Originaire de Brno, en République Tchèque, le jeune groupe de metal gothique symphonique à chant féminin, poussé par un vent d'inspiration nightwishienne, entame son projet prudemment, à l'instar de cette première livraison. Jouissant déjà d'une production soignée au regard de son mixage, équilibrant parfaitement les parties instrumentales et vocales entre elles, et d'arrangements de bonne facture, cet EP de 7 titres nous embarque pour une traversée de moyenne distance, nous offrant 28 minutes d'un paysage de notes d'un metal pluriel (gothique, symphonique, mélodique et progressif) aux sonorités chatoyantes, pénétrantes, où l'on croirait voir poindre l'ombre d'
Epica,
Amberian Dawn et autres
Xandria ou
Imperia. C'est précisément dans cette énergie que s'inscrit ce message musical concocté en totalité par le collectif lui-même, à savoir
Antonín Buček (guitare), Jan Koriťák (guitare), Eva Hanáčková-Kratochvílová (chant), Víťa Ryšavý (batterie), Radek Šustr (basse) et Jarek "Šiva" Šimčík (claviers).
Lorsque la proposition se nourrit d'une substance symphonique, elle marque ses premiers points sans sourciller. Ainsi, à la manière d'un
Nightwish de la première heure, la brève et propre entame instrumentale « Intro » octroie un infiltrant paysage de dunes synthétiques, où peu à peu les éléments s'imbriquent les uns aux autres, le corps orchestral y gagnant alors en épaisseur de relief acoustique. Par un fondu enchaîné, c'est tout naturellement que le frondeur « Splnìné Pøání » lui emboîte le pas. Disséminant de cinglants riffs en cascade accolés à une rythmique resserrée, le brûlot nous entraîne dans un univers instrumental emphatique et bien organisé, corroborant les patines acidulées d'Eva, jeune soprano au cristallin grain de voix. Dans le sillage atmosphérique de
Dark Princess, avec un zeste de
Sirenia, dernière cuvée, sous couvert d'un cheminement mélodique dans la veine de
Delain, le morceau prendrait des allures de hit en puissance. En outre, de flamboyants accords, d'efficaces enchaînements et d'effilées harmoniques ne manqueront pas de capter une attention qui, d'ailleurs, jamais ne s'affadit, nous faisant ainsi rapidement comprendre que le spectacle sera à la mesure des attentes d'un public déjà sensibilisé aux vibes de leurs maîtres inspirateurs. Enfin, sur le cisaillant « Andelé » on sent poindre la venue pressante d'un vigoureux headbang, voire un vif déhanché. Cette piste enjouée libère une débauche d'énergie que le collectif sait communiquer, et ce, sans y perdre en luminescence mélodique. Un joli solo de guitare enjolive un parterre instrumental pléthorique et résolument pugnace. Au cœur de cette abyssale et prégnante forêt orchestrale, les frêles inflexions de la princesse révèlent leurs atours, sans jamais friser la fausseté ou le placement mal assuré. Toutefois, quelques notes résiduelles se perçoivent sur la trame d'ensemble, révélant quelques traits de jeunesse chez une formation au potentiel déjà affirmé.
Mais le combo a d'autres armes dans son arsenal pour nous inviter à le suivre, notamment lorsque les plages se parent d'une coloration gothique plus prononcée. Ainsi, les éléments telluriques se déchaînent, les dieux en colère nous lancent leurs éclairs aveuglants et leur foudre assassine, et l'angoisse monte... Puis, d'un coup, on embarque pour une savoureuse tourmente, à l'aune du vivifiant «
Rosa Nocturna », piste éponyme d'obédience gothique, où une lead guitare libertine se déploie concomitamment à l'éveil d'un serpent synthétique, prêt à jeter son venin. Les riffs s'épaississent et les démoniaques embrasures progressivement lacèrent le tympan, parallèlement à la douce et gracieuse empreinte oratoire de la sirène, non sans renvoyer à
Forever Slave. On déambule donc dans un univers atmosphérique fort en contrastes, sulfureux en mélodicité, s'imprimant aisément dans nos mémoires et s'avérant suffisamment impactant pour ne plus éprouver le désir d'en sortir. De son côté, l'entraînant « Pùlnoc » nous baigne dans une mer limpide à la profonde agitation intérieure, où un tapping martelant et des blasts en série s'invitent à la danse, dans l'esprit d'
Abrasantia. Si les riffs roulants et la rythmiques enfiévrée chauffent la piste autant qu'ils aspirent le pavillon, un tracé mélodique faiblement oscillatoire sur ce propos gothique progressif, au demeurant plutôt agréable, ne lui assure pas une automatique prise émotionnelle. De plus, une gênante, car inopportune, clôture de l'acte témoigne de finitions à parfaire.
Dans un registre plus estampé progressif, nos acolytes ne se sont pas montrés maladroits, loin s'en faut. Aussi, de subtils arpèges au piano encensent le tympan à l'entrée de « Pavuèina Zivota », cavaleuse et engageante plage symphonique gothique aux airs d'une petite fresque. De fines modulations atmosphériques et un tracé harmonique judicieusement esquissé ont pour corollaire une cohésion instrumentale confondante de brio. En outre, de belles envolées guitaristiques s'inscrivent en creux dans cette tourmente, avec, à la clé, un captateur solo de guitare. D'envoûtants refrains et des reprises au placement rigoureux et bien inspirées s'offrent autant que les volutes angéliques de la maîtresse de cérémonie viennent lécher le creux de l'oreille et, in fine, les abyssales entrailles de notre âme. Dans une logique rythmique alternative, la patte progressive vient non moins nous toucher. Aussi, tout de soie vêtu, la ballade progressive « Nadìje », par ses charmes troublants pour le moins entretenus par les délicates incursions de la belle, nous immerge dans un bain orchestral aux doux remous et livrant une lente mais effective ascension. Jouant sur les nuances de tonalité et d'amples mais retenues sinuosités, le moment intimiste sort partiellement de sa torpeur et nous pousse à suivre son cours jusqu'à son terme.
Assurément, l'entreprise de séduction fonctionne à plein, mais quelques linéarités mélodiques le condamnent à ne pas provoquer l'inconditionnel émoi chez le chaland. Pour le dire autrement, si l'on est agréablement surpris par la vue de ce champ de lavande, le parfum qu'il exhale pourrait ne pas nécessairement nous enivrer.
A l'issue du parcours du skeud, on se sent agréablement traversé par une onde vibratoire nous étreignant de bout en bout. Certes, l'exercice de fond s'avère classique dans son principe d'émission et la diversité atmosphérique et vocale en est encore à ses balbutiements. Cela dit, le rendu global, de par les qualités logistiques, techniques et harmoniques de la valeureuse troupe, offre quelques moments aptes à la rétention d'un auditorat déjà sensibilisé aux travaux de ses prédécesseurs stylistiques. Un potentiel déjà efficient s'observe mais qui devra affiner le trait mélodique et gagner en épaisseur artistique pour l'emporter plus largement. Toutefois, selon votre humble serviteur, il se pourrait bien que cette initiale offrande appelle de ses vœux un prochain effort plus substantiel. Dans cette attente, une (re)découverte motivée des trésors enfouis dans les tréfonds de cette boîte de pandore ne saurait disconvenir, assurément...
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