1. BROUILLARD

La fatalité s'asseoir et observer les choses qui s'effondrent ravaler des hurlements qui résonnent dans les tripes et s'épuisent à rebondir dans le vide étouffer des larmes de colère et d'impuissance qui abreuvent des sols inertes aussi vaines que la taille d'un arbre mort arroser des champs de caillasses cultiver des murailles jour après jour construire la destruction attendre l'échec au pied du mât et n'être jamais prête grimer au sommet pour la énième dernière fois prendre son élan et s'écraser sans s'habituer à la douleur jamais.


2. BROUILLARD

La déception toujours plus immense plus intense avoir cru être tout et n'être que des clous plantée là à tenter d'étancher le trou qui se creuse le vide qui s'abreuve construire des murs qui se tartinent de merde pendant que je passe derrière je voulais tant que tout reste propre immaculé et parfait je voulais peindre à l'encre et la terre un décor nouveau un horizon qu'on regarde ensemble et dont la beauté nous appartient rien qu'à nous je voulais tant un refuge où m'enfuir loin du monde finalement c'est moi que je fuis moi l'immonde moi je voulais que ce soit l'amour de ma vie je voulais me décomposer dans ses bras pour ne pas avoir à composer sans lui que ferais-je désormais sur la Terre sinon y traîner ma carcasse du matin jusqu'au soir jusqu'à la mort.


3. BROUILLARD

Le gâchis je croyais tant qu'il était au-dessus quand il brassait du vent plus haut que son cul je le pensais plus grand que tout le reste mais il n'était que plus gros car empli de bassesse j'ai vraiment cru qu'il était fidèle quand il planquait juste ses proies sous ses ailes je l'ai pris pour un grand corbeau mais c'était juste un grossier tourtereau j'ai vraiment cru qu'il était spécial un oiseau rare qui porte la flamme et sa chance chérit pour finir c'est un cas banal un pigeon des gares qui trompe sa femme et chie dans son nid finalement c'est juste un homme parmi les autres une déception de plus finalement il est juste humain bassement humain c'est juste un humain un abject humain un ignoble humain.


4. BROUILLARD

La rancœur les fruits gâtés et les fleurs pas nées, les poisons qu'on exulte à son insu devant les déserts d'empathie des chagrins noyés dans le vin rance pour des mots assassins de plus en plus intenses la rancœur au fond du bide l'aigreur et les relents acides qui rampent et s'insinuent partout dans les tempes et les sinus le temps abîmé dans la laideur des souvenirs les ulcères perdus qui veulent pas guérir la colère périmée aux reflux amers la merde séchée qui fait partie du décor les promesses tâchées les "à la vie à la mort" l'angoisse qui me rattrape dans chaque trace et chaque remords je t'aime pourquoi tu me testes encore j'ai signé je reste ton sort c'est mon sort au bord du précipice je vois bien le néant qui m'aspire mais je ne peux pas sauter sans toi je souffre mais je me me noie je suis lucide jusqu'à la moelle c'est le gouffre ou la noyade quitte-moi ou je tombe avec toi pourquoi tu me retiens tu vas m'entraîner dans ta chute avec un plaisir malsain il faut que je m'ampute lâche-moi ou achève-moi quitte-moi ou je me noie avec toi.