L'enfer est la nature hybride de l'art et de la technologie. Il est créé par l'homme, dans sa dissociation entre une réalité cruelle et incontrôlable, et l'envie d'atteindre la perfection et la transcendance.
Gabriel fera un long voyage intérieur dans cet enfer artificiel pour retrouver Mariel, sa femme et Alice, sa fille. Dans la cité de
Vertigo, ville de rouages et de progrès, au beau milieu de l'océan, il sera tiraillé entre son âme d'artiste, fragile carapace, et la douloureuse réalité qui anéantit sa famille.
Une âme errante, en quête de beauté et de simplicité, dans un lieu isolé et sans autres alternatives que le progrès.
4 ans se sont écoulés depuis le dernier méfait des Italiens de
Sound Storm : l'acclamé
Immortalia. Avec ce deuxième opus, la formation avait fait preuve d'une puissance de frappe colossale et d'un génie de composition qui les rendaient tout bonnement uniques dans le paysage du
Power Symphonique. Fureur, violence, poésie et lyrisme furent les maîtres mots de cet
Immortalia, qui marque encore les esprits des fans du genre de sa main de maître. L'ombre de
Rhapsody planant perpétuellement sur les formations de
Power italiennes, il était difficile pour un jeune groupe de s'en extraire, et, de ce fait,
Sound Storm devint l'un des plus solides espoirs pour la suite. Avec cette troisième sortie, la formation frappe fort avec un artwork à l'image de leur musique : vertigineux et sans limite.
Plus qu'un simple album,
Vertigo est un conte plein de subtilités, écrit et composé par
Sound Storm et réalisé par
Grey Ladder Productions. Les 10 titres de l'album seront, dans un avenir proche, tous accompagnés d'un clip vidéo, nous racontant l'histoire de Gabriel et de son voyage intérieur vers la folie. Mais nul besoin d'attendre la sortie de ces 10 vidéos pour s'atteler à un compte-rendu musical de l’œuvre des transalpins. Après tout, les critiques cinémas ne sont pas dans mes compétences, et, plus que l'art de l'écran, c'est celui de la musique qui caractérise un groupe.
Transcendé par une production de Joost Van Den Broek,
Vertigo repousse les préjugés et redonne espoir. En plus de se présenter comme le digne successeur d'
Immortalia (dans l'ambiance et la patte de composition), il y ajoute maturité et sens du dosage (qui pouvait, parfois, faire défaut au précédent opus), tout en envoyant à la face du monde du
Metal, une digne représentation de la classe à l'Italienne. Entre furieuses envolées vocales, passages orchestraux classieux, mélodies de piano envoûtantes, et refrains épiques et théâtraux,
Vertigo se hisse comme l'une des meilleures sortie de l'année 2016.
Après une introduction portant encore la trace de l'ambiance d'
Immortalia, The
Dragonfly débute par un riff orchestral malsain et torturé par des mélodies de violons aussi dansantes que tourmentées. Le titre nous propose un voyage mouvementé entre chœurs féminins, guitare lourde et féroce, et ponts orchestraux. Fabio Privitera, au chant, nous livre, sur ce titre, une prestation des plus déconcertantes. Se mettant parfaitement dans la peau d'un personnage au début de son parcours initiatique, il renonce à tout accès de folie et interprète le refrain avec une puissante émotion contenue. Le titre développe alors une tension ténébreuse palpable, que ces solos de guitare et de claviers sortis des passages les plus noirs d'
Immortalia viendront parachever.
Ce chant, en perpétuelle évolution, sera d'ailleurs le principal fil rouge de l'album, là où les lignes de chant d'
Immortalia étaient d'ordinaire furieuses et désinhibées, Fabio adapte son jeu à l'étape de la quête du personnage de Gabriel.
