Prenez un groupe de thrash débutant comme
Toxik, formé en 1985 sous le nom de Tokyo, et demandez-lui de jouer l’intégralité de son album sous un chapiteau. Vous obtiendrez sans aucun doute le même résultat que l’illustration d’Ed Repka figurant sur cette pochette, à savoir une fission garantie de l’atome et une réaction en chaine conduisant à une explosion nucléaire. Quasi visionnaire si l’on se réfère aux tragiques incidents de sinistre mémoire en mars 2011 au Japon.
Après s’être séparés de leur bassiste et batteur originels, Lee Erwin et Sal Dabado, ce dernier s’étant vu offrir la chance de tourner avec
Twisted « fuc***g »
Sister, Josh Christian et Michael Sanders, respectivement guitariste-compositeur et chanteur, s’enferment au cours de l’année 1987 avec Brian Bonini et
Tad Leger, successeurs désignés à la quatre cordes et aux fûts, aux fameux Morrisound Studios de Floride sous la houlette de Tom Morris. Le fruit de cette collaboration, produite par la jeune compagnie Roadrunner Records, accouche d’une véritable déflagration sonore.
Difficile en effet de résister à cet assaut de décibels et à ce tsunami de riffs thrash. L’énergie débordante du jeune quartette laisse songeur et groggy après une simple première écoute.
Le son particulièrement compact délivre la puissance attendue à des compositions agressives, issues d’un savant compromis entre la fougue dévastatrice de
Nuclear Assault, la puissance imaginative de
Metal Church et la rapidité d’exécution des speed-freaks de la Bay
Area.
Techniquement, la patte de Josh Christian illumine un ensemble varié de riffing mélodiques et rageurs dont la dominante reste la recherche de vitesse permanente («
Heart Attack », « Door to
Hell », «
World Circus », « False Prophets », «
Victims »). Lorsqu’il ralentit la cadence, les morceaux flirtent vers le mosh-core à la
Anthrax (« Social
Overload »), le techno-thrash sublimé par les digressions de sa six-cordes («
Voices ») ou le contretemps énervé et lourd («
Pain and
Misery »). Les bases classiques de Josh transpercent «
Haunted Earth » avec un incroyable mélange d’influences West and East coasts. Son attirance naturelle à l’écriture de trames rythmiques coup de poing ne l’exempte pas de bons soli Friedmanien parfois en shred (« Door to
Hell ») ou en tapping («
World Circus »), mais rarement démonstratif si ce n’est sur « 47 seconds of Sanity/Count your Blessings » ou le title-track, sur lequel il envoie la nitroglycérine dès les premiers instants. On se retrouve souvent au beau milieu d’une piste aux étoiles dévastée («
World Circus ») ou à la merci d’attaques en piqué (« False Prophets ») avant de succomber sous l’euphorie asphyxiante et bourdonnante de sa guitare («
Victims »).
Planqué derrière les sacs de sable, casque lourd sur la tête, l’auditeur ne trouvera pourtant aucun répit sous le pilonnage monstrueux de la section basse / batterie des compères Brian Bonini et
Tad Leger. Ce dernier porte d’ailleurs bien mal son patronyme tant il cogne comme un forcené sur ses peaux (« Social
Overload », «
Pain and
Misery », «
Voices », « False Prophets », «
Haunted Earth ») ou martyrise sa double grosse-caisse («
Heart Attack », « 47 seconds of Sanity/Count your Blessings », « Door to
Hell »). Les confins du cosmos sont atteints à la vitesse interstellaire en parfaite communion avec le clone de Danny Lilker qui tient la basse sur les brulots implacables et vertigineux que sont «
World Circus » et «
Victims ». Leur association diabolique propulse chaque chanson au cœur d’un cyclone de décibels et de vélocité maitrisée. La cadence infernale que Brian Bonini impose sur la plupart des titres apporte une coloration thrash-core saisissante (« Social
Overload », «
Voices », « Door to
Hell », « False Prophets », «
Haunted Earth »). Pour le reste, il donne un pouls de tachycardie aux compositions de cette bande de fous furieux, transformée en une hydre d’apocalypse à huit bras.
Côté chant, ou disons vocaux, la copie de Mike Sanders se met au diapason de la déferlante. Il bombarde nos tympans déjà fragilisés par ses collègues musiciens de sa voix stridente assez en vogue à l’époque. Son timbre conjugue le coffre de
Lizzy Borden et la montée dans les aigus de John Cyriis. On distingue parfois de manière plus posé son organe sur certains couplets («
Pain and
Misery », « Count your Blessings ») même s’il quitte rarement les cimes stratosphériques, sans tomber fort heureusement dans le suraigu inaudible. Car le garçon a du souffle et tient la longueur de la note sans broncher.
En conclusion, voici une première livraison hallucinante des New-Yorkais de
Toxik avec dix titres courts et gorgés d’isotopes radioactifs. Ils rejoignent la troupe grandissante des combos prometteurs de la mouvance thrash-speed technique. Aucun risque d’encéphalogramme plat avec eux tant leur musique saurait réveiller un mort. A se glisser entre les oreilles avec les précautions d’usage : toxique à forte dose…
Didier – Février 2014
Oh but
God will save us all
And if you believe you’re a fool and surely will fall to the
World Circus
Les deux albums, devenus difficilement trouvables, étaient dispo en réédition CD sur le stand, du coup hop ! Dans la popoche !
Voilà, y'a plus qu'à, et je sens que je ne vais pas être déçu.
Merci pour la kro ! :)
Oui incontestablement une bien belle apparition de ce Fall of Summer et ce groupe de Thrash atypique n'a pas perdu sa verve ! Si je ne me trompe, ce disque World Circus est largement supérieur au suivant.
Je n'ai pas encore attaqué le suivant, mais celui-ci est vraiment de très, mais alors très, bonne tenue : une sorte de mixe parfait entre Nuclear Assault et le Anthrax de la grande époque, voire un peu de Sanctuary pour les envolées vocales du chanteur. Tout à fait le genre de Thrash que j'adore.
Si son successeur n'est qu'à moitié aussi bon, ça sera encore largement au-dessus de la moyenne ! :)
Du coup, j'en arrive à regretter de ne pas avoir pris le EP par la même occasion… (10 € en vente directe pour 3 chansons, ça m'avait paru un peu reuch' sur le coup, mais j'aurais du finalement !).
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