Quand on voit débarquer des types avec des masques de présidents, normalement, c'est un hold-up, mais sortez de dessous votre bureau, braves gens, tout va bien. Il faut assumer une certaine dose de provocation pour se trimballer avec les masques des leaders mondiaux les plus sulfureux du monde moderne, que je surnommerais par prudence rétrospective Orange Man, Kim Cône Un, et
Vlad le Terrible. D'autant plus qu'ils ne tombent jamais le masque en public, bien sûr. Sur leur bio officielle, ils se présentent comme Kimmy aux "supreme drums", Donny aux "tremendous guitars", et Vladi P a la "KGBass", tout un programme !
Difficile de dénicher des indices sur leur identité quand ils envoient leurs manager en interview, masqué à l'effigie d'
Abraham Lincoln, plus la voix de petit vieux qui va avec. Sachant que le soi-disant manager est peut être l'un des trois musiciens, un roadie, un pote, ou qui sais-je, un otage de hold Up...
J'étais donc en train de taper l'intro de cette chronique avec les trois noms des dirigeants sus-nommés dans mon logiciel de traitement de texte lorsque mon PC a fait un clic bizarre. Une minute plus tard, je recevais un mystérieux appel téléphonique, d'un sondeur inquisiteur, me demandant si je n'avais pas des problèmes de conduite à risques pouvant entrainer des conséquences dommageables, comme une coiffure JFK, un séjour de vacances en camp de rééducation, ou une Schtroumfite aiguë à base de polonium. Et là, quelqu'un sonne à mon interphone.
N'écoutant que mon courage, je me suis enfui par la fenêtre en mode
Jason Bourne, et me suis retiré sans traîner ni laisser de traces dans mon île secrète. Elle n'est sur aucune carte, disons au large de Ploumanach', protégée par un micro climat ouragan de catégorie 5, sauf entre 13h32 et 13h38, j'aime autant vous dire qu'il faut un zodiac sévèrement burné pour aller dans mon trou de souris. Et si quelque plongeur ninja arrive à s'introduire sur mon territoire, j'ai ouvert l'enclos de Choupinosaure, mon rhinocéros de combat shooté à
Gojira, qui se fera un devoir d'encorner sans pitié tout intrus mal intentionné.
Pour en revenir à mon enquête, j'ai envoyé mon enquêteur Pedro
Von Schnitz pour faire le sale travail, le draguage de la vase radioactive des bas fonds du métal. Plutôt que de vérifier à ses risques et périls l'emploi du temps d'Orange Man, Kim Cône Un et de
Vlad le Terrible (tiens ça bippe quelque part), ce cher Pedro a préféré filer au train trois suspects au passé trouble, coupables d'un single le 10 juillet 2017, annoncé sur les réseaux d'
Allegaeon. Le nom du single ? "
Nuclear Power Trio", je vous le donne en mille Émile.
Quelques jours plus tard, voici le rapport de Pedro
Von Schnitz, joint par téléphone:
"Bon, premier suspect, Pete Webber, j'y crois pas une seconde. Z'avez écouté
Havok ? Du thrash bien scolaire qui pompe à droite à gauche ce que font les voisins.
Pas grand chose sur sa chaîne youtube. Au plus original, il reprend du
Fear Factory ou du Slipknot, très bien hein, mais je me coupe une cojone s'il est derrière le masque de Kimmy. Et il est tout maigre en plus.
Deuxième suspect, le guitariste Greg Burgess, officiant chez
Allegaeon. Je n'ai rien trouvé hormis un niveau technique de haute volée sur tous types de guitare et un maquillage black metal pour rigoler en tournée ... jusqu'à ce que je tombe sur un truc ! Un solo de
Nuclear Power Trio, ah ! Ah ! On a trouvé plus compromettant, cela dit. Mais le gars trempe dans l'histoire, où il connaît le guitariste.
Par contre, avec Nick Schendzielos, on a un client. Une bête de bassiste, qui joue déjà dans trois groupes et pas des moindres :
Cephalic Carnage, A Job For Cowboys et...
Havok. Encore
Havok, tiens, tiens. Et figurez-vous que cela fait dix ans que le zigoto fait des vidéos... grimé avec des masques de clowns pervers et même en une création démoniaque, un espèce d'Oussama
Terminator, qu'on retrouve dans plusieurs clips de
Nuclear Power Trio ! Nous avons donc sans nul doute trouvé l'instigateur de cette gigantesque blague hautement subversive, et un complice.
Je vous envoie la facture, faites gaffe à vous chef, c'est du sale !"
Merci Pedro pour ton rapport, pour le reste, on va se contenter de ce qui n'a pas l'air d'élucubrations d'
Abraham Lincoln .
L'album a été produit par Dave Otero (
Cattle Decapitation,
Archspire), et
quelques guests ont participé : Chris Broderick (
In Flames,
Megadeth), Ben Ellis (
Scar Symmetry), Brian Hopp (
Cephalic Carnage), et Scott Carstairs (
Fallujah). C'est
Metal Blade Records qui héberge nos trublions, et a relâché "
Wet Ass Plutonium" dans la nature, le 28 juillet 2023.
