Il a certains groupes qui changent la face de la musique.
The Dillinger Escape Plan en fait partie.
Si le troisième millénaire est logiquement une période peu enclin au développant des pionniers, le principal ayant déjà vu le jour,
The Dillinger Escape Plan fait partie de cette génération de surdoués musicaux qui ont eu cette idée pourtant saugrenue d’intellectualiser au maximum la brutalité et la schizophrénie musicale.
Cependant, qui dit pionnier dit suiveurs…et ceux-ci plurent par centaines, par milliers même. Mais dans un genre où la brutalité se liait à une folie incroyablement bordélique et une technique inimitable faisant de chaque morceau une merveille de déstructuration et d’anticonformisme, la conformité de cette nouvelle différence rendit rapidement indigeste les modestes suiveurs.
Dans cette horde que l’on nomma hâtivement le mathcore (oh douce folie des étiquettes…), un groupe fit une énorme percé avec son second opus "Elementary" :
The End. Largement plus mélancolique, désespéré et probablement moins fou mais encore plus torturé, les canadiens trouvèrent une personnalité propre dans un genre commençant déjà à devenir un vulgaire phénomène de mode.
Cependant, le groupe, avant de faire des vagues, sortie en 2004, l’année du mythique "Miss
Machine", un premier opus répondant au nom de "Within Dividia", véritable folie furieuse de trente-trois minutes, incarnation totale du chaos intellectuel et de la démence psychologique.
Présenté dans un sublime digipack s’ouvrant en quatre volets aux illustrations nostalgiques et torturées ainsi qu’un livret se dépliant en poster,
The End, ayant fait succomber Relapse, se pose en personnalité atypique.
Fortement plus proche de TDEP sur ce premier essai destructeur,
The End est avant tout une voix extraordinaire : celle de Aaron Wolff.
Les huit morceaux ne s’embarrassent pour la plupart pas de structures concrètes et voguent là où l’émotion les porte, bien souvent dans l’antichambre de la douleur, de la souffrance et de la haine. "These Walls" ouvre le bal dans une brutalité innommable, dévoilant le jeu de batterie monstrueux et tentaculaire d’Anthony Salajko et surtout ces riffs tranchant, latents, parfois presque atmosphériques qui jouent avec nos nerfs à aller là où bon leur semble.
Des intermèdes presque sludge se pose en plein milieu de la composition, toujours surmonté de ces hurlements d’écorchés vifs, emplis de terreur et de souffrance psychologique.
Cependant, s’il n’en tenait que cela,
The End ne serait rien de plus qu’un multiple ersatz de la nouvelle vague, or, il n’en est rien. Les canadiens travaillent leurs atmosphères, le piège se referme rapidement, l’auditeur ne sait plus où il est…il prend peur, les repères s’évanouissent. Evoquer "The Sense of
Reverence" semble l’évidence même…à travers un labyrinthe d’arpèges, de sons tous plus malsains les uns que les autres, de passages propres à l’ambiant, d’accords sifflés et de montées en puissances soudaines (ces incroyables descentes de toms), la tension grimpe progressivement. Elle monte, semble à bord de nerfs, prête à exploser…elle explose…sur "The Scent of Elegance" et son hurlement initial.
L’impression d’écouter un énorme bordel sonore, un capharnaüm complet est récurrent lors des premières écoutes tant les points de repères sont inexistants. Tout n’est que chaos, dépravation, hurlement et violence ; à l’égal des cerveaux visiblement dérangés et malades des canadiens fous. Il en devient difficile d’en retirer des morceaux en particulier tant l’album forme un ensemble cohérent d’à peine plus d’une demi-heure. L’encore plus extrême "Dear
Martyr" pourrait presque devenir le chantre de la brutalité du disque, tant la furie qui s’en dégage est d’une intensité incroyable, que ce soit à travers des blats inhumains, des cris terrorisants où les cassures rythmiques malsaines s’imbriquant dans le cerveau pour faire ressurgir une violence tout ce qu’il y a de plus forte la seconde suivante.
Si "
Orthodox Unparalleled" calme le jeu, comme une longue plongée dans la démence, lente évolution vers la chute infinie menant au dieu folie, "Of
Fist and
Flame" se termine dans une orgie de violence purement jouissive, une hystérie se faisant collective et une presque fascination par l’impression dégagée.
L’impression ? Quelle impression ? Celle de se retrouver dans la tête d’un dégénéré mental ? Dans l’esprit d’un profond aliéné ? D’entrevoir les schémas que peuvent percevoir les hommes les plus fous ? Ou simplement la fascination de voir jusqu’où nous pouvons être cinglés et excessifs ? Jusqu’où l’être humain peut-il aller dans ses excès…probablement un peu de tout ça, et bien plus encore.
Within Dividia n’est pas encore révolutionnaire, mais il annonce les bases de ce qui s’annonce comme immense…les premières pierres d’un édifice appelé à devenir monument sacré.
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