Comment décrire une émotion ?
C’est un véritable exercice de style que d’expliquer ce que l’on ressent véritablement au plus profond de nous, et encore plus lorsque cette émotion vient d’un élément aussi imagé que la musique.
Il est vrai que la véritable émotion est aujourd’hui rare dans l'art musical. Peu peuvent se vanter de faire déverser un torrent de larmes sur l’auditeur ou à provoquer un malaise en lui.
The End fait partie de cette liste infime de groupe qui aura provoqué en moi une sensation totale de perte de contrôle.
Originaire du Canada, ce jeune quintet, sortant avec
Elementary son second album, m’aura simplement collé une des plus grosse gifle musicale de mon existence (de plus car je ne m’y attendais vraiment pas !).
Sa musique se situe tel un électron libre à la frontière de bien des genres pour finalement former une réelle identité : la leur !
The End ne fait pas dans la musique accessible, son art parait de prime plutôt opaque. A l’instar d’albums comme catch 33 (
Meshuggah) ou
Alien (
Strapping Young Lad), le sentiment d’absence totale de logique est déstabilisant au début. Les morceaux proposent des cassures musicales incongrues et forment presque des titres dans les titres. L’ascendant de la musique sur l’auditeur devient total après quelques écoutes, qui se font de plus en plus passionnante avec le temps.
The End s’empare de vous, vous traque et prend aux tripes pour ne jamais vraiment vous relâcher, il vous entraine dans un flot continue d’émotions souvent contradictoires qui ne pourra vous laisser de marbre.
Mais à l’inverse des groupes susnommés, la musique s’articule ici autour du chant (non pas que la musique soit inintéressante, loin de là, mais l’on sent que les atmosphères développées sont créées de sorte de mettre en avant la voix), torturé et fascinant, de Aaron Wolff. Sa performance est incroyable de bout en bout et l’on peut affirmer, sans trop prendre de risque, que la réussite de l’album repose en partie sur ses épaules. Emplie de désespoir et de souffrance (ni de haine ou de colère, le concept diffère également de beaucoup d’autres groupes), sa voix n’est que merveille et porteuse de sentiments très forts.
À la fois hurlé («
Dangerous », « Animals ») ou claire (« The never ever aftermath »), ses vocalises font toujours mouche et détruisent complètement les barrières émotionnelles de l’auditeur pour le toucher au plus profond de son cœur, grâce à une sincérité de tous les instants.
Très technique, la musique développe quand à elle des structures anticonformistes et originales, inspirées autant du core que du rock. Un titre comme « The never ever aftermath » résume la teneur extraordinaire de l’album. Un départ presque rock mais très syncopé (le batteur semble toujours en décalage, provoquant continuellement ce sentiment justement de perte de contrôle) avec le chant de Aaron susurré et mélancolique, pour finalement hurler un désespoir poignant sur un break incroyablement original.
Je pourrais parler de ce disque pendant des pages tant il m’a inspiré. Écouter un morceau aussi saisissant que « Throwing thrones » ou « My abyss » et vous comprendrez. Comment rester impassible face à cette souffrance ambiante ? Sur ce premier titre, le chant sur le refrain est d’une force impressionnante, on ressent tant la douleur que les expériences les plus douloureuses de votre vie ne pourront que ressurgir en plein visage.
Et puis-je passer sous silence le phénoménal « In detress », donnant suite à un étrange instrumental répondant au nom parfaitement approprié de « A feel wind » où seuls des effets jalonnent le titre. « In… » développe une violence dérangeante et une créativité peu commune pour un si jeune groupe, un véritable vivier de nouveautés, que ce soit dans les vocaux ou dans ce riff d’intro proprement génial et original (et dérangeant).
Les canadiens tirent leur révérence sur un bouleversant «
And always… » ; long morceau de neuf minutes où le désespoir se fait mélancolie pour un final saisissant aux solos déchirants. La guitare acoustique s’invite sur la totalité du titre pour accompagner un chant à vif qui achèvera de vous détruire intérieurement.
Je voudrais encore tant dire… mais je préfère que vous écoutiez vous-même ce que je qualifierais d’un des plus grands chefs d’œuvre de ces dernières années. Je n’avais pas ressenti pareille faiblesse en moi après une écoute depuis les inestimables
Infinity et Terria de
Devin Townsend. L’on retrouve également la même impression de participer à quelque chose de « grand » et d’unique et, si l’on ressort épuisé d’une telle épreuve, on en ressort également grandi et plus fort, plus sensible et plus mature. Le sentiment de découvrir le véritable génie nous titille alors l’esprit, puis ne nous lâche plus.
Car The end vient de dépasser le strictement musical pour atteindre une autre dimension que bien peu parviennent à côtoyer, celle des cieux ! Devenu monarque d’en empire qu’il a lui-même fondé, il nous regarde d’en haut et réalise le chemin parcouru que seul lui pourra peut-être un jour dépassé ! Croyez bien que je serais le premier à le suivre…
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