Comment décrire cet ovni musical ? De nombreux styles sont amalgamés autour d'un noyau prog expérimental ("W.A.P. (
Wet Ass Plutonium")), Djent, guitar porn-mais étendu à tous les instruments, funk, jazz fusion ("
Apocalypse Mao"), et j'en passe. C'est comme si on mélangeait
Buckethead, Santana,
Mr Bungle,
Dream Theater,
Periphery, et des musiques de films de boules. Ceux qui connaissent Mörglbl, de notre Christophe Godin national ne seront pas dépaysés ; il y a des similitudes entre les deux groupes.
Depuis son premier méfait "
A Clear and Present Rager" la musique de NPIII a pris une densité instrumentale encore plus forte : je pense que la seule motivation des musiciens était de se faire encore plus plaisir, de multiplier les couches et les influences. A l'image de sa pochette flashy, les années 80 colorent "
Wet Ass Plutonium " de claviers synthwave qui essaient de doubler en vitesse les guitares, ou de nappes giclantes de cuivres à la mode de Miami, "Deux Flics à Miami" ou Miami Sound
Machine selon les refs. Comme leurs masques, un sourire perpétuel illumine les mélodies enjouées et pleines d'allant, avec parfois un côté dansant pulsé par un groove funk ou des rythmiques sud américaines ("Nyetflix and Chill"). Un saxo joue les crooners sur "
Anti-Saxxers (
Mandatory Saxination)", qui groove autant qu'il saccade à la guitare. Si le métal est disséminé un peu partout, il s'alourdit vraiment avec le dernier morceau "
Red Scare
Bear State" qui breakdowne sévère dans les graves.
Si vous êtes en manque de basse, nul doute que vous trouverez de quoi vous remplir ras la gueule de grosses cordes en chaleur (tous les morceaux et plus encore "Snark Side of the UN", drivé par le slap). Le son de Nick est aérien et métallique, à la
Cynic ou Mudwayne, et sa dextérité est ébouriffante. Avec son jeu au doigts poulpes mâtiné de slap et de tapping, il trouve ici une occasion de mettre son inventivité au premier plan. C'est qu'il y a des soli partout : de guitare, de basse, dans la plupart des morceaux, et parfois basse et guitare solotent en même temps de manière différente. Et un solo de harpe, aussi, tiens.
A la batterie Pete "Kimmy" Webber donne du liant très groove à l'ensemble, avec un bon travail à la double et de-ci de-là de gros roulements à rallonge. Il fait aussi des rythmes qui doivent bien le changer de ses habitudes thrashisantes, avec des rythmes latinos, funky, et un travail très fin sur le charley sur les passages calmes.
Au premier abord,
Nuclear Power Trio est moins catchy et facile d'accès que sur son premier EP, mais il a élargi encore sa palette..
En l'absence de chant, l'apport de phrasés mémorisables revient presque toujours à la lead guitar, et à force, il y a une certaine redondance des mélodies pour accrocher le chaland (" ¡Vamos, Brandito!" file un air de déjà entendu sur son refrain). Mais au fur et à mesure qu'on dépiaute toutes les saveurs de ces plats complexes et épicés, c'est le plaisir de la dégustation elle même qui réjouit le plus les papilles auditives. Aussi, même si le groupe en rajoute dans la déconne, il y a de superbes plans partout, et particulièrement sur les intros et fins de morceaux.
Alors que les questions politiques pourrissent autant les discussions des grands de ce monde que les engueulades de comptoir ou de réseaux en tous genres,
Nuclear Power Trio Trio s'en gausse le majeur levé, en quelques mots dans de savoureux titres de morceaux , "Nyetflix and Chill", "Critical Bass Theory", et autres "
Anti Saxxers (
Mandatory Saxination)". Une insouciance potache qui fait du bien, pour se rappeler qu'après tout, la seule mission qui vaille sur Terre pour l'être humain n'est peut être que de profiter de quelques dizaines d'années de vie avant de nourrir les asticots et de retourner en poussière.
Épilogue : Maintenant que le mystère est éclairci et que mon PC ne fait plus de bips menaçants et intempestifs, je me prépare à rentrer sur le continent. Je me demande si je n'ai pas fait un brin de parano, je devrais arrêter les internets et me mettre à la camomille.
Et au moment où je me disais qu'il faudrait remettre en ordre l'enclos de mon rhinocéros de compagnie, j'ai eu le soulagement de voir que Choupinosaure m'attendait tout fier sur mon perron, avec au bout de sa grosse corne mon cher Pedro
Von Schnitz, en costume de plongeur ninja.
Tout va pour le mieux, je peux retrouver la civilisation !
Première écoute plutôt cool, juste dommage que les cuivres soient pas aussi présent dans l'album que sur Nyetflix and Chill, ça marche super bien.
Sinon j'ai quand même un peu de mal avec la prod ultra moderne et méga propre, ça rend le tout beaucoup trop artificiel, pas assez organique et naturel.
En tout cas bonne découverte malgré tout, merci beaucoup !
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