Peut-être vous est-il arrivé, un soir funeste, d'avoir été trainé par vos amis bien intentionnés dans une boîte de nuit, à un concert d'électro, ou pire, une rave. On m'a déjà fait le coup, bien sûr, et à chaque fois, dans une immobilité de statue grecque, en égrenant mentalement les heures, les minutes et les secondes me séparant de la sortie libératrice, je rêvais que d'un coup la dance décérébrée laisse place à du gros son de tronçonneuse. C'est un peu ce que fait Horskh depuis quelques années, avec un électro metal industriel froid comme une feuille de boucher. Et quand on voit les vidéos de leurs explosives prestations live, on se dit que le groupe est une véritable machine à convertir au metal les addicts des dancefloor.
Le trio a été formé à Besançon en 2009 autour de Bastien Hennaut (Chant, Guitares, claviers) et de Briou (Batterie). Après un EP "
Dawn" en 2014 et une version augmentée de trois inédits et de remixes "
Dawn (Extended Version)" en 2015, un très encourageant premier album "
Gate" a confirmé en 2017 que Horskh faisait plus que tenir la distance. Le pendant indus du groupe était en effet aussi méchant et efficace que du
Rammstein, et son versant électro froid comme du
Nine Inch Nails, Kraftwerk, ou Front 242. De plus le chanteur Bastien, avec un timbre souvent proche d'un Dave Gahan énervé à ses débuts avait au passage considérablement musclé ses vocaux, poussés à mi-chemin entre Alan Jourgensen et Trent Reznor.
Rejoints depuis plus de deux ans par Jordan (guitares, claviers), les Horskh ne se sont pas précipités pour sortir un digne successeur à "
Gate". Le groupe a pu soigner la mise en boîte de son deuxième album en juin 2020, autoproduit avec l'aide d'un financement participatif sur Ulule. Le packaging de l'album a été très soigné, avec un artwork de Yoann Amnesy, et illustre bien la dualité Electro/metal, et le thème de "
Wire", à la fois câble, lien, qui relie ou étouffe, si on est un vilain tueur en série.
Avant de lancer la lecture de cette galette de 34 minutes, sortie le 22 janvier 2021, j'avais un peu peur que le groupe reste trop collé à la recette de son premier album, et nous décoche encore une série de titres certes addictifs et de qualité, mais trop coulés dans le même moule. Horskh a en effet toujours la capacité d'envoyer des gros missiles à tête chercheuse à la
Ministry ou
Cubanate, que sont "Trying
More" ou "Set on
Fire", efficaces, directs, et sans fioritures. Les douze titres de cet opus sont concis, tous en dessous de quatre minutes. Mais le trio a varié ses armes et monté les curseurs dans les extrêmes. La partie batterie est exemplaire sur ce point, en exacerbant son coté beat électro. Charley et ride sont très en retrait pour laisser le Boom et le Tchak régner en maîtres. Le travail du son sur la caisse claire est bluffant, misant tout sur la force de pénétration des esgourdes, on a vraiment l'impression d'être à 5 cm des enceintes, la bave aux lèvres. C'est le cas avec "Strobes" ou "Cut the Knot" avec un beat überpuissant, qui vous emmène dans une électro décadente aux synthés métalliques, avec des effets de manches sonores qui jouent avec vos nerfs. Sur "
Mud in my Wheels", catchy et malsain à la
Marilyn Manson, les fills de batterie tordent l'espace, autour de son gros riff bétonné.
Puisqu'on parle de la production, on est pas dans son en carton ; le mixage de Bastien Hennaut et Sam Munnier, ainsi que le mastering effectué par le
Deviant Lab Studio sont hissés aux exigences de précision et de puissance du genre. L'alchimie entre les guitares et les synthés produit un mur de distorsion dont on ne sait plus s'il est électronique ou organique. Malgré la prédominance de la cybernétique, des samples et des effets, il y a une pulsation vivante, qui part du chant de Bastien et irradie toute la musique.
Le coté metal est présent surtout dans la puissance et l'agression sonore déployées, ainsi que dans l'ambiance noire comme une balade "coucher de soleil" aux pays des Terminators. Horskh a un sens de l'idée forte, du riff qui tue, qu'on trouve aussi chez
Nine Inch Nails,
Ministry - fait surprenant, ils citent volontiers aussi
Nirvana comme grosse influence commune. J'ai pensé aussi à
Treponem Pal dans certaines intonations grinçantes de Bastien. Son chant tour à tour désespéré, torturé et rageur balaye un spectre très large, et son charisme vindicatif épice fortement les compositions, et les porte parfois à bout de bras comme sur "Strobes" où il est manipulateur comme un Dexter en goguette.
Le trio est allé plus loin dans l'exploration électronique, principalement dans la deuxième partie de l'opus, à partir du bel intermède quasi instrumental "Stolen Memories" qui bascule dans une ambiance claustrophobe à la "
Blade Runner", poisseuse et déjantée. On retrouve aussi cette ambiance cinématographique dans le dernier titre "May Day", trip electro intriguant à la
Amon Tobin. On sent aussi l'influence du Depeche Mode de "Music for the Masses" ou "
Violator", particulièrement lorsque la voix de Bastien plonge dans les graves (le lancinant "Break
Off", qui se contracte puis explose dans un déluge métallique). Le coté électro extrême atteint son paroxysme sur "Common
Crimes" et "Black Switch", avec des vocaux trafiqués au delà de l'inhumain, qui vous plongent dans la boîte de nuit de Belzébuth, avec un gros effet de pompage qui ferait rôtir David Guetta en enfer, pendant que les mélodies dissonent, et que des gros lâchers de guitare synthétique découpent l'air surchauffé. Dans sa deuxième moitié, l'opus s'ouvre et prend de la profondeur et de l'ampleur avec des émotions contrastées, et c'est là qu'il m'a vraiment convaincu, là où leur livraison précédente m'avait quelque peu laissé sur ma faim.
Leur premier album "
Gate" avait quelques défauts : un son assez uniforme et très agressif dans les hauts médiums, et des morceaux d'une efficacité redoutable mais assez semblables, trop centrés sur un gros riff. "
Wire" est largement au dessus : plus varié, profond et immersif, et moins homogène, avec un son percutant au possible et maîtrisé de bout en bout. Il sonne à la fois plus metal coté guitares, mais assume mieux son pendant électro malsain en le magnifiant. Paradoxalement, le chant de Bastien me semble moins "in your face", mais plus varié, vécu, intégré à la musique, ce qui colle tout à fait au contenu de l'opus.
"
Wire" est une réussite totale dans un style, le metal industriel, qui revient en grâce ces temps-ci, et se permet le luxe de tenir la dragée haute aux pontes du genre, en affirmant son style et sa personnalité. Une belle surprise comme j'aimerais en avoir plus souvent, et un combo qu'il me tarde de voir en
Live, quand on pourra enfin se serrer dans les salles de concert.
Tombé dessus par hasard sur une playlist Deezer, j'ai tout de suite su que c'était français rien qu'à l'accent.
De mon côté je suis tombé sur ta chronique qui m'a intrigué. Je suis en train de l'écouter, c'est vachement sympa pour le moment. Un gros côté Manson sur les titres sur les plus catchy, mais en plus indus, ce qui n'est pas pour me déplaire. Merci pour la découverte !
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