs fusants
Dans cet orage on sert les dents
Et on crache nos poumons sous les gaz irritants.
On n'est plus qu'une poignée, quelques rares survivants
Un unique officier, trois caporaux deux sergents
On lutte encore dans abattoir
Allant puiser dans l'énergie du désespoir

On est maintenant presque encerclés
Les boches nous pressent de trois côtés
Dans ce saillant, cibles faciles
Même si vaillants on est fragiles.
Après deux jours et une nuit
Pas d'autre choix que le repli
On y consent sans l'avaler
On redescend désemparés.

En traînant les blessés, on se replie la mort dans l'âme
En laissant derrière nous nos tranchées, nos trous infâmes
Les jambes nous lâchent, On n'en peut plus
La volonté seule laisse entrevoir le salut.

On traîne notre misère sur la distance qui sépare
La carapace du fort de notre point de départ
On pleure de rage, On pisse le sang
L'assaut se clôt sur un échec retentissant.

Après deux jours d'un combat âpre et sans merci et 75% des pertes, retour au point de départ.
On enrage, on se désole, on résigne.

Et dans un pré de Landrecourt
On vit passer au petit jour
La lente procession des revenants de l'enfer
Enfin c'était la fin de leur misère
Alors dès la roulante ils s'écroulent.
D'étranges silhouettes de boue hagardes
Se dirigent comme par mégarde
Par groupes de trois ou quatre en train de s'entraider
Traînards qui pouvaient à peine se traîner
Verdun à jamais les avait marqués.

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