Plus tourmenté sur «
Metamorphosis » (au refrain sublime et aux soli légers et aériens), son chant s'égarera en quelques accès de folie, avant de retomber dans un timbre plus doux. La métamorphose du personnage symbolisée à la perfection. Dans «
Ocean », la performance vocale nous laisse deviner un personnage oppressé par les frontières de la ville de
Vertigo (un océan à perte de vue l'empêchant d'envisager tout autre échappatoire). Le chant y est très doux, et frôle parfois une saisissante lamentation, tandis que pré-refrain et refrain nous livrent de somptueuses mélodies teintées d'espoirs impossibles. «
Forsaken », en revanche, nous permettra de retrouver la prestation vocale caractéristique d'
Immortalia : cri, rage et folie, le tout porté par une batterie implacable. Mais toujours avec ce sens du dosage, ce talent du détail, et ce soin sur les mélodies et la mise en scène (ces délicieuses parties de pianos sur le couplet et le refrain...).
Mais ce travail colossal sur le chant n'est qu'une partie de l'ambiance et l'émotion se dégageant de l'album. Tout les titres se succèdent avec une fluidité experte, nous permettant de suivre l'histoire sans en écouter la moindre parole.
Plus qu'une succession de titres, l'album peut être vu comme un titre à part entière, où tout est à sa place pour y trouver son point de culminance. Impossible de ne pas évoquer, par exemple, «
Original Sin », qui succède au furieux «
Forsaken ». La férocité de ce dernier amplifie le contraste du titre, une
Power ballade à l'Italienne pleine de sentiments contraires : Détresse, détermination, tristesse et confiance. Tout y est magnifique, d'une puissance hors-norme que des chœurs féminins viendront amplifier de leur lamentation. Fabio y est poignant d'émotion et nous noue la gorge par son investissement dans le personnage de Gabriel. Evoquons aussi le cas de « Spiral », titre purement orchestral succédant à «
Ocean », sa mélodie principale, cyclique et entraînante, nous laisse sentir l'avancement du personnage dans son combat intérieur. Une page de l'histoire est tournée, quelques timides notes de piano nous préparent à la suite...
«
Gemini » nous offre un voyage dans la folie la plus profonde de l'esprit humain. Sa mélodie au piano est d'un génie de composition hors-norme, dansante et schizophrénique, elle est rejointe par la batterie et la guitare pour créer un riff ravageur à la puissance démesurée. On se rapproche délicieusement du piano débridé de « You Can't Fix Me
No More » de
Zierler. Le refrain est une perle de contraste, on y retrouve un Gabriel résolu et flegmatique, qui, dans une douce folie, est prêt à affronter son destin. « The
Last Breath » mettra un point final à l'épopée par un riff de guitare débordant de nostalgie. A la manière de « The
Portrait » du précédent album, le titre final se divise en deux phases, la première comprenant de splendides samples pouvant presque s'apparenter à la respiration d'un mourant, et la deuxième, un riff de guitare prêt à en découdre, soutenant un chant en état de transe. Le refrain, pour finir, achèvera de faire exploser toute l'émotion accumulée au fil de l'écoute, le travail vocal est, encore une fois, monstrueux, on pourrait presque sentir les larmes de Fabio pendant ses dernières notes, dernières notes que tous les chœurs accompagneront de leur puissance.
L'enfer est le mélange d'une cruelle réalité, et d'un art utopiste, mais
Vertigo nous rappelle également que l'art peut aller au-delà de la simple quête de dépaysement, et peut devenir une expérience à part entière, influençant notre réalité.
Sound Storm accomplit ici un travail colossal d'écriture, de mise en scène, de composition et d'interprétation. Il nous livre une fresque épique, cohérente et classieuse jusqu'au bout des ongles. Au-delà de l'influence des géants du genre, la jeune formation s'écarte des sentiers battus et s'aventure sur son propre chemin, dans son propre concept, et pose les bases de son propre univers.
Vertigo s'impose comme l'une des plus grandes réussites de l'année, la réussite amplement méritée d'un groupe qui se donne corps et âme pour livrer sa propre conception de la musique.
Sound Storm, plus qu'un groupe à suivre, devient une valeur sûre.
À ce propos j'ai écouté l'album, et même si (pour l'instant) je ne suis pas convaincu par tout, j'ai vraiment aimé certains passages (surtout vers les derniers titres). Mais il faut que j'approfondisse...
Après, si tu aimes pas, tu aimes pas, ce n'est pas le 18/20 universel...:)
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