Les gens en ont marre. Les auditeurs à fortiori. Ceux de metal mélodique en particulier.
Ils en ont marre que les jeunes groupes rivalisent les uns envers les autres pour ne pas tenter d’innover, pour ne pas chercher à aller plus loin que ce qui a déjà été offert sur un plateau un demi-million de fois. Marre de comprendre que, depuis la vague revigorante du « true metal » à la fin des années 1990, personne ne sort du lot pour devenir les
Edguy,
Angra,
Sonata Arctica,
Rhapsody of
Fire,
Blind Guardian ou HammerFall.
Les groupes qui prennent des risques se comptent sur les doigts de la main depuis quelques années, et les quelque uns proposant des opus marquant sont encore plus rares. Il y eu Orden Organ avec son magistral "Easton
Hope", dont on attend d’ailleurs impatiemment la suite.
Stormwarrior semblait bien parti mais il s’essouffla finalement avec son dernier album, tandis que
Freedom Call risque de rester un second couteau définitivement toute son existence.
Infinita Symphonia aura nourri quelques convoitises l’été passé mais il ne fut qu’un bon album parmi d’autres, tout en étant un espoir futur. Les très récents
Bejelit ou
Wind Rose restèrent dans une veine similaire…et lorsque j’ai reçu la fiche de
Sound Storm (excusé de ce patronyme une nouvelle fois affreusement stéréotypé), il ne semblait pas en être autrement.
Un heavy metal hautement dramatique, des musiciens italiens évidemment influencés par les grands
Luca Turilli et Alex Staropoli, des chœurs, des symphonies, des tralali et des tralala, un artwork par le dessinateur des dernières pochettes
Blind Guardian et
Rhapsody (et oui, encore Felipe Machado Franco)…bref…rien de nouveau sous le soleil du power symphonique…une écoute ennuyeuse à l’horizon, une seconde…puis on n’oubliera, en s’y penchant tout de même plus sérieusement pour en écrire un témoignage complet. Voici le programme qu’aurait pu être "Immortalia" (une nouvelle fois, le nom de l’album n’est pas en soi rassurant).
Le titre éponyme se lance et la première alerte se produit sous la forme d’une première chorale excellemment mise en scène pour introduire l’ensemble. Le vocaliste principal, Filippo Arancio, possède un coffre semblant puissant et ample. Lorsque l’on se dit que le chanteur est la première raison d’un album oubliable rapidement, un fin espoir nait. Puis, un énorme riff s’abat sur cette innocente chorale et une double pédale se met en marche, écrasant tout sur son passage dans une ambiance, il faut l’avouer, très proche du dernier
Luca Turilli mais impeccablement maitrisé, avec une production superbe et surtout un talent intrinsèque qui semble bien là. "Back to
Life" suit logiquement et l’excellence du vocaliste se fait évidente lorsqu’il déballe l’ensemble de son talent. Narratif, hurlé, power plus traditionnel, théatralisé…ce type parait savoir proprement tout faire et le démontre d’une façon grandiloquente sur ce premier morceau au tempo rapide et féroce. Le niveau technique est pléthorique (ces descentes de gammes au piano), la batterie est un rouleau compresseur et surtout, il se dégage une fraicheur, une puissance et une envie de bouffer le monde qui manque férocement à toute cette horde dépourvue de crocs. Car oui,
Sound Storm se permet de mordre et qu’est-ce que ça fait du bien d’entendre un groupe se lâcher et jouer sans aucun complexe. Les chœurs mêlés à des relents de blast beats pour une ambiance plus sombre, un soli splendide et inspiré, un chanteur en état de grâce…merde, est-ce bien un tout jeune groupe que nous entendons là ? L’expérience, la maitrise et le talent est si présent…on se croirait sur les
Rhapsody récents (les deux derniers) dans le rendu sonore et l’ambiance…
Le mieux, je vous le lance dans le mille, c’est que la suite est du même acabit, et la jouissance auditive continue presque pendant l’intégralité de l’album, chose devenant trop rare chez ces jeunes artistes relâchant toujours à un moment la pression (chose qu’
Orden Ogan avait su maitriser parfaitement). Dans une ambiance plus extrême, chantant dans un registre proche du black, The "
Curse of the
Moon" est une perle pleine de contrastes, passant de l’ombre à la lumière en quelques secondes, de la rapidité au calme, du chaos à l’espoir. Les chœurs, majoritairement masculin, sont impressionnants de coffre. Quant aux arrangements aux claviers, autant dire qu’il n’y a rien à redire sur leurs sonorités.
Plus traditionnel du power « à l’italienne », "
Blood of Maiden" poursuit le sillon de ses glorieux ainés avec sa prédominance du clavier et de la double pédale, mais le travail des breaks est tellement inventif qu’il en devient impossible de prévoir de quoi sera faite la composition. Le groupe nous ballade de bout en bout, les cassures se multipliant, les ambiances se profilant au fur et à mesure sans que l’on puisse les prévoir. Et ce putain de refrain dantesque qui rappelle "
Power of the Dragonflame" ! Impossible également de passer à côté de la torpille "Wrath of the
Storm", supersonique et rageuse à souhait ou encore de la sublime "Faraway", débutant d’une mélodie pure au piano pour se poursuivre sur un lead mélodique d’une grande poésie, contant des épopées épiques et majestueuses.
Sound Storm sait faire voyager, raconter des histoires et se montrer expressif selon les émotions qu’il cherche à faire passer. Le travail d’Alessandro, le claviériste, et de Valerio Sbriglione, le guitariste, sont à ce titre vraiment monumentaux tant il regorge d’intelligence, de passion, de créativité et d’envie. On ressent cette envie de sortir des créneaux, de faire fi des étiquettes et des conventions, d’aller au bout de ses idées. Et pour cela, le groupe n’hésite pas à ce faire parfois beaucoup plus sombre et ténébreux, comme sur un des nombreux breaks de "Faraway", diabolique à souhait, apparaissant juste avant un duel de solo plus qu’époustouflant. "
Seven Veilsz, pour ceci, se permettra des incartades vers l’Orient pour offrir encore un peu plus de variété et de saveur à ce second album si rafraichissant et bénéfique, nous montrant enfin que
Luca Turilli n’est pas seul en Italie à offrir une musique de ce calibre. Inutile de préciser que la longue composition finale, "The
Portrait", est exempte de défauts et qu’elle assoit encore un peu plus le potentiel d’"Immortalia" et de
Sound Storm.
Que disais-je en préambule ? Ah oui, que les gens en avaient marre. Mais si en avoir assez permettait, de temps à autre, de se voir offrir gracieusement et de nulle part, des perles comme cet "Immortalia", alors peut-être serions-nous plus concilient…
Sound Storm a tout pour devenir grand…si nous pourrions être rabat-joie ça et là pour quelques menus détails, il ne faut pas oublier la jeunesse encore relative des italiens. De telles approximations, aussi infimes soient-elles, seront rapidement corrigés sur les futurs essais. Tout est réuni ici pour un carton d’entrée et un avenir radieux par la suite. Bienvenue dans le monde de l’exigence, "Immortalia" ne saura vous décevoir.
Ok, je vais acquérir cet Immortalia, le dernier album du genre qui m'ait touché remonte ...à loin. Belle chronique.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire